Tout est paradisiaque ici. Nous sommes aux Bahamas, il n’y a rien d’illogique à la formulation d’un tel constat mais l’île en elle-même aurait pu abriter une immense déception à la découvre de l’hôtel. Il n’en est rien. Ce dernier est suffisamment luxueux pour qu’une tonne de petites prestations nous soient offertes sans avoir besoin de toucher aux deux mille dollars gracieusement injectés en guise d’argent de poche par un Georges décidément plus généreux qu’il n’en a l’air. Peut-être parce que l’aventure touche bientôt à sa fin et qu’il réalise qu’on va follement lui manquer. À sa place, je serais surement dans le même état que lui. Bien-sûr que je me manquerais, attendez. Si les chambres sont fantastiques, ce n’est rien à côté de la triple piscine qui s’offre à nous. De quoi nous permettre de profiter sans avoir à se mélanger aux autres. Il y en a pour tout le monde et c’est ce qui me met en joie à l’idée de piquer une tête en cette fin de matinée. Je suis occupé à vivre ma meilleure vie, serviette de plage à la main, lunettes de soleil vissées sur le nez lorsque quelqu’un me saute sur le dos. Je me cambre pour éviter le déséquilibre qui pourrait nous être fatal. À en juger par le poids plume, il s’agit surement d’une femme. Une voix s’élève et je reconnais immédiatement Frida qui fait s’étirer mes lippes en un très large sourire. « Sauter sur les épaules du mec le moins adroit du casting, c’est flirter avec le danger. Tu as eu du pot, j’aurais pu tomber au moins mille fois ! » Je remarque, amusé et tenté de la balancer à la flotte puisque nous sommes très proches du bassin. Je garde cette idée précieusement ancrée dans mon esprit pour plus tard. Je reçois un ordre et un coup de tongs sur les mollets pour m’encourager à m’exécuter. « Vos désirs sont des ordres, madame. » Je babille, en un français accentué à la sauce new-yorkaise, comme à mon habitude. Je me cambre davantage encore et m’élance tel un cheval fou pour entreprendre de faire le tour de la piscine. « JE ME SENS CHOIR ! » Je préviens, volontairement en train de pencher sur le côté pour nous emporter tous les deux dans un plongeon déjà culte. Deux baleines échouées, en quelque sorte, lorsque nous remontons à la surface et que j’explose de rire, très satisfait de ma bêtise.  

La posture est amusante, elle le serait encore plus si certains de nos camarades étaient déjà à la flotte pour nous permettre d’envisager une sorte d’affrontement au sommet entre Frida et moi d’un côté, puis… Disons… @Kendall et @Dylan de l’autre. Deux garçons séducteurs aux côtés de deux femmes au tempérament redoutable. Vous imaginez un peu le tableau ? Moi oui, mes lippes s’étirent en un très large sourire amusé à cette idée et m’empêcheraient presque de garder un œil sur la véritable situation qui se joue. Il n’y a que Frida et moi près du bassin mais je ne risque pas de m’en plaindre. La jeune femme est d’excellente compagnie, fake life inventée sur les réseaux sociaux ou non. Je ne figure pas parmi ceux qui jugent, au contraire, je pense qu’il est plutôt grand temps de se remettre en question et d’essayer de comprendre les raisons derrière un tel besoin. N’est-ce pas l’expression d’une vulnérabilité, d’un appel au secours très original – je vous l’accorde – qui devrait interpeler plus que la forme en elle-même ? « À quoi servent mes muscles ? C’est très simple, à faire le beau sur Instagram, à me faciliter la tâche en matière de séduction, à rouler des mécaniques et à avoir l’air mignon en maillot sur la plage lorsque l’été arrive ! » Il n’y a pas que cela, mais c’est l’argumentaire typique qu’on attendrait d’un beau gosse musclé sans savoir qu’il est passé par la maladie et l’obésité avant d’en arriver là. Ce corps, c’est plutôt une victoire sur toute la merde qui peut parfois te rendre la vie impossible plus qu’un physique entretenu pour baiser plus facilement. Ça aide, malgré tout. Ne jamais cracher dans la soupe. Je m’élance, tel un cheval fou, avec un équilibre plus ou moins précaire qui a le mérite de nous faire rire tous les deux comme des enfants. Il en faut très peu pour être heureux. Une opportunité comme celle-ci ne se refuse pas, surtout quand un simple geste te permet de choir malencontreusement et d’emporter une Frida et ses lunettes de soleil dans ma chute. Le retour à la surface, nos corps mi-immergés, est hilarant. Elle a ses cheveux partout sur le visage et je ne peux m’empêcher de reculer, l’air complètement apeuré. « Oh mon dieu, qu’avez-vous fait à Frida ? Je n’ai pas demandé un tête à tête avec la meuf trop flippante de The Grudge… Ou The Ring parce que bon… Même combat ! » Deux entités maléfiques, des femmes bafouées et cruellement assassinées qui prennent vie avec beaucoup de cheveux devant le visage parce que… Parce qu’il faut bien trouver un moyen identifiable de les assimiler à la Pop Culture sans avoir à dépenser des sommes astronomiques pour une vague d’effets spéciaux à la noix ! Elle s’accroche à nouveau à mes épaules, prête pour un tour du propriétaire aquatique. « Okay, par contre j’ai besoin d’une indication avant cela… Une visite à mi-chemin entre eau et air ou complètement aquatique ? » Je suis un excellent nageur, je n’ai jamais tenté de le faire avec quelqu’un accroché à moi mais il ne doit rien y avoir de trop difficile. « J’pose la question parce qu’on m’appelle la sirène dans le milieu… Ou Sauvez Willy suivant l’humeur ! »