Tout avait pourtant bien commencé en ce début d’après-midi. Je m’étais chargé de casser plusieurs petits morceaux de chocolat pour les faire fondre au bain marie pendant que Jana se chargeait de mélanger les poudres. J’ignore de quoi nous est venu ce désir commun de se créer un plaisir sucré pour le goûter, mais j’aime lorsque la nourriture parvient à tous nous unir de la sorte. Sauf que cette activité ne semble plus être complètement à l’ordre du jour, à en juger par cette moue mi-renfrognée mi-amusée qui étire mes traits théâtralement.  « C’EST LA GUERRE ! » J’hurle à l’intention de ma camarade qui vient de commettre la folie ultime en me cassant un œuf sur la tête. La vilaine était juste censée me donner un coup de main pour réaliser un gâteau au chocolat, mais puisqu’elle veut jouer, nous allons partir en guerre. Je me glisse près du réfrigérateur pour en sortir la bombe de Chantilly nécessaire pour accomplir ce vilain dessein qui m’anime. Elle a pris de l’avance, la jeune femme, mais je la retrouve à quelques mètres de là et l’attrape par la taille pour la maintenir le plus immobile lorsque j’abats l’extrémité de la bombe contre son visage pour en faire surgir un maximum de crème sucrée que je prends soin d’appliquer avec joie jusque dans ses cheveux. « Tu en as assez où je te ressers ? » Je la questionne, la voix teintée d’une provocation arrogante. Si Claire Washington nous voyait, elle nous ferait tous les deux exécuter pour avoir osé souiller le sol de la cuisine. Elle se retourne et déjà je la sens venir. « I’M OUT ! » J’hurle, en un cri pas très viril, déjà bien trop occupé à prendre mes jambes à mon cou pour la distancer au plus vite avant qu’elle ne trouve quelque chose d’autre à utiliser pour m’attaquer en représailles.

Je suis tenté de crier que je ne suis pas venu ici pour souffrir lorsque s’abat sur mon crane un œuf que je sens déjà dégouliner le long de ma nuque, sur mon visage et sous mon t-shirt. La sensation est hideuse, le blanc renfermé par cette coquille est visqueux tandis que le jaune s’écoule et tâche le tissu de mes vêtements. Ma vengeance sera terrible. Quelques secondes sont nécessaires pour que je trouve l’idée et le matériel nécessaire afin de lancer le plan diabolique qui me mène à une poursuite digne des plus grands moments de cinéma. Ne manquerait plus qu’une touche de farine à même le sol sur laquelle glisser pour sombrer du côté de la comédie familiale à l’américaine, option blagues scatophiles constamment dirigées en dessous de la ceinture. Je parviens à la rattraper, la distance se réduit seconde après seconde et une main la rend prisonnière de ma personne. Nous sommes l’un contre l’autre, elle gigote pour tenter de se libérer de mon emprise mais il est bien trop tard pour cela puisque la crème Chantilly s’abat en une quantité très généreuse sur son visage, dans ses cheveux malgré les rictus que nous partageons et qui rendent la tâche nettement plus difficile à mettre en œuvre puisque j’ai très envie de me plier de rire. « J’te ferais un masque digne de ce nom si tu nettoies la cuisine après la bataille ! Dois-je te rappeler que tu es face à un coiffeur aux connaissances légendaires sur les shampoings ? » Je possède de nombreux secrets qui pourraient lui donner envie de s’abandonner à mes doigts de fées le temps d’un masque pour entretenir ses cheveux, d’un excellent shampoing et d’un massage du crâne digne de ce nom. Elle lève les mains en l’air, quémande un cessez le feu que je lui accorde avec une générosité folle. « Tu reconnais ma supériorité ? Que dis-je… MA SUPRÉMACIE ? » J’ai l’air d’un vilain tout droit sorti du dernier blockbuster produit par Marvel. Pas le temps de niaiser que déjà elle attrape le bol dans lequel ont été réunies les poudres, farine, levure, sucre… Je la vois déjà venir et je suis désarmé. « Une seule raison ? Euh… UNE ARAIGNÉE ! » J’hurle, visiblement traumatisé par le gabarit du monstre que je pointe du doigt derrière elle. La connerie étant visiblement commune, je profite de cette brève distraction pour bondir sur le plan de travail afin d’attraper la boite pleine d’œufs et me glisser derrière ce fameux morceau de mobilier. « Lequel d’entre nous à le pouvoir maintenant ? HEIN ? TU VEUX RAJOUTER DES ŒUFS À LA CHANTILLY ! »