Le cadre est véritablement idyllique. J’ai mon cocktail réalisé par un charmant barman à l’entrée de la plage entre les doigts. Un mojito que je prends soin de siroter en douceur pour éviter d’être pompette au bout de cinq minutes à cause du soleil qui tape particulièrement fort aujourd’hui. Le ciel est d’un bleu inébranlable, pas la moindre touche de grisaille, aucun nuage vers l’horizon. Une météo à la hauteur des lieux qui, je le sais, se retrouvent parfois victimes d’un climat apocalyptique lorsque vient la saison des pluies et des tempêtes tropicales. Pour l’heure, c’est avec un grand sourire que je m’installe sur l’une des deux balançoires suspendues au bord de la plage, les pieds dans l’eau. La brise est agréable sur mes épaules dénudées, sur ce corps uniquement recouvert d’un short de bain. On ne peut pas rêver mieux pour aborder les demi-finales et la compétition qui, à mes yeux, n’en est plus vraiment une. Je suis arrivé au-delà de mes objectifs, une qualification en finale serait bien entendu la cerise sur le gâteau mais je ne place aucune pression sur mes épaules. Tout ce dont j’ai envie à présent, c’est de profiter au maximum, de me détendre et de retourner aux fondamentaux. En parlant d’eux, je crois apercevoir Vicente non loin d’ici. « VICENTE ! » J’élève la voix en lui faisant signe de se joindre à moi, la seconde balançoire étant désespérément vide. « Je n’ai qu’un mojito à disposition mais on peut le partager si tu veux ! » Je propose, les lèvres étirées en un très large sourire. Nous nous sommes expliqués la semaine dernière afin de régler nos différents et j’estime qu’il est temps de passer à autre chose. J’ai juste envie de profiter de sa présence pendant que c’est possible, lui que je soupçonne de potentiellement avoir le moral en berne avec l’élimination de @Taj. « Cap de courir en direction des profondeurs jusqu’à ce que le poids de l’eau te fasse chavirer ? » Commencer en douceur, comme à mon habitude, lui tendre une perche et voir s’il est prêt à se montrer joueur ou non.

Faut bien avouer que le cadre était quand même plus qu'idyllique par ici. J'avais déjà eu l'occasion de visiter plusieurs régions de ce genre dans le passé, mais c'était encore différent de Nassau. Enfin, je supposais que le tout devait donner pas mal de vues à l'émission, parce que si on y réfléchissait bien, voyage au soleil était synonyme de résidents dénudés, de drama et de sexe. Donc ouais, assurément, l'audience allait forcément être vérifiée. Arrivant près de la plage, je tombais sur un @Apollon qui vérifiait forcément mon hypothèse. Parce que ouais, il était clairement pas deg à regarder, et se mariait parfaitement avec le paysage. Il m'appelait pour que je m'approche de lui, et je m'exécutais sans trop réfléchir, vêtu d'un simple short rouge. Lui et moi, on avait eu des hauts et des bas, c'était le moins que l'on puisse dire, et encore au prime dernier, nos opinions différaient. Mais je m'en foutais pas mal. Depuis le début de l'aventure, on essayait de me peindre comme le mec qui gardait tout à coeur et détestait pas mal d'habitants. C'était pas le cas. Une fois que j'avais dit ce que j'avais à dire, je passais souvent à autre chose. Même Dylan, il m'indifférait au plus haut point en réalité, c'était juste lui qui avait continué ses remarques, et qui du coup, avait alimenté le drama entre nous, ce qui m'avait facilement fait réagir à chaque fois. Mais je m'en foutais pas mal ouais. Apollon souhaitait partager un mojito et je hochais négativement la tête. « Tu sais quoi ? J'suis généreux, et je te laisse. Mais sache que tu m'en dois une. » en vérité, j'avais pas soif, mais l'idée qu'il puisse m'être redevable pour un truc aussi insignifiant m'amusait, alors pourquoi pas. Il me proposait de courir jusqu'à l'eau, j'crois qu'il avait pas capté que pendant longtemps, mon métier ça avait été de littéralement courir des kilomètres après un ballon. « J'suis chaud, mais t'es sûr que tu veux vraiment que je te prouve à quel point je te suis supérieur à tous les niveaux ? » je croisais mes bras contre ma poitrine, et forcément, je plaisantais hein. J'étais pas narcissique à ce point, même si il en était déjà venu à penser le contraire. « Faut établir une récompense alors. » je joue pour le gain à la fin moi, voyez-vous ?

Il n’y a pas à dire, on ne peut rêver meilleur endroit qu’un hôtel aux Bahamas pour faire le plein d’énergie et de bonnes ondes avant le prime de samedi qui, tout le monde le sait, sera décisif puisqu’il entrainera l’élimination d’une bonne partie des candidats encore en compétition. Cinq places pour treize personnalités singulières et du très lourd en matière de concurrence. C’est justement cette opposition au sommet qui m’inspire et me motive, il n’y aurait rien d’intéressant à se frotter à des poids plume. Quitte à atteindre la fameuse finale dont tout le monde rêve à présent, autant le faire avec le mérite d’être parvenu à se hisser suffisamment haut par rapport à des gens qui inspirent le respect et ont été sauvés de nombreuses fois sur le banc des nominés. Pour l’heure, je ne pense pas à tout cela. À chaque jour son objectif et celui à l’ordre du jour est plutôt orienté farniente. Je me sens le cœur léger, prêt à accomplir quelques folies, les pieds dans l’eau, les fesses confortablement posées sur cette balançoire. Ne manquerait plus que quelqu’un pour partager ce moment agréable, ça tombe bien, je crois percevoir une frimousse aux frisettes reconnaissables parmi toutes les autres. Vicente débarque et je lui réserve un accueil digne de ce nom, grand sourire à la clé. Nous avons eu de sales moments mais tout ceci est derrière nous, j’ai envie de retrouver le bon pote des débuts, celui qui me permettait de le mater sans aucune discrétion et de nier par amour de la contradiction ce désir purement charnel potentiellement véhiculé parfois. Je l’observe, mélange d’appréciation et d’hilarité et remarque, taquin. « Tu te la joue Baywatch ? Tu cherches une victime à sauver de la noyade pour lui offrir tes services et ton meilleur bouche à bouche ? » Il s’installe à côté de moi et j’en profite pour lui tendre le mojito que je me suis commandé au bar de la plage. Un verre suffisamment grand pour deux personnes. Ils ont la folie des grandeurs ici. Bien-sûr qu’il décline au profit d’une faveur, je ne suis pas surpris, au contraire, mes lippes généreuses s’étirent en un large sourire. « Tu peux en profiter TOUT en bénéficiant d’une faveur. C’est la fin du jeu, je suis d’humeur généreuse ! » Je me balance en toute légèreté sur la balançoire, les yeux rivés vers la mer. Je lui propose un défi qu’il est prêt à relever pour me prouver sa supériorité sur tous les domaines. De quoi me faire exploser de rire. « Il me reste quelques items à cocher pour pouvoir commencer à t’aduler, oui ! C’est justement pour ça que je te propose ce challenge ! » Je souffle, l’œil rieur. « Une récompense ? Tu ne fais donc rien gratuitement ici ? Quel est ton prix, dis-moi tout ! »

On peut dire que @Apollon et moi avions un passé plutôt mouvementé. J'aurais pas pensé qu'il s'agirait d'un des résidents avec lequel j'aurais autant d'accrochages. Il faut croire que le jeu nous avait placé malgré nous en concurrence et que de ce fait, il avait été compliqué pour nous de nous attacher l'un à l'autre. On allait pas se mentir, il y avait toujours eu un petit truc off dans notre relation. Comme si nous n'étions pas destinés à nous fréquenter. J'avais toujours eu cette impression lorsque j'étais à côté de lui, qu'il pouvait s'entendre avec moi, je resterais malgré tout un "meh" comparé à d'autres, et c'était pas forcément un sentiment agréable. Donc ouais, j'avais fini par arrêté d'essayer de passer du temps avec lui, et forcément, toutes les histoires avec Taj et Milo n'avaient fait qu'attiser le feu. Aujourd'hui je m'en foutais un petit peu de tout ça. Il serait mentir que de dire que j'avais pas forcément des appréhensions à son égard, mais j'avais décidé de ne plus trop me prendre la tête. Après tout, la plupart d'entre nous allaient être éliminés le Samedi suivant, et je voulais garder de bons souvenirs de tout ça. « J'attendais que tu fasses un malaise ouais, mais ce moment n'est jamais arrivé. » ô tristesse. Bon par contre, le brun, il a pas trop pigé ce qu'une faveur était. Genre il est prêt à m'en accorder une comme ça, sans même avoir rien d'autre en retour. Parce que qu'on se le dise, moi, je comptais absolument pas lui en donner une hein. « Ah mais je compte pas te la dévoiler maintenant, je préfère la garder pour quand tu remporteras le chèque de 100 000$. » que je lâche d'un air malin. Ouais genre "tu te souviens de la faveur que tu me dois ? allez, aboule les 50 000$". Bon, pas sûr que ça marche cela dit. Par contre je voulais bien croire qu'il n'était pas prêt de m'aduler. « Hm... celui qui gagne pourra demander tout ce qu'il veut à l'autre, pendant dix minutes. » c'est pas trop mal ça non ? « Prêt ? »

Si je devais effectuer un bilan de cette aventure incroyablement humaine, je classerais Vicente parmi mes regrets. Il est une source de frustration constante pour le potentiel que nous avions tous les deux et la direction que nous avons préféré emprunter sans trop avoir notre mot à dire là-dessus. Nos histoires se sont entremêlées sans trop que nous puissions l’anticiper, par appréciation de la même beauté masculine, par admiration de traits de personnalité que possédaient deux garçons en particulier, ceux qui ont pu faire chavirer notre cœur à un moment ou un autre… Ces deux hommes à part qui pourraient être amenés à trouver leur place dans notre quotidien lorsque la saison touchera à sa fin. J’ignore de quoi demain est fait, je sors d’une déception encore fraiche qui me laisse dans un état constant d’entre-deux que @Milo contribue à apaiser, à éclaircir. Parfois je me dis qu’un homme comme lui mérite bien mieux que moi et pourtant… Pourtant ses yeux s’animent à mon contact et font palpiter ce cœur décalé et solidement attaché dans ma poitrine. Vicente semble penser la même chose à l’égard de @Taj, à en juger par notre conversation de la semaine dernière. À croire que nous avons bien plus en commun encore que notre goût pour les hommes. Si nous n’avions pas été aussi stupides, peut-être serions-nous de bons amis à présent. Rien ne nous empêche de le devenir à l’extérieur, l’aventure n’est aucunement une fin en soi et je compte bien profiter de ces ultimes instants pour dessiner les contours de ce que pourrait être le prochain chapitre de ma vie. « Je peux faire semblant si tu veux… Il n’est pas trop tard ! Il parait que je suis une jouvencelle en détresse extrêmement convaincante. » Je plaque le dos d’une main contre mon front de manière on ne peut plus théâtral, prêt à faillir, accablé par une pression quelconque qui nécessiterait qu’on me sauve la vie après m’être échoué dans l’eau. Le volume n’est pas très important, je vous l’accorde, mais puisqu’il est possible de se noyer en buvant dans un verre rien n’est impossible. J’ai un éclat de rire très exagéré lorsqu’il esquisse ce que pourrait être la faveur qu’il compte bien utiliser à son avantage. « Tu rêves mon lapin. À moins d’avoir quelque chose de très convaincant à m’offrir en retour mais la faveur n’en serait donc pas une… » Je grimace et hausse les épaules, l’air profondément désolé pour lui. « Okay… Deal. » Si je suis prêt ? Ma bêtise me rattrape déjà quand on sait ô combien je peux être maladroit au quotidien. « GO ! » J’hurle en bondissant de la balançoire pour m’élancer comme un cheval fou en direction du large. Les vagues nous éclaboussent très rapidement et déjà j’ai l’impression qu’il prend le dessus. Mes affaires ne sont pas arrangées par cette bosse sous l’eau qui me fait trébucher. Surement un gros coquillage ou un morceau de bois ou… Ou je ne veux pas savoir. La défaite est mienne, j’étouffe un soupir désespéré. « Félicitations, monsieur le footballeur ! »