Salut la Skinny Witch. Il s'était calé sur l'un des coussins de la terrasse ensoleillée, ses lunettes de soleil descendues sur ses yeux et un café à la main. Elle se la jouait terreur des réseaux sociaux, @Olivia, since day 1. Une articulation bien calée avec Riley, parfois avec Noor, et des petites remarques toutes en fausse fascination envers Rumer. Bref, un pseudo spectacle auquel Mael adhérait difficilement, malgré une certaine forme d'accoutumance. Des daddy's girl qui cherchaient à s'affirmer il en avait tout autant côtoyées à Sciences Po que dans ses différentes salles de sport. Et avec sa casquette de coach, sur place, elles se comportaient d'une toute autre façon. Alors, t'étais déjà une skinny witch à Paname ou c'est l'effet NYC ? Pas impressionné pour un sous le gars, il préférait tranquillement s'imposer dans leur espace plutôt que de cultiver le mythe. Jambes croisées et regard relevé vers elle il comptait bien profiter de l'après-déjeuner pour faire tomber quelques barrières. C'était pas un gars qui vivait d'appréhension relationnelle. Mais dans ce showtime d'OMB il était curieux de voir si les clichés pouvaient être calmement démentis.

« Salut le cycliste. » Elle lui retourne sa petite salutation, lui qui vient interrompre son moment de calme avec visiblement aucune autre intention que celle de polluer son air. @Mael c’est le mec qui force sur le capital sympathie pour se conforter dans une espèce de coolitude qu’elle a tendance à dénigrer. Elle n’a pas trop compris sa popularité sur les réseaux mais sûrement que la façon qu’il a eu d’entretenir l’engouement de ses harpies fétichistes des barbes mal rasées a joué en sa faveur. Le mec semble venir prendre la température, comme ça, ou peut-être que comme elle il se fait un peu chier. Elle le fixe de son air incrédule, droite sur sa colonne comme à son habitude. « Ce ne sont pas les villes qui font ce que je suis. » Cqfd. C’est tout ce qu’elle a à répondre parce qu’Olivia elle s’est mise à jouer la queen depuis bien longtemps déjà. « T’as bien pris tes notes dis donc. Maybe ça connecte là-haut finalement. » elle lâche avec son air de pétasse, haussant les sourcils et déjà un peu plus encline à discuter. « Et toi est-ce que tu t’es déjà demandé si c’était crédible de prétendre être sudiste avec un prénom pareil ? » Parce qu’inutile de préciser qu’elle est allergique au kouign-amann. « T’as apporté ton drapeau ? » ce foutu drapeau noir et blanc qui pop-up dans n’importe quel évènement même à l’autre bout du monde.

C'était tout un phénomène la meuf. Le genre qu'il pensait voir que dans les talk show ricains à deux balles. Et puis boum, d'un coup, face à lui. Mael c'était le genre à éviter soigneusement les champs élysées, alors ces meufs qui buvaient un verre à 30 balles sous le mince filet de soleil parisien juste pour montrer qu'elles sortaient d'un shopping Avenue Montaigne, il les méprisait. Confronter une @Olivia aujourd'hui ça tenait un peu de l'analyse sociologique. En deux mots, il prenait sur lui. Un peu comme chez Barry's quand il en retrouvait une flopée au premier rang, prêtes à courir comme des furies sur leur tapis auto-entraîné et à dégainer leur téléphone pour immortaliser leur shape. Mais sorti de son contexte pro et loin de ses repères il n'avait pas envie de se limiter à ses a priori. La pause caf' c'était le créneau idéal. Du coup tu taffais déjà dans les frip' d'Hôtel de Ville ? Son sourire s'était un chouilla élargi face à son coup de dard. T'as vu c'est dingue askip il a même fait des études. Et pas staps. Cqfd. Il avait calmement lâché un haussement d'épaules avait de tourner la tête de droite à gauche. Non les géniteurs cherchaient juste un blase dont la prononciation passerait aussi au Brasil. Pas d'bol, c'était tombé sur les malades du beurre salé. Easy. le seul drapeau que je me trimballe il est jaune et vert. Et pas en hommage à Bolsonaro please. T'es franco-américaine toi ? L'air de rien il cherchait juste à comprendre les personnes qui se dépeignaient au-delà des posts viraux sur les RS.

@Mael c’est l’illustration parfaite de ce type qu’elle va dénigrer juste par principe. Trop mainstream, trop trying to be. Il ne lui inspire que de l’ennui avec ses vélos et faceswaps, pourtant le mec a l’air toute somme sympa et, bonus, il est également français. Par pur esprit de contradiction, elle n’a pas envie de tomber dans la généralité qui se complait à l’apprécier. Oli, elle trouve que le spotlight a déjà trop été mis sur sa gueule de négligé et, s’agrippant à ses préjugés comme ses bébés, elle n’a absolument aucune envie de faire le moindre effort. Si jusqu’à maintenant personne n’est trop venue la faire chier il semblerait que Mael soit présentement décidé à l’ouvrir. Elle plisse légèrement les yeux sous la petite pique. « T’as du cran pour un galérien. » Derrière le débrouillard donné pour faire bonne figure, Oli elle avait surtout retenu la flopée de petits jobs qui en découlaient. Sa couverture de glandeuse pour faire passer le temps sans trop d’efforts et que dad lui foute la paix jusqu’à ce que sa crise ne passe. « C’est récent. » Elle pourrait lui mentionner que les fripes bon marché sont pour les pouilleux mais c’est exactement le genre d’établissement pour lequel elle a signé, donc elle se contentera de la fermer pour cette fois. Le mec smash le cliché sur lequel, évidemment, elle s’était basée pour le juger. « Ouh, éclaire ma lanterne you made me curious. » elle articule avec son air de fake surprise. En revanche la suite elle est plus intéressante, déjà le mec n’est pas breton donc ils vont pouvoir envisager de continuer cette discussion, et ensuite cette dimension Brasilo do Brasil c’est complètement exclusif. « C’est quoi le lien avec le Brésil ? » elle demande un peu plus sérieusement, abaissant de quelques degrés son level de peste. Oli elle n’a pas le faciès de la pure frenchie, le métissage sur les traits. « Mh ouais. » Elle articule avec sa blase de queen comme si c’était tout ce qu’il y a de plus commun. « Born and raise in Paris. » Elle mentionne, flemmarde de lui expliquer l’arbre astrologique. « Dad est ricain. » qu’elle précise tout de même pour on ne sait quelle raison. « Ton kiff c’est d’être normade ? T’as grandi où toi ? » parce qu’elle ne pige pas l’électron libre qu’il est, sans job fixe, sans maison fixe (?), le mec globe-trotteur au quotidien elle n’achète pas.

Oli' apparemment c'était la seule à avoir lu un minimum sa description. Jusqu'ici on retenait juste Mael le cycliste ou Mael à la bonne gueule. Normal, c'était facile de se la ramener sur son kif du quotidien et sur sa nature de gars posé made in soleil. Surtout auprès des ricains, qui étaient plus du genre à s'arrêter à du chit chat qu'à pousser les questions. Elle, elle se trainait encore sa méfiance de parisienne à deux balles. Etiquette de friquée collée au front, mais suspicion et ironie au bout des lèvres. Zéro galères, je m'ennuie vite c'est tout. Mael il enchaînait pas les jobs par nécessité. Au fond, il bossait simplement parce qu'il fallait bosser, pour avoir une vie sociale, des interactions et des personnes auprès de qui se confronter. C'était sa façon de s'enrichir humainement et de se découvrir de nouvelles envies. Une fenêtre ouverte et boum il repartait. Sur tout ce que tu pouvais faire, pourquoi la frip ? Ca gagne pas assez bien mannequin ? Il captait pas le gars, y'avait un truc qui collait pas entre ces deux dimensions. La frip, l'habit du bobo prolo, à moins de se foutre dans ces dégriffes de marques de luxe. Mais comme elle n'avait rien précisé, Olivia, il se doutait que c'était pas son ter-ter. La question des études ne valait pas trois heures de discu', il avait balayé ça d'un coup de main histoire d'y revenir plus tard. Balek. Mael, ça l'emballait grave plus de parler du Brésil. Parce qu'il sentait que ça la ferait un peu redescendre, Olivia. Elle avait l'attitude des meufs attirées par ce genre de détails random, qui marquaient la différence. Et lui, il aimait ça, parler culture. Ma mère. Et du coup toute sa mif est encore là-bas. Aussi simple que son couplet de daddy ricain. J'ai grandi à Sète, fait mes études à Paname et j'me suis barré au Brésil après. Facile. Un peu comme elle, d'après ce qu'il avait capté. A des détails près. Il souriait face à l'étude qu'elle faisait de son petit cas. Ca passait jamais trop, de dépeindre un mode de vie à la cool. Non je vais juste là où y'a des trucs qui se font qui me plaisent. Mais il se sentait pas nomade, Mael. Il voyait simplement son pays comme un puit sans fin d'opportunités. En ce moment le taf c'est à Paris. Là aussi, par opportunité. Et pour l'instant, ça lui allait à peu près. Ca valait le coup la big apple ? Lui il avait fini par rentrer à la casa, donc la question était loin d'être innocente.

Il a cette façon trop sûre de lui de parler Mael, cet air qu’elle lui trouve prétentieux tout en prétendant le contraire. Il s’ennuie vite parait-il, ce à quoi elle se contente d’un mouvement de sourcils pour approuver ses dires avec grand scepticisme. S’il le dit, well. « C’est compliqué quand t’as passé l’âge, j’ai dû privilégier les études donc j’ai raté ma golden hour. » Oli elle avait actuellement l’âge d’une mannequin lambda sur la redescente, c’était carrément trop tard malgré un physique complètement adapté au métier. « La fripe c’est parce que je peux me poser dans un coin et glander toute la journée. » Elle le formule par provocation, easy face à l’hyperactif incapable de rester trop longtemps en place qui lui fait face. Lui il fuit l’ennui, elle elle le cherche. « C’est facile et temporaire. » Elle avait volontairement cherché un job pas trop engageant dans une petit boutique au style très Brooklyn qui lui laissait l’occasion de faire un peu sa life sans devoir respecter qui que ce soit. Parce qu’Oli c’était typiquement cette vendeuse qui reste à sa caisse, le téléphone en charge et en main, et qu’on a l’impression de déranger. Concrètement, elle s’était planquée le temps de convaincre son père que tout roulait. A peine Mael mentionne-t-il le Brésil que son intérêt se pointe véritablement. Elle dodeline doucement de la tête en assimilant le parcours globe-trotteur du sudiste, toujours expliqué sur ce ton plein d’évidence. « Pour renouer avec ta famille locale ? » S’il y a bien un sujet qui l’intéresse c’est celui-là. Étonnement elle ne pensait pas l’aborder avec ce personnage-ci. « Dis comme ça c’est facile. » Toujours aussi peu convaincue par sa vie de pura vida, elle se permet un énième jugement avant de faire un nouvel effort pour comprendre. « Alors qu’est-ce qui te plait en ce moment ? » Taff, Paris, Berk. C’est tout ce que ça lui évoque à elle. « Ouais, ça vaut le coup. C'est comme Paris avec le kiff N.Y en plus, l'excitation d'un nouvel environnement tu dois connaître. La capitale j'en ai fait le tour depuis le temps. » Après vingt-deux ans à la arpenter elle était en overdose. « T'es weirdo d'avoir troqué le soleil brésilien pour la grisaille parisienne. Encore plus weird venant d'un sudiste comme toi. » Encore un peu et elle l'accuse cette fois-ci très sérieusement d'être breton.

Elle captait pas, Olivia. Ca se voyait dans son regard faussement inquisiteur. Et pour Mael c'était pas bien compliqué à assimiler, puisqu'il avait successivement du justifier ses choix (ou non choix, justement) auprès de ses parents, de ses potes et d'un ensemble de personnes rencontrées à droite et à gauche. T'as étudié quoi ? A Paris ? Malgré tout, il prenait goût à cette discussion. C'était l'une des rares, avec Jules, autour de laquelle il réussissait à dessiner un simili contexte. Peut-être le côté français, peut-être qu'ils se disaient simplement les choses plus directement. Il s'était marré à sa conclusion sur la fripe', haussant les épaules pour signifier que c'était intégré. Temporaire jusqu'à quand ? Pour Mael le temporaire c'était qu'une question de perspective. Il n'avait jamais eu l'impression de signer pour des CDD. Lui, il vivait ses trucs et se barrait quand la mission était accomplie, quand il entendait parler d'un projet motivant ou quand il se lassait lui-même des choses. Le Brésil ça avait été l'apothéose de cette situation. Mais c'était différent. Il était plus jeune, plus dans la recherche, partagé entre ses questionnements et son émancipation. Non, je les connais bien, j'y vais régulièrement depuis que je suis môme. Aucune recherche d'appartenance, le Brésil avait toujours fait partie de son équation mentale. Pas envie de me bloquer derrière un bureau en sortant d'études. A la base j'y allais pour quelques mois, histoire de kiffer avant de me poser. Et j'ai un peu prolongé le truc. Rien de vraiment exceptionnel. Juste l'histoire classique du gars qui repousse l'approche fatidique de l'âge adulte. Evidemment que c'était facile. Je sais pas, j'imagine que c'est une question de schéma social. Moi mes darons je les ai souvent vus changer de boulot. Faut croire que je reproduis juste le truc. Il s'était souvent questionné à ce propos. Pourquoi, comme ses potes, il n'était pas capable de se contenter d'un taf calé, en accord avec ce qu'il avait étudié. Mais ça matchait pas. Faire un taf qui m'emmerde pas la moitié de la semaine et retourner dans le sud l'autre moitié. Déso Oli, la conclusion était encore relativement simple. Il s'y retrouvait, dans son portrait de découverte. Pour Mael aussi, vivre durablement dans une mégalopole qu'il n'avait connu qu'en vacances, ça avait été l'une de ses plus belles expériences. C'est quoi le projet du coup ? Te faire définitivement ta place à NY ? Il s'était balancé en avant, coudes calés sur ses genoux, absorbé par leur ping-pong de questions. Ouais je sais pas à quel point tu connaissais NY avant de t'y installer, mais pour moi ça a été un énorme kif de redécouvrir SP. Il pouvait en parler des heures, Mael, c'était sa passion, cette ville. Problèmes familiaux, fallait que je rentre. Mais j'exclus pas d'y retourner d'ici quelques mois. Il naviguait déjà depuis trop longtemps en eaux françaises. L'idée, c'était d'aider un peu son padre, mais maintenant que les histoires étaient plus ou moins réglées y'avait plus grand chose pour le retenir, il en était conscient.