Je viens d'arriver à un constat assez flagrant. Mes limites sont atteintes ici. Je suis confronté à deux choix: offrir un gâteau complètement blanc, sans décoration. Ou tenté d'exécuter ce que j'ai en tête et c'est évident que tout ça finira en désastre culinaire. Il y a des bols partout dans la cuisine, de la farine, des verseurs de glaçage, des colorants artificiels, les ustensiles, tout. Mais pas de talent. J'ai réussi sommairement à découper cette forme, dessin à l'appui. Par contre, la suite, c'est la que le casse-tête commence. Si je manque un trait ou si la couleur dépasse une ligne, c'est que tout est gâché. C'est la que la pression monte. Pourquoi autant d'effort pour ce gâteau, ça fait partie de l'entente avec Freya. Si la bleu tombait au sommet des résultats des votes, je lui concoctais une surprise et vice-versa. L'histoire c'est que je me doutais bien qu'elle serait première des votes et là je suis coincé avec la surprise. @addison pointe le bout de son nez dans la cuisine et mes traits se transforme aussitôt, diablotin. Celui que je cherchais, si ce n'est pas une coïncidence. Les rôles sont inversés voilà, c'est le destin. J'essaye de lui faire la moue la plus mignonne des environs, Tu voudrais m'aider avec ce gâteau? J'essaye de recréer ça sur le dessus? Mais j'vais tout rater c'est sur. L'orange il n'a pas d'excuse, j'ai vu son carnet et je suis convaincu que du glaçage ou de la peinture, c'est interchangeable. Je lui tends la poche à pâtisserie, Please please please.

Il est encore tôt en ce lundi matin, la semaine démarre après un prime marqué par une première élimination aux ballotages. Je ne pensais pas qu’un tel scénario se présenterait si rapidement dans l’aventure même si j’ai moi-même voté pour que @Denise ne soit pas réintégrée en cas de dernière ou avant-dernière place. Il n’y a rien de personnel là-dedans, je ne vois tout simplement pas l’intérêt de conserver dans nos rangs des figures proches de l’invisibilité si ce n’est pour la garantie de tomber systématiquement contre moins fort que soi aux nominations. Quitte à être nominé, je préfère me confronter à des profils plus inquiétants pour l’amour du jeu, pour l’adrénaline et l’incertitude qui l’accompagne jusqu’au dernier moment. Après une bonne douche chaude elle-même précédée d’une séance de sport d’une heure il est grand temps d’envisager le petit-déjeuner qui nourrira mes muscles et leur permettra de récupérer après de telles sollicitations. Je débarque, le sourire aux lèvres, d’excellente humeur, à la cuisine et croise mon camarade Loen que je suis heureux de pouvoir retrouver ici. Il est un condensé de joie, de légèreté qui me plait beaucoup. Je l’observe, ainsi concentré sur un gâteau qu’il découpe, affine, semble vouer à une forme mystérieuse qui s’avère être un Pokémon que je connais très bien. « Lokhlass, excellent choix. J’ai toujours adoré ce Pokémon ! » Il prétend qu’il me cherchait et fait doucement s’étirer mes délicieuses lippes. « Je ne crois pas vivre dans un gâteau, tu cherchais au mauvais endroit ! » Je lui tire la langue, moqueur, et m’accoude contre le plan de travail, près de lui. Le piège se referme sur moi, tout ça parce que je suis l’artiste de la bande. « Tu sais que le dessin et la pâtisserie n’ont rien de comparable, si ce n’est le soin qu’il faut apporter à ses mouvements ? » J’attrape le modèle, l’observe longuement pour en capturer le moindre détail. « Si je t’aide à réaliser ce gâteau je dois avoir la certitude que je pourrais en savourer un morceau… » Je démarre, gourmand. « Oh et… Tu m’en devras une ! »

Je réussis à convaincre l'orange de s'approcher et c'est déjà la première étape du piège. Puisque je ne serai pas en mesure de terminer cette création seul, il me faudrait utiliser tous mes atouts pour le convaincre de m'aider. J'en comprends que l'image de référence lui plait, le rapprochant de plus en plus du point de non retour. Avoue. Mais tout le monde l'adore Lapras, on a tous eu envie d'être sur son dos. Je défis n'importe qui de me dire l'inverse. On voulait tous une Pikachu et on voulait tous se retrouver sur la mer, à dos de Lapras, sans équivoque. Pouvoir discuter ouvertement de Pokemon, c'est jusqu'à présent le meilleur aspect de l'aventure. Évidemment, il y a mes amis à Toronto qui tolère cette addiction, quelques tournois ici et là, mais de partager de toutes ces insight jokes ici et de pouvoir raconter mes dernières prises, c'est fantastique. À sa prochaine remarque, j'échappe un rire spontané, Merde, j'en étais sur pourtant. Que je lâche, sur le même air espiègle que @addison, appréciant ses traits. Je me doutais, mais tu dois être habile j'en suis certain. Moi qui me croyait si près du but, maintenant je baigne dans l'incertitude. Le succès de cette surprise est à risque, il me faut le talent de mon voisin, je l'observe donc analyser le produit final. Les étoiles s'alignent ensuite puisqu'il me propose un marché. Première partie, assurément possible. Seconde partie, ça ressemble à un marché sincère. On t'en garde une part et je t'en dois une. Offre acceptée. Je me demande déjà ce qu'il pourrait avoir en tête comme service à rendre. Puisque tout le matériel était prêt, devant nous comme un éventail, On commence par quoi? Si ce n'était que de moi, il y aurait forcé des erreurs de superpositions et j'apposerais une couleur finale en première couche, un bordel. Un sac à glaçage en mains, Attends j'suis sûr que je connais la première étape. Je mijote un instant, scrutant le gâteau, sachant pourtant très bien quel serait mon intervention. D'un geste décidé, je dépose une dose de glaçage bleu sur son nez. Maintenant on peut commencer. Tout en retenant un fou rire, contrôlant mon faciès, soutenant l'idée que c'était vraiment la première étape sérieuse.

Je ne me méfie pas une seule seconde lorsque Loen m’invite à approcher. L’amusement ne tarde pas à prendre le dessus et à m’éloigner de ce que pourrait être le piège qu’il tente de faire se refermer sur mes innocentes épaules parce qu’il fait référence à l’une de nos rencontres de la semaine dernière. J’ai utilisé ce même stratagème pour des raisons différentes. Suffisamment conscient des choses pour pouvoir les mettre en relief et m’amuser d’un tel retour de bâton. C’est un bon garçon, Loen, bien trop gentil pour pouvoir sciemment vouloir du mal à quelqu’un d’autre. Il a une aura lumineuse, un thème astral qui laisse présager des grandes choses pour lui, une libération à venir, quelques découvertes malgré des déconvenues qui, sur le moment, sembleront durablement obscurcir son paysage et pourront s’installer sur la durée s’il ne reste pas concentré sur ses objectifs et ce qui le rend si optimiste le reste du temps. Je me penche pour observer le dessin et m’extasier dès que mes prunelles reconnaissent ce Pokémon que tout le monde apprécie. « Il me fait penser à toi en quelque sorte. Tout le monde semble te porter dans son cœur même si tu n’es jamais mis au premier plan ! » Ce Pokémon méritait bien mieux que ce qu’il a eu, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, mais il continue de figurer parmi les chouchous des uns et des autres. Loen m’inspire cette image, c’est un peu comme ça que je le perçois pour le moment. Si je devenais m’atteler à dessiner une moitié de portrait basée sur mes premières impressions comme j’ai commencé à le faire avec @Gabriele, peut-être serait-il représenté de la sorte, moitié humain et moitié Pokémon. Mes opales brillent, abreuvées par des larmes de joie qui proviennent de cette franche crise de rire que nous partageons tous les deux et qui me fait du bien. « Habile, je ne sais pas mais tu sais quoi… Je ne peux décemment pas prendre le risque de faire disparaitre un si beau sourire en refusant de tenter le coup. Tu as une poche à douille ? Du colorant ? De quoi monter une crème en chantilly ? » Il m’en faudra, des éléments pour arriver à mes fins, la forme du gâteau est une première étape, mais tout le reste demande une concentration digne de ce nom. Je lui tends la main pour symboliser la signature d’un contrat qu’il se devra d’honorer le jour où j’aurais besoin de son aide, d’une manière ou d’une autre. Il s’empare d’une poche à douille et j’observe un temps le gâteau. « Tu permets ? » Je l’interroge en désignant ce dernier du doigt. J’attrape un couteau, me penche au-dessus de cette œuvre d’art, ma foi particulière, et revient sur quelques détails, les yeux occupés à passer de la photo au gâteau encore et encore. « Voilà qui est déjà m- » Pas le temps d’en dire plus qu’il me recouvre d’une fine couche de liquide coloré bleu sur le bout du nez. « HEY, tu m’as pris en traitre ! » Je grommelle, boudeur, en désignant du bout des doigts mon petit nez recouvert de bleu. « Un prêté pour un… RENDU ! » Je bondis, crème beige à la main pour légèrement lui badigeonner le nez et les lèvres en un geste très peu précis.

Sa remarque me fait sourire, je serais bien choyé d'être un Lapras en réalité. Je pourrais voguer où bon me semble, je pourrais porter des copains sur mon dos, je serais d'un bleu radieux, les autres Pokémons aux alentours sauraient qu'il ne faut pas m'embêter s'ils ne veulent pas Blizzard dans la tronche. Tout le monde sait que c'est Mew qui est l'élu de mon coeur, mais à cette seconde précise, je veux bien être Lapras, surtout si la comparaison s'interprète d'un compliment. Ça me plait bien comme comparaison. C'est mignon comme compliment. Même si ça semble être un compliment voilé, je le prends. Je veux bien d'une petite place dans le coeur de mes compagnons ici. Et encore mieux, si ça ne passe pas sous la lumière des projecteurs. À ce stade, c'Est presque dans la poche, @addison analyse le produit à recréer, il ne cherche pas à fuir furtivement la cuisine, c'est mission réussie. L'orange me confirme la situation, rayant les moindres doutes restant. Je mets le doigt sur ce qui a fait pencher la balance et je peux remercier mon sourire. Si ce n'est que ça, je souris une seconde sur deux. L'autre je dors. J'ai tout ça, j'ai tout préparé avant de commencer à douter de mes compétences. On pourrait croire que je suis un pâtissier aguerri avec tout le matériel que j'ai réuni, un sans faute. Mais entre la phase préparation et réalisation, il y a eu un pépin. Je répondes à sa pognée de main, scellant notre contrat. J'aurai un beau gâteau, de quoi impressionner Freya, puis monsieur aura une part de ce délice et un futur service. Bien mystérieux ce service, alors qu'Addison ne connait pas mes habiletés. Je lui fait de l'espace dans ce chantier, laissant le maître à l'oeuvre. Ce subterfuge, dans le seul but de lui jouer un tour et couvrir une quelconque partie de son visage de glaçage. D'un signe de tête, je lui indique qu'il peut initier son travail, l'observant se transformer en artiste minutieux. J'attends l'ouverture parfaite pour glacer son nez et m'esclaffer de rire. T'es un Schtroumpf maintenant. Que je lance, l'air espiègle, entre deux rires. Le brun n'hésite pas à riposter, me couvrant une partie du nez et des lèvres de crème. J'affiche un air faussement offusqué, les lèvres s'étirant jusqu'aux oreilles. Je passe ma langue sur mes lèvres, dégustant la crème, intrigué par le goût. On ne voudrait pas que ça dégénère, pour le gâteau. Y a-t-il un seul soupçon d'honnêteté là-dedans, je doute. Attends, je t'essuies. J'approche un doigt, feintant de retirer le glaçage sur son nez, pour plutôt en prendre une partie et déposer deux lignes sur ses pommettes. T'es maintenant un joueur de foot.

Loen parvient à me tendre une perche sans le vouloir, du genre à me permettre de saisir une opportunité rêvée pour lui témoigner l’appréciation qu’il m’inspire depuis le tout début de l’aventure. Il a une présence lumineuse teintée d’insouciance, de légèreté qui vient de manière assez radicale contrebalancer avec la personnalité antipathique ou tout simplement excessive de certains de nos camarades. On a besoin de garçons comme Loen pour ne pas perdre la tête, lui qui apparait constamment comme une jolie parenthèse à accepter pour recharger ses batteries. Si je devais le comparer à un personnage humain de Pokémon, il serait sans aucun doute l’infirmière Joëlle. Toujours occupé à prendre soin des autres, à les bichonner et à leur offrir de quoi rebondir sans même forcément s’en rendre compte. Je suis le premier surpris par ma capacité à articuler ces quelques mots, moi qui suis généralement assez avare dans le domaine et préfère m’exprimer sur le papier. Une sorte de pudeur paradoxale quand on connait le reste de ma personnalité. Je n’ai jamais eu honte de mon corps, puis-je en dire autant de mon esprit et des formes d’expression inspirées par ce dernier ? « C’est un compliment amplement mérité si tu veux mon avis ! » Je ponctue mes mots par un simple clin d’œil qui en dit long et me reconcentre sur ce gâteau qu’il me faut maintenant essayer de faire ressembler au Pokémon dont nous parlons depuis tout à l’heure. « Tu ne devrais pas douter de tes compétences. Si j’en suis capable, tu l’es tout autant, j’en suis persuadé ! On le fait ensemble, d’accord ?! » Je refuse de le voir reculer sous prétexte qu’il n’est pas le plus à l’aise dans le domaine sur le papier. Tout ceci importe peu, du moment qu’il tente le coup et met tout son cœur à l’ouvrage. Je débute ma tâche, extrêmement concentré et me surprend d’être attaqué par du glaçage bleu qui, de son propre aveu, me fait ressembler à un schtroumpf. « Avec quelques dizaines de centimètres en moins, je ferais un schtroumpf hyper cool ! À défaut, je me vois plutôt comme une sorte d’Avatar. On pourrait même inventer notre propre langage pour faire comme eux car… Toi aussi ! » La vengeance est un plat qui se mange froid, un piège qui se referme sur ses frêles épaules lorsque le glaçage est utilisé contre lui. Il en profite, tente d’initier un cessez le feu que je perçois uniquement comme une excuse pour ne pas s’exposer à la colère divine. La preuve ? Il recommence en prétextant m’aider à me débarbouiller. « Joueur de foot, ça me correspond déjà davantage. Et toi ? T’es un Pokémon ? Un Ptitard ! » Je lui tire la langue et attrape la poche à douille pour la garnir de crème colorée bleue. « Tiens, tu vas commencer. Je me mets derrière toi si tu veux, comme ça on bosse ensemble, en même temps avec cette poche ! » Une manière de le rassurer et de le guider tout en lui laissant le crédit pour cet accomplissement.