Je peux ? C'était un fin d'après-midi plutôt ensoleillé, pour une fin septembre. Mael, dans ces moments là, il switchait assez spontanément d'un endroit à un autre. Quand il était pris de cette euphorie, l'euphorie du soleil, il avait surtout envie de nouveau. Nouvelles choses à faire, nouvelles passions à se découvrir, nouvelles personnes à rencontrer. Il avait abandonné Jules et Riley pour se balader un coup. Il aimait bien ça, cultiver sa solitude. Parfois il était pris de pulsions et un environnement familier pouvait commencer à le dérouter. Souffler, marcher, s'isoler, c'était une façon de se retrouver, se raccrocher à son propre bien être. Il était tombé sur @Violette et @Maggie un peu comme ça, en sortant de la forêt après s'y être engouffré côté plage. Il les observait souvent toutes les deux, pas parce qu'elles l'étonnaient, pas parce qu'elles l'impressionnaient, mais simplement parce qu'il retrouvait un peu de lui dans chacune d'entre elles. Maggie et Vio elles avaient l'air de se poser des questions, pas mal de questions, des questions qui ne se limitaient pas à du pratico-pratique. Pour Mael c'était facile de cultiver le personnage cool et ouvert, capable de rebondir sur n'importe quel sujet sans trop se dévoiler. Ici, on le prenait pour un gars de la gagne, un gars de la terre, les pieds bien ancrés dans le sol et dans ses projets. Au fond, ils avaient tous raison, mais ça n'enlevait rien à ce qu'il pouvait ressentir, intrinsèquement. Il avait attendu leur aval pour s'assoir sur l'herbe, face à leur petit canap' suspendu. Il s'était saisi d'un de leur silences pour sourire. Je lisais une revue dans l'avion, le titre c'était "Le réveil des imaginaires". Et ça l'avait total fait vriller le pauvre gars. Du coup, il ressemblerait à quoi votre monde idéal ? S'il y avait bien deux personnes avec qui il pouvait se poser ce genre de questions métaphysiques (et un chouilla simplistes), c'était elles.

« J'aimerais bien savoir ronronner. Parce que je le ferais maintenant. » Bercée par le soleil et illuminée par la grace de Violette. La tête posée sur ses genoux, ses doigts glissant dans ses cheveux, il lui manquait les bons organes pour manifester son plaisir. C'était toujours bien avec @Violette, toujours serein. Il n'y avait rien à batailler, rien à prouver, juste leurs âmes qui se connectaient, l'harmonie naturelle. « Des fois tu me manques même quand t'es dans la même pièce. » Parce que c'était différent, la symbiose moins complète. Elle ne cherchait pas à l'expliquer, c'était un de ces présents qu'il fallait juste accepter, dont il fallait profiter. Elles s'étaient trouvées, miracle de beauté. Elle ne bouge pas lorsqu'on les rejoint, ne détourne pas ses yeux de Violette et n'identifie pas vraiment @Mael de prime abord, juste quand il parle plus longuement. Elle est triste de voir leur tête à tête s'échouer mais se réjouit de l'opportunité d'en apprendre un peu sur lui, parce qu'elle sait rien, rien du tout. « Je crois pas qu'ils se réveillent encore. » L'imaginaire c'était pour les enfants qu'on entendait facilement. Après cinq ans, c'était mal vu d'avoir des amis qu'on ne voyait pas, comme Laura assise sur un autre canapé, recevant avec un sourire son salut de la main. « Le monde il est déjà idéal, mais ça ne suffit jamais à personne. » Tout le monde voulait plus, allait plus vite, plus loin. Gagner plus d'argent, avoir plus de célébrité. C'était la course aux points mais dans la vraie vie. « Ce n'est pas le monde qu'il faut changer, c'est les yeux des gens. Leur façon de voir les choses. D'évoluer sur terre. » Elle lève la tête vers Violette, lui laissant répondre à son tour à la question. « Il disait quoi l'article? »

Je suis bien, bercée dans les fauteuils suspendues. J’aime bien être là, j’ai l’impression de voler si je me concentre bien, ou de méditer au dessus du sol comme un maitre bouddhiste. Mais ce qui rend le moment parfait, c’est la tête rousse de @Maggie sur mes genoux, mes doigts qui se perdent dans ses cheveux et sa douce voix qui chante sur le ton du vent et du soleil. « Tu serais le plus beau des chats, je te gratterais le ventre. » Ils aiment ça les chats. Et ça me bercerait encore plus de l’entendre ronronner dans mes bras. L’idée fait son chemin dans ma tête et je me demande si je lui chatouille le ventre elle ronronnera, alors ma main se déplace de ses cheveux pour venir se loger sur son ventre, la chatouillant avec tendresse. « Ronronne. » Je la taquine, un sourire sur les lèvres alors qu’elle met les mots sur ce que je ressens la concernant. Elle me manque souvent Maggie, sans pour autant la chercher du regard. Parce que je sais qu’il ne me suffira pas de rencontrer sa silhouette au hasard pour combler ce manque. Elle me manquera toujours. « Je crois que tu me manques, du temps où je ne te connaissais pas. » Un manque qui se manifeste pour dire, ‘il était temps de vous rencontrer’. Je ne sais pas si ça fait sens pour elle, mais dans ma tête et mon coeur il n’y a rien de plus vrai. Notre moment est troublé par la venue de @Mael et je redresse la tête pour lui sourire heureuse de le rencontrer ici, avec ma Maggie. « Bien sûr. » Qu’il peut se joindre à nous et je l’observe s’assoir à même le sol. Ça aurait été marrant qu’il teste le solidité des fauteuils en ajoutant un troisième à notre confortable balançoire. Sa question est intéressante, Maggie ne tarde pas à répondre et me noie dans ses paroles. « Un peu de poussière de fée et il se réveillerait. » J’avais le coeur optimiste, je n’aurais qu’à gratter les étoiles pour recueillir la poussière précieuse qui permettrait de rendre tout le monde plus ouvert à l’imagination. Le monde il est pas idéal, il est dur et cruel. Là je ne suis pas d’accord avec la rouquine, mais je comprends ce qu’elle veut dire. « C’est les gens qu’il faut changer, pas leurs yeux. Il y a des gens cruels, qui ne collent pas avec le monde idéal. » Mais pour ce qui est de mon monde idéal, je ne sais pas. « On vivrait tous sur des fauteuils suspendus et on aurait tous une Maggie sur les genoux. » Ça, ce serait un joli monde. « Et on ferait l’amour toute la journée. » Bien sur, c’est évident. Oui, l’article il disait quoi ?

Il interrompait peut-être un truc, Mael, mais à vrai dire il était trop dans ses pensées pour s'arrêter à ça. C'était monnaie courante, dans le jeu. Ils évoluaient en groupe, rarement en duo, les moments seul à seul se délimitant en général en début de matinée ou fin de soirée. Il aimait bien, parfois, se perdre avec ces personnes qu'il connaissait peu et dont l'avis le touchaient en général en plein coeur. Mael c'était son style, de se dévoiler face aux inconnus. Maggie il l'avait aimée le premier soir, lorsqu'il avait vu son visage s'illuminer à l'association du jaune et du soleil. Violette, c'était dans le confess, touché par sa curiosité réciproque. Tu crois ? Son regard s'était posé sur la bleue. Ils s'éveillent depuis des siècles. La science fiction, l'écriture, c'est la création même de l'imaginaire. C'était pas le plus grand des lecteurs, Mael, mais il s'en était bouffé quelques uns, des bouquins de SF prêtés par des potes. Le genre transmis de main en main, qui avec le temps prenait une allure quasi sacrée. Il écoutait, comme il savait plutôt bien faire. Un peu comme Violette, il était contrarié par l'opinion de Maggie. Il y retrouvait un peu de ses pensées, mais de façon trop arrêtée. Il avait baissé les yeux un instant, Mael. Mains posées sur la terre il écoutait, assimilait, enregistrait puis réorganisait. Je pense que c'est trop compliqué de changer le regard des gens quand trop de choses ont déjà été mal faites. Il allait un peu dans le sens de Violette, ce coup-ci. Et en même temps tu peux pas changer les choses aussi facilement, vu que les personnes croient ce qu'on leur raconte et agissent en conséquence. Il souriait, vaguement, un peu perdu dans sa propre réflexion. Le monde idéal c'est quoi ? C'est simplement un monde dans lequel on peut tous cohabiter sans se faire du mal, non ? Il s'était souvent posé la question. Quoi faire, pour que ça aille mieux ? Faudrait pas d'argent, dans ce cas. L'argent ça rend les gens fous. Il était pragmatique, trop plongé dans ses problématiques quotidiennes. C'est plus possible d'imaginer ça, vu que le monde avance déjà tel quel. On peut plus déconstruire tout ce qu'on a gagné. C'était l'antithèse de ce que défendait Maggie. Il aurait aimé, Mael, croire à ses mots. Il aurait aimé se contenter d'un changement individuel pour influencer le monde. Mais il avait déjà l'impression d'avancer vers quelque chose de fini. Je crois que je manque d'imaginaire. Contrairement à elles il ne s'y retrouvait pas. J'aimerais bien rêver un peu plus. Se perdre dans ce bonheur des relations simples. Ca retraçait les époques de l'imaginaire, les mouvements, les auteurs. Y'avait pas vraiment de conclusion, si ce n'est qu'il faut continuer de cultiver ça. D'où le fait qu'il soit venu les chercher elles, pour se poser ce genre de questions. Violette et Maggie, les écouter c'était faire un bond là-dedans. Et son sourire coupable s'était dessiné sur ses lèvres.