Ils chillaient comme deux gonz', @Jules et Mael. Pieds enfoncés dans le sable chauffé de fin de journée, épaules nues cramées par des rayons vicieux de septembre, la peau salée par les restes de leur bain d'océan. C'est quoi le bail du coup, tu vas reprendre tes affaires là où tu les as laissées en rentrant ? Ils avaient déjà fait le point meufs, équipes et ragots de la semaine. Là ça avait switché sur Paris, assez naturellement. Ils étaient plus revenus sur ce buzz express qui avait uniquement pour but de faire grimper les points de sa team et passer un petit deal ni vu ni connu. Boum, vacances terminées. Retour au bercail. Clope au bec, verre de vino à la main (ni trop bon, ni trop mauvais) et glandouille sur le toit de son atelier. T'as jamais voulu faire d'études sup' ? Il avait zappé ce détail là de son histoire, à Jules. Enfin t'as une formation enn apprentissage pour ton taf j'imagine. C'était bien son genre à Mael, de parler et compléter ses réponses au fil de sa réflexion. Ca te fout pas le seum que plein de gosses de grandes écoles décident d'un coup de se reconvertir dans les métiers manuels ? Sourire aux lèvres, il en connaissait des paquets. Lui aussi, en quelques sortes, il avait suivi ce genre de parcours. Genre wow ça y'est marre de me vendre pour la grosse industrie, j'veux faire des choses simples. Et jackpot que j'te crée une petite startup pour faire passer ça auprès de trouduc' d'investisseurs. Quand, à côté, le savoir-faire existait déjà depuis des centaines d'années. Le jour où j'aurai ma petite salle bien stylouz tu me feras un prix pour l'ameublement ? Les pactes ils se liaient là, maintenant, face à l'Océan. C'était ça, le brocode.

Il se redresse vaguement. « Ecoute y a pas vraiment de plan » il commence. Il était sorti d'une galère pour s'en lancer dans une autre, OMB. Jules dealait au jour le jour sans trop se projeter. Il se refusait à s'avancer, évitant si jamais il venait à changer d'avis qu'on en lui en parle façon moralisateur tu ne respectes pas ce que tu dis. « Mais je ne mise pas ma vie ici, je veux simplement pouvoir parler de mon secret et on verra après » c'est aussi pour cela qu'il s'était ramené, pour l'audience que générait l'émission qu'il allait transformer au moment venu en public. « Et toi ? » il retourne. Mael est maladroit dans la formulation de sa question. « J'avais envie de me casser rapidement de chez moi, ça ne marchait pas avec 5 ans de fac ou avec des années à 10K » il répond parce qu'il se souvient avoir déjà eu un débat avec ses potes. A l'époque, sa mère n'avait pas de thune, lui non plus, il s'était fermé des portes en solo, réaliste. Il écoute la question du sudiste, les sourcils froncés en se demandant où il voulait en venir. Mael parfois il est réellement coincé dans son délire de bobo parisien. Comme la fois où il l’imaginait vivre dans une maison avec un jardin + atelier alors que non, lui c’est un logement social bien basique, y a juste l’odeur du shit qui peut être commune aux deux images à la rigueur, mais il avait rien dit, juste saoulé comme lorsqu’on lui demandait pourquoi il avait atterri à la Courneuse tant ça lui semblait obvious. « Je ne traine pas tellement avec des personnes qui ont fait des grandes écoles alors j’imagine que ça règle le problème » il se marre en haussant les épaules. C’était pas trop son monde, le franglais ou la capacité qu’ils pouvaient avoir à être un poil condescendant ou à l’ouest lorsqu’ils ne s’agissaient pas d’entreprenariat. Il ne s’embarrassait pas avec ceux qui ne matchaient pas avec lui. L'écosystème des deux français étaient radicalement différents. « Et puis franchement, je ne me compare pas, chacun ses problèmes, sa life et sa capacité à avancer comme il le souhaite » répond Jules. Pas d'énergie ni de temps à perdre pour avoir le seum pour des trucs du genre. Il esquisse un simple sourire à la suite. « Tu t'installerais où si tu devais réellement te poser ? » il questionne plus sérieux en croisant les prunelles. « T'as envie de construire une petite maison stylée par loin de la plage tout ça ? »

Il était un peu dans son truc, Mael, complètement conditionné par ses parents intellectuels aguerris qui s'étaient transfo' en commerçants (l'ancien mot pour 'entrepreneurs') fiers de leur gars aux multiples études dans la capitale. Et encore, ses années d'études c'était surtout une succession d'échecs, parce qu'il ne s'y était jamais vraiment retrouvé dans ce moule de la branlette intellectuelle et des stages à répétition. N'empêche que Paris ça l'avait mis face à des gens. Et que ces gens là venaient rarement d'un contexte social modeste. Par la force des choses, même après avoir vaqué quelques années à enchaîner les jobs "simples", il était conditionné par son éducation. Un gars comme Jules, un vrai gars terre à terre, ça le foutait face à ses complexes. Donc c'est un secret qui a du sens. Il aurait pas traversé l'Océan pour ça sinon. Cool, il enregistrait. Comment t'as choisi ça au milieu de plein d'autres formations ? Ebéniste, ça sonnait bien. C'était dans l'air du temps. Mais à l'écouter Jules il n'avait pas spécialement fait ça pour l'amour du métier. Une rencontre ? La bonne personne au bon moment. Ou t'as fait un de ces salons porte de Versailles où les gars te filent full brochures et bingo tu ressors avec ton stock de stylos pour l'année ? Il s'était marré en l'imaginant avec sa gueule de plouc au milieu des p'tits gars sortis d'assos étudiantes. En vrai, il provoquait Mael, parce qu'il se posait constamment des questions sur son propre positionnement. Se confronter à Jules c'était un espèce de soupir de soulagement. La normalité d'un gars droit dans ses principes. Pas de chichis. Pas de prétentions. Juste l'envie de vivre, en avançant d'une manière ou d'une autre. Pratico-pratique. Sa propre conclusion l'avait fait marrer. Il avait hoché la tête de gauche à droite pour le démentir à son tour. Ce serait trop facile. Non je pense pas. J'ai besoin de mouvement et de me confronter aux gens. Sao Paulo why not. Mais j'retournerais pas dans une petite ville comme Sète. Ni dans un patelin du bord d'Océan, sous les palmiers brésiliens. Je crois pas au délire hippie qui vit en pseudo-autonomie. Mael c'était un mec chill dans sa façon d'être. Mais pas forcément dans son état d'esprit.

Il hoche la tête en guise de confirmation silencieuse. « Tu m'arrives à m'imaginer changer de continent simplement pour faire le guignol dans une télé-réalité ? » il souligne dans un sourire. « Toi aussi non ? » il lui renvoie la balle avant que Mael ne s'intéresse de plus près à ses maigres formations. « Mon meilleur pote était déjà dedans, il m'a fait rencontré les bonnes personnes par les suites » une opportunité qu'il avait saisi sans trop réfléchir. Ça avait été une période conflictuelle car sa mère l'imaginait déjà sur les bancs de la fac à étudier les lettres, sa première option. Pris d'un pragmatisme saisissant, il avait fini par lui dire qu'il allait droit dans le mur avec ce bordel d'intellectuel trop long pour lui. « Y a une année, une de mes ex était au stand sciences politiques d'une fac, apparemment grosse angoisse, le pire c'est les parents qui accompagnent leurs petits prodigues, c'est eux les plus stressés avec cette histoire de Parcoursup » il lui raconte comme elle lui avait décrit la chose, avec cynisme, quand il était allé la chercher. Il écoute le sudiste parler. « Tu me feras visiter Sète avant que tu te casses définitivement » il se marre parce qu'il s'imagine bien descendre avec sa vieille clio qui ne pourra plus trop bien rouler si on écoute Hidalgo et se pointer chez Mael pour exiger une visite de sa petite city dans le plus grand des calmes sans s'être annoncé au préalable. « Et si t'arrêtais de mettre les gens dans des cases pour commencer ? » propose simplement Jules dans un sourire moqueur, les pseudo hippies, les gosses de startup, il parle qu'avec des grandes lignes et des gros clichés. Comme lui lorsqu'il dit qu'il vit en cité et que tout le monde a l'impression de pouvoir définir qui il était ainsi que son caractère. « C'est quoi ton plus grand rêve ? » il questionne sérieusement Jules en pivotant la tête vers Mael le temps de quelques secondes.