Le côté totalement nature du Kansas me manque cette semaine à tel point que j’avais passé la plupart de mon temps aujourd’hui à l’extérieur, loin du béton du block. Parfois, j’en peux juste plus, de ces lumières, de ces écrans, de ces murs sans saveurs. Je sais, je suis vite lassée dans la vie. Bref. C’est après le dîner que j’étais venue pour une petite marche digestive dans la forêt histoire de me dégourdir un peu les jambes. Je chantonnais tranquillement, les mains dans les poches, interpellant les quelques petits oiseaux qui se trouvaient sur ma route. J’entends des bruits de pas, non loin derrière moi. Un peu surprise au départ je me retourne non sans craintes pour apercevoir un @Addison venu lui aussi se perdre dans l’immensité de la forêt. Je lui fais un grand signe de la main, comme pour l’inviter à me rejoindre. Peut-être que lui aussi a besoin de calme et de sérénité mais je ne suis pas contre passer un peu de temps avec lui. Une fois celui-ci arrive à ma hauteur, je l’accueille d’un grand sourire. « Salut! Tu vas bien ? » Sa carrure est imposante et il me rassure presque quand je vois où nous nous sommes enfoncés dans la forêt. « Venu te ressourcer aussi ? Chaud à marcher un peu avec moi ? » Nouveau sourire. Je ne connais pour ainsi dire pas du tout Addison mais ce serait une bonne occasion d’apprendre à se connaître un peu, non?

Si mes amis niçois me voyaient ainsi déambuler dans la forêt au beau milieu de la nuit, ils auraient plaisir à énoncer d’une petite voix oppressante et angoissante des histoires de films d’horreur, des légendes urbaines ou des faits divers qui se produisent sans arrêt dans les bois et alimentent le bestiaire horrifique depuis la nuit des temps. Se promener à une telle heure de la soirée n’est certainement pas conseillé, mais je n’ai jamais été du genre à m’inquiéter pour ce genre de choses. Je suis plutôt occupé à songer aux raisons qui me poussent à avancer, un pas après l’autre, dans ces bois qui abritent une nature éveillée dans la pénombre. Des animaux, il doit y en avoir des centaines autour de moi sans même que je sois au courant, certains sont aisément identifiables mais d’autres font preuve d’une discrétion probablement liée à leur gabarit. Un peu comme Samm qui aurait très bien pu me surprendre si nous n’étions pas tombés l’un face à l’autre de la sorte. La petite blonde pourrait ici occuper le rôle du petit animal discret, un écureuil par exemple, tandis que moi j’occuperais le rôle de l’Ours trahi par sa carrure imposante. « Super et toi ? » J’aimerais faire preuve d’une curiosité immédiate au sujet de sa présence ici, mais ce sont mes opales qui occupent présentement le terrain et parcourent son enveloppe à la recherche d’indices. Aucun appareil électronique, pas la moindre caméra qui m’inspirerait une sorte de réinterprétation du Projet Blair Witch, pas non plus une tenue très sportive qui me permettrait d’envisager un footing nocturne. Non, rien de tel, si ce n’est un mystère sur lequel je prends le temps de sommeiller quelques secondes supplémentaires. La réponse m’est directement apportée par ma camarade sans même avoir besoin de la questionner à ce sujet. « Je suis en mal d’inspiration ces jours-ci. Mes idées s’entrechoquent et je n’arrive plus à dessiner aussi précisément que le reste du temps… La nature me permet toujours de recharger mes batteries à ce niveau-là, de titiller ma créativité. » De trouver des pistes d’exploration dans tous les sentiments qui peuvent en découler, l’angoisse suggérée par la perte momentanée de repères spécifiques en tête de liste. « Avec plaisir, mais à une condition… Que tu profites de cette balade pour m’en dire plus à ton sujet. »

J'acquiesce simplement pour répondre à la positive lorsqu'il me retourne la question. Je lui demande ensuite ce qu'il est venu faire dans la forêt et je comprends alors qu'il dessine. Enfin, pas en ce moment, syndrome de la page blanche - ça marche pour le dessin, ça ? - et il est venu chercher de l'inspiration avec la nature. « Oh, je ne savais que tu dessinais. De manière professionnelle ? » Je comprends donc un peu mieux le but de sa sortie aujourd'hui, et même si je ne veux pas l'empêcher d'être stimulé quant à sa créativité je l'invite à venir marcher un peu avec moi. Il accepte, super. Un sourire étire mes lèvres et je viens glisser mon bras dans le sien. J'espère que ça ne le gêne pas, mais ça me rassure un peu plus de le savoir proche de moi physiquement, parce qu'il est grand et imposant. La condition d'un tel voyage était que j'en parle un peu plus de moi. Oui, c'est vrai, qu'on ne se connait pas, @Addison et moi. Bien dommage d'attendre cinq semaines de jeu, mais bon il vaut mieux tard que jamais. « J'habite un petit appartement à SF avec mon fils, je suis fille unique mais je n'ai pas été élevée comme une princesse, je te rassure. Mes parents m'ont toujours fait comprendre que je n'aurais pas tout ce que je voulais dans la vie, parce que c'est comme ça. J'adore quand les choses sont carrées, réfléchies, réussies, et ce que je déteste par dessus tout, c'est l'injustice. Ah, et la malhonnêteté. » Typiquement le genre de situations que je n'aime pas c'est quand quelqu'un est mis de côté d'un groupe. Vous voyez? « On dit de moi que je suis timide, réservée, discrète. T'es d'accord ? » je ne me fais pas trop d'illusion quant à sa réponse, mais bon c'est la vie. « Je souris tout le temps, même si je suis effrayée par tout ce qui se passe autour de moi. Mais tu remarqueras que j'aime me mettre en danger, comme ce soir.. » par danger j'entends se barrer dans la forêt seule en pleine nuit. J'aime le risque, quoi. « Ma couleur préférée est le bleue et je suis allergique aux chats. » Je me rends compte que je parle d'informations tout à fait random et je ne sais pas si ça lui plaira mais je suis victime actuellement d'une diarrhée verbale. « J'aime la marche, la natation, mon bol de céréales à seize heures et mon petit nez. Et toi ? » je parle je parle mais je ne lui laisse pas l'occasion d'en placer une. Oups.

Je n’irais pas jusqu’à affirmer être rassuré par la présence de la petite blonde, mais le fait d’avoir trouvé un binôme pour partager cette balade nocturne en forêt a quelque chose de plaisant, pour ne pas dire apaisant. À deux, on est toujours en position de force, nettement plus qu’en solitaire dans tous les cas. Pas véritablement peureux, j’ai l’esprit qui se laisse bien volontiers séduire par la fertilité de son imagination lorsque j’erre ainsi dans des espaces au sein desquelles l’atmosphère tend aisément vers une forme suggérée – ou non – d’oppression. Je ne déroge pas à la règle même si mes pensées sont bientôt distancées par l’immédiateté de la situation et la conversation qui démarre avec cette camarade dont je ne sais finalement pas grand-chose pour ne jamais avoir eu l’occasion d’échanger avec elle plus que des banalités qui, ici, nous permettent de briser la glace pour espérer entrer dans le vif d’un sujet nettement plus appréciable et beaucoup moins impersonnel. La façade ne m’intéresse pas, j’ai eu tout le loisir d’observer la jeune femme de loin, de me faire une première idée de sa personnalité, la fameuse moitié de ce portrait que je dessine pour chacun de mes camarades. Il est à présent temps de m’atteler à la deuxième moitié de ce portrait, celle qui va au-delà des clichés pour retranscrire ce que je pense être mon interprétation de la réalité de sa personnalité. « J’ai récemment commencé à facturer mes prestations en matière de body painting mais sinon… Pas vraiment non… Je dessine plutôt pour le plaisir. C’est par ce prisme que je parviens le mieux à m’exprimer. » Les mots et moi ne sommes pas les meilleurs amis du monde. Bras dessus, bras dessous, nous embarquons pour une folle aventure qui démarre avec quelques précieuses informations sur Samm que j’apprends ainsi à découvrir progressivement. « Tu fais quoi dans la vie ? J’veux dire… Professionnellement, bien-sûr, mais aussi le reste du temps… Lorsque tu peux te permettre de laisser s’exprimer tes passions ? » Elle me parle d’injustice et ce détail attise ma curiosité. « Quelles sont les formes d’injustice qui te font le plus bondir au quart de tour ? Tu milites ? » Les questions se multiplient dans mon esprit mais en restent là pour le moment, par respect pour sa parole et les informations avec lesquelles elle continue de m’abreuver généreusement. « Je ne te connais pas assez pour effectuer un constat sur ta personnalité… Mais partant du principe que toi et moi on commence seulement à se parler après cinq semaines… Peut-être es-tu réservée et timide… On l’est surement tous les deux d’ailleurs ! » Je suis très accessible à condition de faire le premier pas ou de voir un événement le provoquer pour moi. Dans le cas contraire, l’observation prend très allègrement le dessus sur l’action. J’acquiesce, opine du chef, avide de ces informations qui se succèdent à une vitesse folle. « J’habite un appartement à Nice, pas très loin de la maison de mes parents. Je suis maitre-nageur, passionné par la natation… Un point que nous avons d’ailleurs en commun, et privé d’une plage de sable ou de galets je me sens terriblement déphasé et perdu ! » La semaine dernière semble s’ériger en preuve formelle de ce que j’avance. « Le bleu est nettement supérieur à toutes les couleurs, mais je dis ça… Je ne dis rien bien sur et… Et j’aime les animaux, dessiner, expérimenter, me promener… Être surpris aussi, régulièrement, tous les jours, à chaque seconde… Tout le temps. J’aime ne jamais pouvoir anticiper sur les instants qui suivront même si ma vie semble parfois inspirer l’inverse… Je suis assez posé au quotidien. »