« Uniquement si tu acceptes qu’on ajoute une petite touche de challenge à cette partie avec quelques enjeux dignes de ce nom ! » J’annonce fièrement, conscient du potentiel avantage dont je dois disposer vis-à-vis de cette activité que je maitrise sur le bout des doigts. L’avantage, quand tu renonces ponctuellement à la surveillance des piscines pour renforcer l’effectif sur les plages en période estivale, c’est que tu formes une sorte de famille avec les autres maitres-nageurs. Si c’est également le cas au sien du complexe aquatique au sein duquel je bosse le restant de l’année, on ne peut pas égaler cet aspect temporaire lié à notre situation l’été. Une ambiance colonie de vacances et pourtant très sérieuse puisque nous passons nos journées à guetter la moindre noyade, piqure de méduse ou le moindre changement météorologique qui pourrait impacter la qualité des baignades. Ce n’est que le soir venu, lorsque la surveillance cesse, que nous nous retrouvons pour savourer quelques bières autour de quelques parties de volley-ball avant la transition immanquablement stéréotypée sur un barbecue dans les règles d’art, saupoudré de rosé piscine. « Qu’as-tu à me proposer ? » Je lui laisse le choix, la possibilité de définir les termes de cette partie avant de la démarrer. Son interprétation d’une vieille chanson me pousse à pousser mes meilleures vocalises à mon tour. « Le temps dure longtemps. » La question qu’il me pose ensuite a le mérite de me clouer le bec un bref instant. Que répondre à cela ? « Je l’ignore, pour être honnête. Nous n’avons pas le même cercle d’affinités ici, c’est peut-être pour cela… » Je ne saurais pas l’expliquer autrement puisque nous partageons une tonne de points communs lui et moi. « T’es passé par Nice ces dernières années ? » De la même région, nous aurions très bien pu nous croiser avant cela, ce n’est pourtant jamais arrivé, pas à ma connaissance en tout cas. Il m’offre un premier service prometteur que j’ai soin à utiliser pour heurter la balle et la renvoyer à son propriétaire en un mouvement stable et maitrisé, les pieds en mouvement constant dans le sable brûlant de cette journée ensoleillée. « Je suis phobique des araignées, je ne pourrais pas survivre sur une île avec de grosses bestioles étranges… Et puis entre nous, aller à la selle derrière un caillou et me torcher le cul avec des feuilles de bambou ce n’est pas trop mon truc !!! Je préfère cela aux anges, marseillais et autres émotions de ce genre, cela dit ! » Je sais qu’on pourrait penser le contraire, en me voyant ici, dans on my block et pourtant… « Moi je dis qu’on devrait plutôt former une équipe et participer à Fort Boyard ! »

Il me pose une excellente question à laquelle je prends le temps de réfléchir avant de tout simplement répondre impulsivement. J’acquiesce, comme satisfait par les mots qui s’apprêtent à entamer une lente évasion d’entre mes lèvres et me redresse pour pouvoir le regarder dans les yeux, l’œil visiblement très taquin. « Plutôt services et gages. Ce que j’aime, en matière de chasse aux secrets, c’est le mérite que je pourrais avoir à percer à jour un intitulé sans avoir besoin du moindre indice complémentaire, en me basant uniquement sur mes capacités d’analyse et d’observation. » J’ai le goût du challenge, la difficulté dans le sang et je ne vois aucun intérêt à quémander des indices au détour d’une partie de volleyball que je ne suis pas certain de remporter. « Nos enjeux peuvent être différents cela dit, si tu préfères me quémander un indice en cas de victoire ! J’ai l’amour du risque ! » Un très large sourire étire mes lippes et les questions s’enchainent les unes après les autres avec fluidité. C’est même appréciable de pouvoir ressentir un tel sentiment, cet impression d’avoir perdu un temps fou avant de l’aborder. Une bonne excuse – ou simplement le temps, ou la motivation – aurait été suffisante. Rien n’arrive sans raison. Le sud nous rapproche inlassablement, les vieilles chansons contribuent à créer instantanément un sentiment de proximité qu’il est appréciable de découvrir entre nous alors même que nos prénoms semblent être la seule donnée que nous maitrisons l’un vis-à-vis de l’autre. « Les chansons hyper datées c’est même le truc qui ressort le plus quand on se fait des soirées, que ce soit sur la plage avec une guitare ou quand on improvise des sauteries à la maison. Il est loin le temps où tout le monde s’enjaillait sur les derniers sons à la mode ! » Avec l’âge, les nouveaux phénomènes musicaux nous passent parfois au-dessus de la tête et contribuent à naturellement nous orienter vers ce que nous écoutions dans notre jeunesse. Je ne suis peut-être pas très vieux, mais je suis plus proche des chansons que les adolescents qualifient de has been que des derniers titres d’un mec qui m’horripile à la Jul. La conversation lorgne du côté très sérieux de la chose et j’apprécie la franchise de ce garçon qui, décidément, me donne tous les éléments nécessaires à son appréciation. « Tu n’as pas à te justifier, j’apprécie ta démarche ! Je me demande même pourquoi je n’ai pas été dans ce même esprit plus tôt dans l’aventure ! » Je l’ai repéré il y a un petit moment maintenant, à force de le voir faire le con en soirée, se déchainer en toute légèreté sans trop prêter attention au regard des autres. Son tempérament me plait, il m’a même plusieurs fois interpelé et donné envie de l’aborder mais les vieilles habitudes ont la vie dur et j’apprécie toujours autant de pouvoir observer d’abord. « En revanche, si tu as des comptes à régler, tu peux également le faire. Je n’ai rien contre ce genre de discussions et je ne suis pas quelqu’un qu’on vexe facilement ! » Je tente de le rassurer, toujours très cool au sujet de toutes les thématiques. Je n’ai pas peur des conversations à caractère plus… Houleux. Il n’y a que @Noor qui parvient à me faire sortir de mes gonds à chaque fois, je ne comprends même pas pourquoi. Nice et ses changements, Nice et son image, Nice et son tempérament. Il est agréable de trouver quelqu’un avec qui en discuter en plus de @Violette. Je me sentirais presque comme à la maison grâce à cela, pas le moins du monde dépaysé. « Quel endroit pourrais-tu considérer comme ton chez-toi ? Où te sens-tu à l’aise ? » Il attise ma curiosité avant même de revenir sur Nice. « Cette ville ne cesse de se transformer, elle bouge au même rythme que nous. On s’y perd parfois. J’ai un petit peu lâché prise à ce niveau-là. Je profite de ce qui lorgne dans le domaine du connu et me cultive au contact de tout ce qui m’est inconnu. » Le contact humain et culturel comme une source inépuisable à laquelle s’abreuver quotidiennement. Une richesse sur laquelle je compte énormément et qui me permet de tenir debout même contre vents et marées. Les Marseillais version US, l’idée a de quoi me faire sourire. « Ah ouais tu crois ? J’ai l’impression, peut-être complètement à côté de la réalité, qu’on est nettement plus intelligents, beaucoup moins superficiels, retouchés physiquement et qu’il y a moins de drama quoique… » Ce dernier détail reste à prouver, les altercations s’enchainent dernièrement. « Si tu devais comparer notre casting à celui des candidats emblématiques des Marseillais, tu associerais qui à qui ? » J’adore ce petit jeu, faire matcher les personnalités ou les physiques des uns avec ceux de nos pendants français. Fort Boyard, une option qui semble nous convenir à tous les deux. « Je me ferais pipi dessus au moment d’entendre ce brave Olivier Minne hurler à Félindra son fameux tête de tigre avec la tension qui en découle et le rush vers les boyards ! » Une telle aventure me plairait, j’aime me challenger. « On serait mal barrés pour répondre aux énigmes du Père Fourras mais franchement… J’suis prêt à tenter mille énigmes ou à affronter tous les maitres du temps du moment qu’on ne me refile pas les indices à récolter sur les araignées et les scorpions ! » Je frissonne rien que de m’imaginer là-dedans. Un cauchemar. Je parviens à trouver une occasion en or pour marquer un premier coup puisqu’il se foire en tentant de réceptionner la balle. « Un seul défi pour une victoire ou un défi par point marqué ? »