Coucher de soleil sur les toits d'Atlantic ? Ca n'avait rien de bucolique comme les toits de Paname, mais ça offrait une perspective nouvelle à la baraque. Du jamais vu. Et l'idée de faire un truc, de visiter un lieu où les autres n'avaient pas foutu leurs pieds, ça le faisait bien kiffer. Un peu comme leur grimpette dans les hauteurs de l'église avec Clay. Toucher le ciel de là-haut ça lui avait donné envie de passer à l'étape supérieure. Il avait encore les doigts niqués par les éraflures des briques, mais pour s'aventurer sur le toit du Block le cheminement semblait largement plus easy. Il était monté sur le muret blanc avant de s'accrocher aux rebords du toit et de s'y hisser en prenant appui sur le creux d'une fenêtre. Gainage, biceps et il s'était accroupi, les deux pieds sur le toit. Son bras tendu vers Jules avait réceptionné le pain, le fromage et le vino. De quoi passer un bon moment face aux couleurs rosées du ciel. Il avait guetté brièvement les mouvements du parisien avant de continuer son cheminement jusqu'à une surface plate, loin des tuiles et de tout le bordel. T'as passé combien de temps en prison ? Il rebondissait un peu de façon random sur des ébauches de conversations qu'ils n'avaient pas pu terminer à d'autres moments. Le verre de Jules et le sien remplis de rouge son sourire s'était brièvement détourné vers l'horizon. T'en es sorti quand ? C'était juste avant OMB ? Il cherchait juste à capter, au fond, si Jules percevait cette période comme une espèce de pause, un no man's land dans lequel s'égarer volontairement avant de refaire face à sa vie parisienne.

Le français dodeline de la tête sans s'empêcher d'ajouter un : « Tu veux me chiner quoi, classique » il lance en roulant des billes face à la proposition de sunset lancé par Maël. Ils s'étaient répartis les tâches, Jules reléguant le choix du vin au sétois pour se contenter du pain / fromage en souriant à l'idée du cliché des français qu'ils véhiculaient en ce moment. Il avait l'impression d'être au bar à chercher une planche qui lui ferait envie. Il laisse Mael commencer son ascenseur avant d'enchainer à sa suite sans difficulté particulière, son corps bien trop habitué à ce genre de mouvements se devant vifs et rapides. Ils finissent par s'installer, presque confortablement, avant que le sétois ne pose une question sur la prison. Jules n'a toujours pas compris le délire de la production, d'ailleurs quand les gens découvriront son secret, ce truc paraîtra complètement con. « J'ai pris un an » il étire parce qu'évidemment la production n'aurait pas laissé un psycho condamné pour crime avec eux.  « Mais absolument pas pour trafic de drogues ou je ne sais quelle connerie, c'est d'ailleurs très ironique parce que c'est ce qu'utilise les flics comme prétexte pour rentrer chez nous comme des bourins, le fait que ça sente les substances illicites » il raconte à Mael, très sérieux pour l'avoir vécu plusieurs fois. « En tout cas, on se sent suffisamment obligé de les laisser rentrer, parce que résister, ça rapporte que des emmerdes, mais bon ce n'est pas une généralité » il tempère bien évidemment en haussant les épaules. « C'était juste avant OMB mais j'ai eu le temps de me poser quelques mois avant » il étire.  « Y a des actions que tu regrettes dans ta vie ? » questionne Jules.

Of course, vu que vous êtes pas exclusifs Noor et toi. Il lui renvoyait la balle, moqueur à son tour. La montée sur le toit s'était faite avec une facilité déconcertante, à croire qu'ils avaient fait ça toute leur vie, tous les deux. Une fois là-haut Mael s'en était instantanément voulu de ne pas avoir eu l'idée plus tôt. C'était ni Paris ni les toits colorés du sud, mais putain ça offrait déjà un autre panorama sur la ville. Atlantic City depuis le day one il se plaisait à la détester. Dans sa tête il avait catégorisé la ville dans le panier "pire du pire de l'Amérique". Et sachant que les US faisaient partie du panier "pire du pire" des nations mondiales, l'estime n'était vraiment pas bien haute. Mais soit, là, tout de suite, les couleurs du ciel offraient aux enseignes lumineuses et luna park environnants des teintes quasi bucoliques. C'était beau, très visuel, sorti tout droit d'un bouquin de Bret Easton Ellis. Son attention s'était pourtant vite détournée des buildings brillants pour être happée par les mots de Jules. Il coupait un morceau de fromage, regard braqué sur son pote. Ouais t'inquiètes j'm'en doute. L'histoire du trafic de drogue à force ça tenait de la private joke. C'était facile de taper sur ça, mais Jules suffisait de le voir pour capter qu'il était dans le contrôle. Il avait rien du dealer débile, à se pavaner pour quatre morceaux de shit vendus à des mômes du 5ème arrondissement. Ils ont tout pété ? Sous entendu : comme dans les films ? C'est quoi le premier truc que t'as fait en sortant ? Le truc qui te manquait le plus. Il s'était ravisé, après une gorgée de pinardo. Enfin si ça te casse les couilles on change de sujet. Jules, c'était son pote depuis le début. Et il ne le définissait absolument pas par cette demi-rével'. Mais forcément, ça lui avait fait remonter pas mal d'interrogations. D'autant plus qu'il s'était gavé de films et docu' à ce propos, y'a quelques temps. Des actions pas franchement non. J'ai pas fait de grosse connerie. A la limite j'regrette de pas avoir été plus engagé que ça par moments, mais bon. Un peu comme tout le monde, il était épris du syndrome du mec qui avait voulu changer le monde, avant de capter qu'il n'était qu'un simple maillon de l'échiquier. J'regrette peut-être d'avoir été trop baroudeur ces des deux dernières années en rentrant du Brésil. J'aurais du passer plus de temps à Sète et moins à fuir la ville. Mais bon, je peux pas m'en vouloir toute ma vie à ce propos. Son sourire s'était délié. Jules il devait capter à quoi il faisait référence. En rentrant du Brésil pour gérer l'annonce du K de sa madre il n'avait pas pu se résoudre à rester dans sa ville d'origine. C'était trop oppressant. Haussement d'épaule moqueur. Déso mon pote c'est toi le plus street d'entre nous. Comme quoi, les tattoo ça voulait foutrement rien dire.

Mael fait le gros bâtard et le parisien ricane face à sa réflexion très bien placée, ça se payera. « Riley t'a raconté aussi ? » il se marre en imaginant la poucave blonde balancer le "je partage Jules". Lui avait appris aussi plus tard ce délire dont il avait fait l'objet en lançant un regard un peu affligé à Riley pour s'assurer de la véracité de son téléphone arabe. « Non mais elle a fait une fixette sur la chose, j'ai pas compris » il lance en se marrant en s'installant à coté de son pote. « J'ai tenté de stopper toute prise de tête sur le sujet » le français l'informe tout naturellement parce qu'il était bien l'un des seuls avec qui il en parlait tranquillement sans se sentir forcé par le contexte. « Mais elle est incontrôlable, j'te jure » Jules avance d'un air léger mais véridique, Noor, c'était une tornade, elle parlait en même temps qu'elle pensait sans s'octroyer un temps de réflexion au préalable. Jules avait un statut de semi-privilégié, il récoltait plus ses petites caprices que ses colères qu'il devait à la place tenter d'apaiser. Mais il a l'habitude. Le parisien écoute les questions du sétois. « Non, ils ont juste un peu foutu le bordel, parfois j'ai l'impression qu'ils le font juste pour me prouver qu'eux, ils peuvent débarquer comme ça sans prévenir » après Jules, sa vision de la police était biaisée vu l'endroit où il habitait et les potes qu'il se traînait. Y a toujours une certaine défiance qui ne part pas. « Mais laisse, je ne suis pas objectif » il concède sans mal. « Je suis direct allé voir ma mif » il déclare en croisant ses opales, lui souriant. « C'était trop chiant de ne pas avoir le choix de ton interlocuteur, des gens dont tu t'en fous surtout, en tout ça, ça m'intéressait pas spécialement » annonce Jules qui n'avait pas tellement pris le temps de sociabiliser simplement parce qu'il se disait qu'il n'était pas à sa place là bas. « et après je me suis posé dans mon appart, pour retrouver mon petit confort matériel, mais ça restait bien secondaire sur le moment » il glisse avant que ce ne soit à Mael de parler. Jules comprend rapidement l'allusion à sa mère. « Y a pas de réaction idéale dans ce genre de moment. On se dit pas mal de choses et puis le jour où ça nous arrive, on fait juste comme on peut » il répond à Mael en lui rendant son sourire. « Elle est belle ta photo d'ailleurs » Jules glisse parce qu'il était tombé dessus récemment. « Elle s'appelait comment ? » il questionne. « Et ton père ? » ça va ?