Quelle bizarrerie d'être entouré... de gens. Enfin, non, de gens qu'on ne connait pas, des gens qui vivent, respirent mais ne résident pas à l'intérieur du block. J'ai longtemps assimilé notre petit groupe de candidats à l'unique société dans laquelle il était possible d'évoluer. Au delà de mes proches, j'ai totalement zappé qu'il y avait de la vie ailleurs. C'est un peu du parfois de devoir faire la conversation avec des inconnus... est-ce qu'ils nous ont regardés ? Est-ce qu'ils nous connaissent ? Je ne suis pas sure, mais je ne peux m'empêcher d'avoir cette petite idée dans un coin du cerveau. En marchant dans la rue, mon bras dans celui de @Clay, j'observe les gens, un café à emporter dans les mains. « C'est trop perturbant, tout ce monde, tu trouves pas ? » enfin, perturbant dans le sens où il faut se réhabituer à voir du monde. D'ailleurs, Clay avait gentiment accepté de prendre de son précieux temps de demi-finaliste dans sa semaine de vacances pour le passer avec moi, le temps d'un moment. Les situations où je me retrouve seule avec Clay me sont très agréables personnellement, lui qui rassure et qui n'est pas le dernier pour rire. Sirotant une gorgée de mon double expresso, mon regard vient se poser de côté sur le visage de Clay. « Alors, comment tu te sens pour la suite ? » Je suis absolument ravie que Clay ait accédé à cette semaine si particulière en terme de jeu, puisque c'est totalement mérité pour son investissement et son côté joueur, qu'il aura su exploiter tout au long de la saison. Même si ce n'est pas fini pour lui et d'ailleurs je ne pense pas que cette semaine sera la dernière de la compétition pour le jeune homme. « Y a plein de jolies filles ici, non ? Au cas où tu ressors bredouille avec les meufs du jeu.. » que je dis en suivant du regard un groupe de nanas qui passent à côté de nous. Parce que je sais qu'il aime bien @Rumer, et/ou que Rumer l'aime bien aussi. Mais je crois qu'il y a aussi une tension particulière avec @Olivia. On peut pas se prendre autant la tête si y a pas une alchimie particulière, quand même.

— J’suis trop content que tu sois restée, il souffle à l’attention de @Samm, son bras dans le sien, ses pas calqués sur ses pas tandis qu’ils entreprennent une visite du centre de la ville. Ils ont dans leur main libre un café chacun, bien brûlant enfermé dans un gobelet surmonté d’un petit couvercle. Ils croisent des tonnes de gens, dont des touristes, mais tous ne les reconnaissent pas, et heureusement. Ce n’est pas la planète entière qui regarde OMB. Les yeux de Clay s’arrêtent ça et là sur des visages, perturbé comme Samm et content de rencontrer de nouvelles têtes, même si ça veut seulement dire les croiser. — Tu kiffes ? Il demande en détaillant le visage d’un type avec un collier de barbe improbable. Samm lui demande des news de son état mental en vue de la suite, il sait pas vraiment. — C’est trop trop bon d’être en demi-finale, il avoue dans un sourire, avant de boire une gorgée d’expresso et de se brûler la langue. — J’sais pas si j’aurai ma place en finale… Quelque chose lui dit que non, et ça lui retourne un peu le bide. Il aimait gagner, c’était certain, il se donnait pour y arriver mais les places des gagnants étaient plus que limitées et face à Mael, Freya, Maggie, Shadi, est-ce qu’il recueillerait assez de votes ? La remarque de Samm sur les meufs, faite au passage d’un groupe de filles sur leur chemin, lui arrache un rire. — A Frisco aussi, il signale, ses yeux rusés lui jetant un regard en biais. — Olivia, si tu veux savoir, ajoute-t-il, parce qu’il sait pas ce qui se passe et ce qui se dit dans la tête de Samm, mais ça a l’air marrant. Il ignore totalement ce qu’elle a suivi et pas suivi de ses histoires au sein du block, mais il faut admettre que tout le monde se met en duo peu à peu. Ses deux potes, Jules et Mael, les premiers. — Et toi, alors ? Comment ça se fait que t’aies craqué sur personne ? Quelqu’un t’attend, dehors ? Quel mec aurait pu plaire à baby Samm, dans le block ? — Ton métier de cleaner, dit-il soudain, ses sourcils froncés. — J’ai horreur de ça. Ça me fait plaisir de voir qu’ils embauchent des gens qu’ils payent normalement, parce que souvent, c’est pas le cas. Les géants du web offrent ces métiers manuels qui pourraient être réalisés par des algorithmes à des humains issus du tiers-monde qui bossent jour et nuit comme des bœufs pour un salaire de misère. Samm, elle a l’air épargnée par ça. — T’as le droit de dire qui t’embauche ? Facebook ?

Je viens lui déposer un bisou sur la joue. Ca me touche vachement qu'il soit content que je sois encore là, parce qu'on a commencé à se parler qu'à partir du milieu du jeu, @Clay et moi. Pour être honnête, je ne l'avais jamais trop remarqué - je sais que lui non plus - mais la composition de l'équipe par @Rumer aura été bénéfique puisque je peux compter le jeune homme comme un ami, aujourd'hui. Et puis de se dire qu'on habite pas loin l'un de l'autre, c'est super cool, ça veut dire qu'on sera probablement amenés à se revoir dès lors que le proprio aura sonné la fin de notre aventure. « Je suis venue soutenir mes champions » et il y en a plein, dans ces demi-finales. Notre petite balade se déroule tout à fait convenablement, on en profite d'ailleurs pour critiquer gentiment les passants. Faut nous comprendre aussi, on a vu de vie extérieure depuis deux mois. Alors forcément à la première occasion on taille. « T'es sérieux là ? » Bien sur que non, je kiff pas. Les colliers de barbe c'est so 2003. Non c'est so never en fait. J'en profite au passage pour lui demander comment ils se sent à l'approche du dénouement des demi-finales, parce que mine de rien ça approche et sept d'entre eux vont quitter le jeu. Il n'est pas si confiant, un peu étonnant de sa part, lui qui a l'air toujours sur de tout d'habitude. « Je ne sais pas si tu l'auras, mais sache que si t'y accèdes, tu l'auras volé à personne. T'as été le bon copain de tout le monde et un bon joueur, aussi. » je viens coller ma tête furtivement sur son bras pendant que nous marchons. « Et puis t'as le facteur bogossitude aussi, y a moy que tu grappilles quelques votes auprès des adolescentes. » bien sur y a Mael aussi, mais Clay n'a rien à lui envier. D'ailleurs j'essaie moi-même de grappiller quelques infos lorsqu'un groupe de nenettes passe à côté de nous. Je sais que de près ou de loin il est affilié à Rumer et d'une certaine manière d'Olivia. Mais quand il prononce sérieusement le prénom de cette dernière, j'arrête immédiatement notre course et je le regarde les yeux grands ouverts. « Dé-conne ? » j'ouvre la bouche un peu choquée parce qu'on est d'accord, il s'est passé quelque chose ? Non ? Pourquoi il dirait ça sinon ? « Il s'est passé quoi ??? » j'appuie sur le côté dramatique de la situation, mais c'est pas de ma faute, je suis trop curieuse. « Vous vous êtes embrouillés et rabibochés sous l'oreiller ? Raconte-moi, tu peux pas me laisser dans le flou ! » il va regretter de m'avoir dit quoi que ce soit. J'ai cru comprendre qu'ils avaient passé une aventure tumultueuse tous les deux mais y avait une tension sexuelle évidente. Il va pas me la faire à moi. « Change pas de sujet » que je lâche en reprenant notre marche lorsqu'il évoque mon cas. Je viens siroter une gorgée de mon café bientôt fini. « Bah, t'étais déjà convoité.. » que je lâche en gonflant ma bouche, retenant un rire. Je vais pas lui faire cette blague, il va vraiment croire que je craquais sur lui. « Non en vrai j'ai personne à l'extérieur. C'est juste que c'était déjà un grand pas de sortir de ma zone de confort en venant dans ce jeu, je me voyais mal me mettre en couple ici. J'ai déjà du mal à me lâcher dans la vie de tous les jours alors c'était pas imaginable que je puisse tenter quelque chose avec qui que ce soit ici. Je sais, je crains. » Mais il faut me comprendre, aussi : je suis trop timide. Trop réservée. En amour, j'ai du mal à m'ouvrir. Alors je ne me voyais pas m'ouvrir sur ce plan là à la télévision, devant des millions de personnes. L'angoisse. J'ai pas aussi d'aisance que mes camarades, c'est tout. La discussion déboule sur mon secret, révélé la semaine dernière. Quelque part je suis rassurée qu'il ait éclaté, j'ai l'impression que ça m'a un peu plus rapprochée des autres. Un peu tard, sans doutes, mais c'est le jeu. « Niveau salaire, ça me convient totalement, mais d'un autre côté ça ne rattrape pas le manque de soutien psychologique flagrant. Aucune cellule, aucun rendez-vous avec des psys. Tu peux toujours démissionner, mais ça ne changera rien, ils te remplaceront dans la minute. C'est un truc de ouf. » Je soupire et réponds par la négative d'un mouvement de tête. « C'est un moteur de recherches, y en a pas trente-six » Evidemment que c'est Google, mais malheureusement, c'est un mot que je ne peux pas employer ici, ni même auquel j'ai envie de penser d'ailleurs. « Tu appréhendes de dévoiler le tien ? » car si mes souvenirs sont bons seule la moitié de son secret a été découverte par @Bianca.

@Samm, elle est revenue pour soutenir ses préférés, et il espère bien en faire partie, pressant son bras autour du sien en guise de câlin. Il lui demande si elle kiffe se retrouver au milieu de centaines d’inconnus, après tant de temps enfermée au block, mais elle suit son regard en direction du type au collier de barbe périmé et croit qu’il sonde son attirance. Il éclate de rire. — J’parlais du fait de voir du monde, j’me doute que c’est pas ton genre de mec, il s’exclame sans pouvoir s’arrêter de se marrer. Elle est chou, avec sa conclusion de sa saison : il a été cool, Clay, fidèle à lui-même avec quelques petits échecs de relationnel, parfois, et bon joueur, même quand il perdait et que ça le rendait intérieurement dingue. Il rit à l’évocation de sa prétendue bogossitude. — Naaaaan, c’est Mael le prince charmant des ado, pas moi. Si jamais j’en ai fait rêver deux-trois, elles ont changé d’avis direct après avoir googlé mon nom, je t’assure. Il suffisait de regarder un de ses combats pour réaliser que Clay-le-Gentil était sous sauf sympa sur un ring. Leur romantisme avait probablement explosé en même temps que son premier direct du gauche. C’était un gros puncheur, Clay, il se foutait entièrement de briser le nez de son adversaire et ses combats se déroulaient souvent dans pas mal de sang : une fois qu'il était parvenu à ouvrir une arcade, il frappait dessus, encore et encore sur la même plaie, jusqu'à ce que l'homme de coin du mec d'en face puisse plus stopper le sang et que l'arbitre commence à paniquer. De quoi calmer sec les ado qui auraient eu l’idée débile de le kiffer. Putain, il a même pas terminé sa phrase que Samm stoppe tout et le sangle dans ses grands yeux verts. Il aurait jamais du lui dire, va falloir tout lui raconter maintenant. — Heu, thank God elle trouve les mots pour lui, et obtient son rire pour toute réponse détaillée. — Ouais, voilà, comme t’as dit. Embrouille et rabibochés oreillé, ce truc-là. Grillé dans sa tentative de s’échapper, Samm le recadre immédiatement. — J’étais pas du tout parti pour ça – oui parce que, contre toute attente, Clay est capable de pas ken pendant un certain temps, — mais ça s’est finalement imposé comme la suite logique des événements… Ils avaient joué au même jeu, s’en étaient rendu compte simultanément, et aucun des deux n’avait fait quoi que ce soit pour arrêter l’autre ou le ralentir. Il rit de son allusion selon laquelle elle l’aurait bien chiné. — T’aurais pu tenter, merde, il lui reproche en déconnant. — Comment… tu fais pour boire ça ?? C’est bouillant, il lève son propre café, peu désireux de retenter l’expérience, notamment parce qu’il sent encore sa langue endolorie par la brûlure. Les vraies raisons de la timidité de Samm lui dessinent un sourire. Il aime ces personnalités réservées qui, dès lors qu’on les aborde de la bonne manière, vous révèlent des merveilles. Samm, elle l’avait fait mourir de rire et il comptait les moments avec elles comme parmi les meilleurs de l’aventure. Agacé par les attitudes des employeurs de cleaners, Samm confirme son jugement tandis qu’elle fait état de l’absence totale de prise en compte de la sensibilité des cleaners. Google, évidemment. Sourcils froncés, il réfléchit à une option, Clay, parce que ça va le rendre ouf de savoir que Samm, sa « voisine » à Frisco, est seule face à ces contenus choquants, de la pédophilie aux détails de meurtres. — Si tu peux choisir où tu taffes, ça te dirait de bosser avec moi de temps en temps ? Il pose sur elle un œil interrogateur. — Une partie de ma baraque, tout l’étage, est réservé au boulot. J’ai de la place pour toi, tu pourrais poser ton matos et peut-être qu’avec moi dans le coin tu te sentirais moins assaillie par tout ça… Parce qu’il faudrait pas qu’elle réponde trop vite et risque de dire une connerie, il la stoppe de la main contenant son café. — J’te demande pas de me dire tout de suite, réfléchis-y, d’accord ? Parfois j'ai des grosses sessions codage où j'suis solo pendant des semaines, mais la plupart du temps c'est tranquille. La porte est grande ouverte pour toi. Et ça, c’était une certitude. — J’ai hâte, tu veux dire, il répond au sujet de son secret, révélé samedi. — A toi, ça va te parler plus qu’aux autres, révèle-t-il dans un sourire rusé.