Il n’est peut-être que midi, mais je fonctionne exactement comme les personnes âgées. Je me lève tellement tôt le matin qu’il est tout bonnement impossible d’attendre plus tard pour songer à déjeuner. Mon rythme habituel, je le tiens d’un quotidien qui nécessite un nombre conséquent d’adaptations. Je passe mes journées au salon, à encadrer des équipes qui, à présent, n’ont plus toujours besoin de moi pour les aider. Je me concentre majoritairement sur la formation de nouvelles recrues fraichement échappées d’un système scolaire qui ne convient pas à tout le monde, le tout en honorant les nombreux rendez-vous qui sont fixés par des clientes qui refusent de s’offrir aux mains expertes d’employés qui, pourtant, ont un diamant entre les doigts. Au salon à huit heures trente tous les matins, je démarre toujours la journée avec une bonne heure de sport au minimum, d’où un réveil très tôt et une hygiène de vie qui va très logiquement avec de telles habitudes. Midi pile, et une faim de loup que je ne contiendrais pas plus longtemps. Midi, et un candidat déjà occupé derrière les fourneaux, que prépare-t-il de bon ? J’aimerais pouvoir me pencher au-dessus de sa casserole pour obtenir la réponse à une telle interrogation mais je suis bien trop respectueux pour cela. Je ne connais pas encore assez Tiago pour me le permettre. « Yo ! » Un petit tchek des familles, comme nous en avons déjà pris l’habitude et une question de l’ordre de la routine. « Au top, et toi ? Tu prends tes marques ? Tout va bien ? » Je me sens parfois comme un ancêtre, de ceux qui sont déjà passés par là et qui se doivent donc d’aider les autres en cas de besoin sur ces premiers jours d’aventure. « Tu fais quoi à manger ? » Un estomac sur pattes, littéralement, mais je n’entends que lui qui grogne et se fait entendre comme si je ne l’avais pas comblé une quinzaine d’heures en arrière. « Je ne sais pas… Je commencerais par te dire que je suis passionné par tout ce que je touche. Je déteste l’à-peu-près, que ce soit professionnellement ou dans mon quotidien. » Un premier point, comme demandé. Le plus amusant – et rassurant à la fois – c’est que cette pression, je ne la répercute pas sur mes proches, uniquement sur mes épaules. « Je ne me prends pas la tête, j’aime passer du bon temps, côtoyer du monde, faire de nouvelles rencontres, m’amuser… Je déteste les conflits, la vie peut déjà être une belle garce sans en rajouter une couche, pas vrai ? » Je me tiens toujours loin des problèmes, autant que possible en tout cas. « Cordon bleu… J’ai appris à cuisiner avec ma grand-mère, elle m’a tout appris et j’ai récupéré son vilain défaut en cuisinant le double de ce qui est nécessaire par peur que mes invités puissent manquer de nourriture à ma table. Si je disposais du temps nécessaire… Je te dirais de prendre ton mal en patience pour te faire goûter à mes pâtes maison, mais il me faut quelques heures pour faire opérer la magie. » Les pâtes en paquet, quelle horreur ! « À ton tour ! »

J’arque un sourcil, l’espace d’un instant, avant de réaliser le sourire qui se dessine sur son visage. Il plaisante, c’est évident, je ne sais même pas pourquoi j’ai pensé qu’il pouvait être sérieux. Je ne le connais pas encore suffisamment pour me faire une idée précise de son tempérament, de sa personnalité. Quoiqu’il en soit, il faudrait être complètement dingue pour trouver quelque chose à redire à cette propriété de rêve. Peut-on vraiment se plaindre de déambuler toute la journée ici, dans une baraque agrémentée d’une piscine, d’un jacuzzi, d’une cuisine de rêve, de chambres spacieuses et, clou du spectacle, d’une plage à portée de main ? Je ne vois tout bonnement pas comment une telle chose serait acceptable car oui, je suis persuadé que certaines personnes trouveraient aisément une montagne de critiques à formuler, ceux qui ne parviennent jamais à se satisfaire de rien et qui ont toujours besoin de se livrer à un commentaire désobligeant, preuve d’une aigreur grandissante, que personne n’a pourtant demandé à entendre. Il est occupé à cuisiner un menu d’une simplicité hors du commun mais d’une efficacité redoutable. « Sauce tomate maison, ou en tube ? » Quoi ? Ne me regardez pas comme ça, je n’ai rien contre l’industriel et les produits qu’il ne reste plus qu’à réchauffer avant consommation mais… Les habitudes ont parfois la vie dur malgré tout. J’aime beaucoup trop cuisiner pour me faciliter la tâche, même un tout petit peu. Son défi relevé, je lui retourne très naturellement la question et me délecte des informations qu’il est en mesure de me fournir à son sujet. Il est donc mécanicien dans le garage familial. « Tu es proche de ta famille ? » La question pourrait paraitre stupide, mais tout le monde ne s’entend pas avec ses proches, c’est une réalité. « En première saison, nous avions un garage au block avec tout un tas de vieilles voitures dans un état plus ou moins lamentable. Tu aurais adoré ! Il n’y a que mon pote @Zach qui a tenté d’en réparer une ou deux mais @Maylis et lui ont préféré investir les lieux pour d’autres motifs impérieux après ça et… Bref… On avait un garage ! » Je me reprends, en un sourire mutin. @Zach et @Maylis me manquent, j’ai parfois l’impression d’avoir un emploi du temps comparable à celui d’un ministre et bien du mal à honorer l’ensemble des promesses formulées à la fin du jeu. Le football comme sport passion, un détail que je note dans un recoin de mon esprit. « On se fera quelques balles à l’occasion, si tu veux ! » Un ballon de foot, une cage improvisée, quelques bières pour une journée teintée de succès. Réponse à ma question précédente, la famille, élément central à son équilibre. « Revenir là où tout a commencé c’est un peu étrange, et à la fois très excitant. Je pensais pourtant avoir refermé ce chapitre de ma vie, bouclé la boucle en me glissant de l’autre côté du miroir, dans les coulisses, mais la proposition était trop alléchante pour que je la refuse. On va bien s’amuser ! » Ce qui m’inspire d’ailleurs une nouvelle question. « Et toi ? Pourquoi avoir tenté les castings ? Qu’est-ce qui t’as attiré dans le concept ? »