« J’AI TROUVÉ ! » Je couine, du plus fort que je peux, conscient qu’elle risque de ne pas trop m’entendre de là où elle se trouve. Je ne sais même pas comment j’en suis arrivé à retourner la petite cabane près de la plage en espérant mettre la main sur le matériel nécessaire pour concevoir des châteaux de sable digne de ce nom. Je récupère plusieurs seaux, quelques pelles en plastique qui nous aideront dans notre quête du jour et embarque dans la foulée une armée de coquillages qui ont été entreposés ici et surement oubliés depuis. « Oh, il y a un ballon aussi ! » Je ne crois pas qu’elle puisse m’entendre cette fois, c’est même certain puisque cette remarque me vient du bout des lèvres, comme un constat à moi-même. J’attrape tout ça, regroupe le tout en un équilibre précaire et m’élance sur le sable afin de rejoindre Laila qui, je le sais, m’attend un peu plus loin, à quelques millimètres à peine des vagues qui nous effleurent les pieds depuis que nous nous sommes croisés par hasard. « On a de quoi faire ! » J’annonce fièrement, retrouvant dans la foulée le confort de ma serviette avant d’abandonner à même le sable l’ensemble des accessoires regroupés spécialement pour l’occasion. Je termine avec ce fameux ballon qui, j’en suis persuadé, nous occupera dès lors qu’enchainer les châteaux nous gonflera, c’est-à-dire dans dix minutes approximativement. « Je me suis dit qu’on pouvait se faire quelques passes tout à l’heure, tout en se rafraichissant ! » Le soleil de plomb tape sur nos épaules malgré la crème solaire, une baignade régulière me parait donc inévitable pour ne pas avoir l’impression de griller comme une merguez sur le barbecue. « On se croise souvent ici ces derniers temps. Tu es maitre-nageuse, quelque chose de ce genre ? Ou alors… Est-ce que tu vends des beignets, des glaces et des boissons fraiches toute la journée ? » Pourquoi pas ? Cet emploi est généralement saisonnier, mais il permet de gagner un peu d’argent tout en étant une transition comme une autre. « Tu viens d’où, d’ailleurs ? »

La plage. Sûrement l'endroit qu'elle préférait sans la moindre hésitation, Laila. Ça ne la changeait pas vraiment de San Francisco mais le décor faisait que ce n'était pas pareil non plus et qu'elle profitait différemment. Elle avait embarqué @Apollon avec elle pour l'occasion, et s'était retrouvé bien vite toute seule le temps qu'il aille chercher de quoi les occuper un peu. Comme la construction de châteaux de sable visiblement, une activité qu'elle maîtrisait assez bien qui plus est. Elle lui adressa un sourire au loin en l'entendant annoncer ses trouvailles, levant son pouce pour lui montrer qu'elle avait capté le message. Elle enleva ensuite ses pieds du sable mouillé, se remettant dans une zone à l'abri des vagues pour délimiter leur zone de construction. "On sera bien ici!", annonça-t-elle fièrement en voyant Apollon revenir, hochant ensuite de la tête en voyant son ballon de plage. "Oh oui bonne idée, ce sera marrant.", affirma-t-elle dans un sourire, prenant l'un des seaux pour le remplir de sable. Sa remarque sur la plage la fit ensuite rigoler une nouvelle fois, s'imaginant instantanément avec en train de vendre des chouchous au milieu des vacanciers. "Suffisamment proche, je travaille à Starbucks à San Francisco.", expliqua-t-elle en hochant de la tête, la mine un peu sérieuse. "Je fais ça pour payer mes études après." Ouais, depuis qu'elle était chez son père, elle n'avait plus les mêmes ressources financières qu'avant. "Bon et toi, qu'est-ce qui t'attires aussi souvent sur la plage? L'appel de l'océan?"

Ce qui fait la différence entre une télé-réalité d’enfermement classique et une émission comme On My Block, c’est peut-être bien la présence d’un cadre aussi ouvert sur l’extérieur que celui dont nous disposons depuis la toute première saison. Nous ne pouvons certes pas communiquer explicitement avec le monde qui nous entoure puisque des secrets nécessitent d’être protégés jusqu’au bout mais nous parvenons à garder l’illusion que rien n’est impossible grâce à ces quelques endroits qui font la différence et nous permettent de jouir d’un quotidien éloigné, très éloigné du cliché de la baraque refermée sur elle-même, synonyme d’un ennui que je ne supporterais pas. La plage n’a rien d’extraordinaire quand on y pense, elle ressemble à bon nombre d’entre elles, de celles que l’on peut trouver partout à travers les États-Unis ou presque. Il n’empêche qu’additionnée à un tel environnement, elle parait idyllique. Un petit coin de Paradis qui fait du bien et permet de s’éloigner de la folie ambiante qui règne à l’intérieur de la propriété que nous occupons tous depuis maintenant une semaine. J’aime la vie, aussi artificielle soit-elle, que nous menons ici, cette ambiance proche de la colonie de vacances qui se dégage quotidiennement mais un peu de tranquillité ne fait jamais de mal à personne malgré tout. Un calme qui n’est pas synonyme de solitude pour autant. Des châteaux de sable, un ballon pour se dégourdir les pattes ensuite… Tous les ingrédients sont réunis et promettent le partage d’un excellent moment en la compagnie de Laila qui m’a proposé de me joindre à elle tout à l’heure. « Oh, trop bien… Tu es donc de l’équipe qui massacre les prénoms de tout le monde ? » Taquin, comme toujours, mais aussi bien trop souvent victime des employés de cette célèbre enseigne de café qui ne parviennent pas à orthographier mon prénom correctement. Il n’a pourtant rien de très compliqué. Elle exerce cette profession à côté de ses études, admirable. « Tu étudies quoi ? Je suis impressionné, garder le rythme n’est pas trop difficile ? Tu parviens à t’aménager des moments rien qu’à toi pour profiter un peu de la vie ? » J’ai arrêté mes études trop tôt pour envisager la piste du job étudiant, mais je sais qu’il est souvent nécessaire de se frotter à cet exercice éprouvant pour financer ses études supérieures aux États-Unis. Elles coûtent un bras. « J’étais une baleine dans une vie antérieure ! Je suis parfois confronté à ce qu’était mon existence précédemment et je viens ici pour combler le vide, le manque, appeler mes potes d’une autre époque en espérant qu’ils se manifestent sous une forme ou une autre. » Je baratine, bien que baleine soit un terme déjà utilisé par le passé afin de me qualifier dans mon adolescence, lorsque j’étais le gros tas de la bande. J’ai bien changé depuis. « J’adore l’eau, le soleil… C’est quelque chose dont je ne profite pas assez le reste de l’année. Je suis toujours au boulot ou à la salle, je ne pense pas assez à moi en dehors de cela. » Une affirmation que je commence à contredire grâce à @Goliath. Il m’apporte un souffle nouveau, des perspectives qui attisent ma curiosité et me donnent parfois envie de tout risquer. « Si tu devais donner une identité à ton château, lui improviser une population, des règles, une culture… Que ferais-tu ? » Je l’interroge, témoin d’une première tentative de château plutôt réussie.

La plage était sans grande surprise l'un de ses endroits préférés. C'était un refuge, quelque chose qu'elle connaissait bien en tant que californienne et dont elle pouvait surtout se raccrocher dans l'aventure. Non pas qu'elle en ait véritablement besoin, Laila, mais ce n'était pas non plus désagréable. Construire des châteaux de sable, avec @Apollon, était donc clairement dans ses capacités et elle n'avait pas tarder à attraper l'un des seaux qu'il avait dégotés pour se lancer dans un premier pâté de sable. "Oh faut dire que ce n'est pas toujours évident tu sais, mais quand j'ai un doute je demande toujours l'orthographe des prénoms. Juste parce que je sais ce que c'est que de se faire appeler Leila ou Laïla ou Leïla.", répondit-elle dans un rire. "On t'a déjà appelé appolon ou apolon avoue.", enchaîna-t-elle ensuite, se chargeant une nouvelle fois de remplir son seau de sable. "Oh je vais de l'ingénierie civile. La construction des ponts et chaussés tout ça. J'aimerais bien en faire dans le domaine aéroportuaire mais j'ai encore mon stage de fin d'études pour me guider. Après je t'avoue que c'est assez compliqué de bosser en même temps mais je n'ai pas le choix donc je le fais.", expliqua-t-elle en se perdant un petit peu, comme à son habitude. Puis elle lui avait demandé ce qu'il faisait aussi souvent sur la plage, et son début de réponse lui attira un nouveau sourire sur le visage. "Une baleine? Tu sais communiquer en baleine aussi alors? Comme Dory dans le monde de Nemo?" Une simple question avec une référence précise. "Je te comprends, j'adore la plage et le soleil. Je ne suis pas tellement dépaysée avec San Francisco après. Ce n'est juste pas le même océan." Un léger détail en soi. Puis elle reprit son seau une troisième fois, le remplissant à nouveau pour venir placer un pâté parfaitement formé. Elle avait un certain talent dans le domaine fallait croire. "C'est vaste comme question. Je veux juste un château qui résiste pas trop mal à l'arrivée des vagues. Et il serait ouvert à tous. Sauf aux misogynes et autres personnes fermées de ce genre." Ouais, c'était un truc qui ressortait dans pratiquement toutes ses conversations. "Et toi alors?", finit-elle par demander à son tour, observant le début de château du brun d'un air amusé.

Je profite de cette plage, constante, jamais altérée par l’Homme, pas pour le moment en tout cas. Je me délecte de cette nature indomptable, proche et pourtant si distante. Nous ne pouvons pas la contrôler, cette eau, nous n’avons aucun pouvoir sur ces vagues qui vont et viennent, nous éclaboussent les pieds et font frissonner ma peau à chaque fois. Il y a quelque chose de très apaisant à être ici, à apprécier la simplicité avec laquelle on peut s’amuser sans avoir à se prendre la tête en cherchant une ascension permanente pour montrer qu’on est au-dessus des autres. Ce n’est pas mon truc, je n’ai pas honte d’adorer monter des châteaux de sable, d’être le genre de mec qui peut passer des heures à enterrer un pote avec une montagne de ce même grain, tout cela pour voir son œuvre détruite en trois secondes lorsqu’il se redresse. Un Disney s’avère suffisant pour me calmer lorsque je n’ai pas le moral ou que je suis énervé. Un dessin animé parvient à me faire sourire, rire, pleurer et procéder à un reboot total de cette opération encore et encore. Je ne prétends pas avoir une culture indomptable, je ne suis certainement pas un intellectuel, pas le mec le plus intelligent à bord mais ma simplicité me permet de vivre comme je l’entends, avec cette légèreté qui fait du bien et ne m’empêche pas d’atteindre mes objectifs. « Les prénoms sont de plus en plus improbables qui plus est. Quel est le plus original que tu as eu à écrire sur un gobelet ? Le plus ridicule ? » Je suis persuadé qu’elle a de quoi écrire un ouvrage sur le sujet avec tout ce qu’elle doit entendre quotidiennement. Les gens défilent toute la journée à Starbucks. « Même combat, mon prénom est massacré très régulièrement. J’irais même jusqu’à dire qu’il est bafoué quasi systématiquement alors qu’il n’a rien de très compliqué. » J’ai appris à faire avec, à ne pas m’agacer d’une telle maladresse. L’erreur est humaine, je suis le premier à les enchainer régulièrement, quel hypocrite je serais si je m’indignais du même phénomène chez un autre ? Les châteaux s’enchainent et prennent vie. « À notre rythme, on ne devrait plus tarder à recréer Poudlard de A à Z, just sayin’. » Un clin d’œil et ce regard espiègle, si significatif lorsqu’on me connait. Je ne suis qu’humour et amour, jamais à court d’idées pour faire rire et m’amuser, jamais à court de mots à trouver pour rassurer ou soulager lorsque rien ne va. Un clown, certes, mais une oreille très attentive au risque de surprendre ceux qui ne me pensent pas capable de sérieux. Mon regard s’illumine lorsqu’elle mentionne Nemo. « Si je sais parler baleine ? BIEN sûr QUE je SAIIIIS parler BALEINEUUUH ! » Je m’élance, ma gestuelle épousant à merveille un moyen de communication directement plagié du film éponyme. « J’ai la même mémoire que Dory aussi, mais ça… Il ne faut pas le dire ! » Je plaque mon index contre mes lèvres pour sceller un secret qui, soyons sérieux, n’en est pas un. Je l’écoute attentivement lorsqu’elle tente de mettre du sens derrière ces châteaux et je ne peux m’empêcher de remarquer à haute voix, bien trop spontané pour mon propre bien. « Sans @Walter et @Adrien, donc ! » Je termine mon œuvre tout en réfléchissant à cette question qui m’est retournée. « Au risque de passer pour une quiche, je chercherais à apaiser les douleurs de chacun. La joie serait au centre de cette société, l’écoute aussi… Un endroit où tout le monde pourrait tenter sa chance, réaliser ses rêves sans que l’argent soit un problème, sans que la guerre et les égos viennent constamment tout gâcher. »