Je me suis promis quelques temps en arrière de montrer à un pote en galère culinaire ce que sont véritablement des pâtes à la sauce tomate. Le clou du spectacle ? Une surprise totale, puisque je n’ai jamais proposé de lui préparer à manger. Je ne sais pas pourquoi j’ai à cœur de lui préparer un tel plat, peut-être pour me donner une raison de bouger, de rester actif en dehors d’un sport qui relève quotidiennement d’un automatisme à présent. J’ai besoin de me défier, de me vider la tête et cette excuse me paraissait suffisamment plaisante et savoureuse pour ne pas la considérer sérieusement. Je suis occupé à lui concocter des tagliatelles depuis plusieurs heures, le tout avec une sauce tomate qui mijote gentiment et nécessite parfois un petit arrêt par la case assaisonnement. Je suis extrêmement perfectionniste en cuisine, partisan du goût, des arômes et d’un équilibre nécessaire pour une expérience satisfaisante. L’heure tourne et je suis prêt pour une cuisson al dente. Ramène tes fesses à la cuisine, ASAP, urgence ! Je tapote à toute vitesse sur mon clavier tactile et balance le SMS à un Tiago qui ne manque pas de répondre à mon SOS en se présentant ici quelques minutes à peine après la réception du message. Un large sourire étire mes lèvres, content de savoir qu’il écouterait au moins sa curiosité si quelque chose de grave m’arrivait véritablement ici. On peut compter sur lui, un détail que je retiens et qui le fait grimper davantage encore dans mon estime. « Je me suis dit qu’il était temps de te faire goûter à des pâtes dignes de ce nom à la sauce tomate maison… Si ça te dit ! » Je ne lui forcerais pas la main non plus, même si je sens déjà son estomac s’emballer de là où je me trouve, à côté de mes casseroles. « Le maigre prix à payer pour cela, c’est de mettre la table et de nous trouver une bonne bouteille de vin à déguster avec ! »

Je balance un SMS alarmant à Tiago en guise d’appât, satisfait d’être parvenu à maintenir mon effet de surprise d’un bout à l’autre malgré cette heure à laquelle tout le monde ou presque se présente dans la cuisine pour se concocter un petit quelque chose à manger ou dans l’espoir de parvenir à surfer sur la gentillesse d’un autre camarade en n’ayant dès lors plus qu’à mettre les pieds sous la table. J’ai un sourire jusqu’aux oreilles lorsqu’enfin mon pote se présente à moi, visiblement très inquiet, de quoi me toucher davantage encore sans aucune surprise, il a vraiment l’air d’être quelqu’un de bien du peu que nous avons eu l’occasion de discuter entre nos séances de sport et les cafés partagés sur la terrasse de temps en temps. Il est rassuré par mes confessions et avoue avoir eu peur. « Désolé, je voulais vraiment te faire la surprise et je ne savais pas comment te pousser à me rejoindre ici sans me griller au moins à moitié ! » Je lui adresse un petit regard de chien battu pour favoriser le pardon qu’il semble déjà sur le point de m’accorder quoiqu’il arrive, les yeux rivés sur les casseroles près de moi et l’odeur succulente qui s’en dégage. « Je te préviens, on va s’en mettre plein la panse ! » J’ai cuisiné pour deux, en théorie, mais la pratique laisse plutôt de quoi combler la moitié de la maison ou presque. Seule contrepartie ? Qu’il s’occupe de mettre la table dans un premier temps, puis de nous choisir une bonne petite bouteille de vin rouge à déguster autour de ce plat de pâtes. « Un rouge sinon rien, pour des pasta ! » Il s’élance à la recherche d’une bouteille et je profite de son absence pour régler les derniers petits détails en matière d’assaisonnement. J’ai l’impression de voir ma grand-mère s’affairer derrière les fourneaux à chacun de mes gestes, jamais satisfaite, toujours à rectifier par petites touches jusqu’à obtenir un résultat à se taper le cul par terre. Je suis interrompu par mon camarade qui a trouvé de quoi faire notre bonheur ce soir. Idéal pour ce plat italien. Je ne suis pas suffisamment expert en la matière pour parvenir à définir si le choix est bon ou pas, trop peu habitué à choisir les vins autrement que par le prix. C’est @Goliath qui se moque toujours de moi quand il me voit faire. « Parfait… Tu veux un petit aperçu de la sauce ? » Je plonge ma cuillère en bois dans la casserole pour en capturer une petite quantité, souffle légèrement dessus pour lui éviter de se brûler les babines avant même d’avoir pu savourer cette petite merveille et me cambre sur le plan de travail pour l’atteindre. « Tu m’en diras des nouvelles ! » Les papilles du mécanicien devraient rapidement être comblées par cela, j’en suis persuadé. « Tu as quelqu’un dans ta vie ? » Je passe du coq à l’âne, comme toujours, curieux d’en apprendre davantage à son sujet. Il demeure légèrement mystérieux, ce petit gars.