LUNDI, 11H45 - W/@APOLLON

Si on avait dit à Jana qu’elle se retrouverait près d’un terrain de jeu pour enfants dans un jeu télé, elle vous aurait ri au nez il y a encore quelques semaines. Et pourtant, la voici, près d’un toboggan. Elle se décide à monter dans cette espèce de château. Parce qu’après tout, why not ? Elle se retrouve en haut rapidement, après s’être contorsionnée plusieurs fois pour monter là-haut. Bah ouais, d’habitude, c’est des gamins qui montent. Ils sont plus petits. Arrivant en haut, sur une plateforme, elle remarque qu’elle n’est pas seule. @Apollon est là. Candidat qu’elle ne connait que très peu. Elle a néanmoins remarqué qu’ils ont plusieurs fois eu les mêmes réactions lors de certains sujets. Les nominations de la semaine passée par exemple. L’horrible tenue de @Vicente lors du prime, aussi. Mais à vrai dire, c’est à peu près tout. « Tu ne sais plus par où tu dois passer pour redescendre ou tu t’es simplement perdu dans tes pensées, en étant là-haut ? » qu’elle lui demande, d’une petite moue amusée. Evidemment qu’il ne peut pas s’être perdu, on est loin d’être sur un labyrinthe, hm.

Je ne comprends pas Georges. À quel moment s’est-il dit qu’un terrain de jeux pour les enfants était une bonne idée pour nous divertir ? Est-il sur le point d’introduire des tas d’enfants sur la propriété ? L’hypothèse est largement questionnable, je ne suis pas certain que nous aurions une bonne influence sur eux. S’est-il fourvoyé en concevant un tel espace et en nous imaginant retomber en enfance aussi facilement ? Pas le moins du monde, à en juger par mes yeux qui scintillent de la sorte en détaillant le toboggan. Enfant, j’ai toujours été le petit con qui emmerdait tout le monde en prenant le chemin inverse à celui qui semble le plus logique. Je n’ai pas tellement changé depuis, toujours aussi chiant. La preuve ? Je grimpe par le toboggan et me retrouve, au sommet de ce dernier, nez à nez avec Jana à qui j’adresse un sourire satisfait. « Je me sens très grand soudainement. Par contre, j’pense qu’on ne pourra jamais glisser sur le toboggan… » Comparez les dimensions de ce dernier avec nos gabarits respectifs. Nous ne sommes pourtant pas très gros. « Ce doit être ça ! Je suis perdu, mais je savais que tu viendrais pour me secourir ! » Ou pas. Elle a un tempérament de feu, Jana. Je me marre toujours quand elle ouvre la bouche pour commenter, ou assassiner suivant les points de vue, les looks des uns et des autres.

J’adorais passer des heures au parc lorsque j’étais plus jeune, à profiter des balançoires qui me donnaient l’illusion de voler l’espace d’un instant, à courir autour du tourniquet pour pouvoir le faire gagner en vitesse avant de bondir dessus pour en profiter, à me bagarrer avec les autres gamins pour être le premier à profiter du toboggan. Mes parents ne semblaient jamais s’ennuyer et je leur dois le plus grand respect du monde avec le recul. Je ne tiendrais pas plus d’une heure immobile sur un banc, à guetter mes mouflets sans rien faire. À m’extasier sur un petit caillou et à prétendre trouver impressionnant le fait qu’ils glissent sur une surface qui est… Glissante. Pire encore, je n’aurais pas la patience de prétendre m’intéresser à la vie des autres parents, à entendre leurs conneries et leurs conseils à la noix. Non, je serais détestable si on me condamnait à aller au parc avec des enfants. « J’ai un plan… Si tu glisses de profil, avec les bras en l’air, il y a moyen d’arriver à profiter du toboggan comme il se doit… Quoique… Tu risques de te brûler un peu la peau si ton corps fait ventouse ! » Mes doigts s’aventurent contre mon menton, à la recherche d’une solution à nos problèmes. « T’es plutôt venue ici pour me pousser, c’est ça ? T’as envie de liquider la concurrence ? J’comprends, j’suis redoutable, askip ! » Je m’appuie sur la barre du toboggan pour pouvoir la regarder, amusé. « Ne m’en parle pas. J’crois qu’ils ont pris trop au sérieux l’argument marketing numéro un sur mon CV : Polyvalent ! » À ce rythme, je serais passé par toutes les équipes avant la fin du mois de juin. « Si tu pouvais échanger un orange avec un autre candidat, ce serait qui ? Pourquoi ? » La curiosité m’anime, même si la quasi-unanimité concernant la non-réintégration d’Hayden avant son sauvetage par le public semble largement spoiler ce qu’elle s’apprête à me répondre.

Je pense avoir trouvé une posture pour nous permettre de prendre la fuite en utilisant le toboggan. Un plan foireux, je l’admets, que ma camarade me propose de mettre à exécution en premier, pour montrer l’exemple. « Je suis gentleman et tout à fait à même de m’exécuter pour nous permettre de vérifier cette théorie mais… Tu as un plus petit gabarit que le mien. Tu es l’assistante idéale, la femme de la situation. » Celle qui doit accepter d’en prendre une pour l’équipe en cas d’échec. « Rentre bien ton t-shirt dans ton pantalon et tout ira bien ! » J’évite de penser à ses bras qui pourraient prendre cher puisqu’ils ne sont pas recouverts par un vêtement. Le problème sera le même avec moi de toute manière, puisque je suis également en t-shirt. Avec le temps qu’il fait dehors, impossible d’envisager se promener avec un pull ou des manches longues. La loyauté au-dessus des éliminations annexes, j’inscris ce détail profondément dans mon esprit. Il pourrait avoir son importance dans un futur plus ou moins proche. « Tu préfères frontstab que backstab c’est ça ? » Nous n’en sommes pas encore à parler d’éventuels coups de couteau dans le dos, de trahisons plus ou moins affirmées mais personne ne sait dans quelle direction Georges a prévu de nous emmener. Le problème, avec les équipes, c’est que tôt ou tard tout est fait pour les mettre à rude épreuve. Les coups bas sont toujours légion lorsque le moment vient de ne plus penser qu’à sa gueule pour avancer le plus loin possible. Les équipes, j’aurais le loisir de toutes les rejoindre à un moment ou un autre à ce rythme. « J’espère qu’on me laissera le choix la prochaine fois. Mon égo ne dirait pas non à une bataille digne de ce nom pour m’échanger contre un boulet ! » Et chaque équipe en a un. Je ne parle pas d’une personne à la stupidité affligeante même si, là aussi, on peut trouver de quoi faire… Non, je parle plutôt de ceux qui rapportent peu de points pour la compétition, qui représentent une sorte de handicap pour l’équipe dans les activités. En parlant d’échanger un candidat avec un autre, pour qui opterait-elle si ce pouvoir lui était donné chez les oranges ? Son choix se porte très logiquement sur Hayden, sans aucune surprise. « L’inverse m’aurait étonné, à en juger par les deux refus catégoriques de le réintégrer en cas d’élimination. » De quoi fragiliser la cohésion de leur équipe ? Je n’en suis pas persuadé, en dehors de lui, le trio a l’air plutôt soudé. « Tu l’échangerais contre qui ? » Elle n’a répondu qu’à la moitié de ma question après tout. Si je suis satisfait de ma nouvelle équipe ? Je grimace, incertain. « Je suis plutôt content, oui. Mais tout a démarré avec les verts, passer une semaine à réfléchir à une identité pour ne pas pouvoir en profiter et être, en prime, catapulté dans une équipe qui a eu une semaine pour en faire de même sans droit de regard c’est un peu… Frustrant ! » C’est le moins qu’on puisse dire. « Je suis hyper heureux de mes coéquipiers, par contre !!! » Milo et Paola, à nous trois, nous formons un trio qui ne laisse personne indifférent.

Je me mords très fort l’intérieur de la joue pour ne pas me mettre à sourire comme j’ai pourtant très envie de le faire. Je tiens à rester dans le personnage, ce mec peu courageux qui est prêt à laisser sa place à une femme par facilité, plutôt que de se risquer à un bobo potentiel. « Non mais franchement, il y a toujours quelque chose qui ne vous convient pas à vous, les femmes ! » Je serais presque tenté de prendre exemple sur @Zach aux penchants misogynes m’ayant fait frôler l’infarctus la semaine dernière. « Vous pleurnichez parce qu’on ne vous attribue pas assez de mérite, parce que vous êtes considérées inférieures aux hommes mais dès qu’on vous donne une opportunité de briller, de prendre des risques comme nous… Soudainement, on est les grands méchants également ! » La tentation est trop grande, je pouffe de rire, incapable de me retenir davantage. Surtout quand elle rentre son t-shirt dans son pantalon comme pour se préparer à la bataille. Jana a un fort caractère, aucune révélation à ce niveau-là, j’ai déjà eu le loisir de la voir à l’œuvre depuis le début du jeu sans pour autant trouver l’opportunité de me retrouver avec elle suffisamment longtemps pour entamer la discussion. « Bienvenue dans la team des grandes gueules qui hurlent d’abord et réfléchissent après ! » Je suis trop impulsif pour mon propre bien parfois, même avec certaines de mes clientes les plus odieuses. On ne peut pas me reprocher de ne pas être entier, un livre un peu trop ouvert à mon goût. Des boulets, il y en a dans toutes les équipes pour des raisons radicalement opposées. Ma partenaire de toboggan exige des noms, bien entendu. J’oubliais déjà que nous avions tous les deux des points communs. « Gemma en est un. La meuf va handicaper son équipe pour ne pas avoir à prendre de mauvaises décisions tu sais. La naïveté sous sa forme la plus détestable, eurk ! Solal, parce qu’il faut être un minimum aimable pour ne pas être la cible de tout le monde ! » J’énonce les premiers noms qui me viennent à l’esprit. Hayden, qui a été largement mis en danger par sa propre équipe, lorgne encore entre deux ressentis en ce qui me concerne. Je ne sais pas encore sur quel pied danser avec lui. À leur place, je ne l’aurais pas condamné… Quoique. « On formerait une équipe de choc, j’en suis persuadé ! Ça aurait été le cas si je n’avais pas été arraché à notre team par Paola. » Je n’ai aucun doute là-dessus. Le charme à l’espagnole de Vicente, la gentillesse d’un Taj très populaire, mon franc-parler allié au tempérament de feu d’une Jana en pleine forme… Hayden fait pâle figure à côté, effectivement. « Yes, bon courage, tu peux le faire ! Notre survie en dépend » Je démarre au quart de tour, avec une petite voix d’enfant, en tapant dans mes mains pour l’encourager à la manière d’un gosse en plein jeu d’aventure avec ses copains. Vous savez, lorsque le toboggan se transforme en tout autre chose et que des ninjas – ou des crocodiles – sont partout autour du toboggan pour s’attaquer à nous. Elle glisse, victime d’un bruit sourd qui m’interpelle. Faire attention, c’est noté. Je rentre mon t-shirt dans mon pantalon, me cambre pour pouvoir passer sous la première barre de sécurité et m’élance. Même destin mortifère, à l’arrivée. Un boom et quelques neurones en moins. « Vas-y à quelle heure le toboggan trop mignon de notre enfance s’est-il transformé en un thug qui nous veut du mal ?! » Je me frotte la tête. « Tu crois qu’on va avoir une bosse ? Montre-moi ta tête ! » Je me redresse, prêt à partir à la chasse à l’œuf que nous pourrions tous les deux avoir en réponse à une réaction inflammatoire.   

« Figure toi que, playground oblige, je me suis demandé si je n’allais pas faire honneur à ce gif de la gamine qui se roule par terre pour faire un caprice… Et puis j’me suis dit que je n’étais pas suffisamment bon pour ça ! Les larmes encore pire, mes canaux lacrymaux sont bouchés depuis au moins dix ans ! » Si on laisse de côté les nombreuses larmes versées devant une quantité bien trop importante de séries télévisées ces dernières semaines. Je n’étais pas plus sensible que d’habitude, je prenais juste de l’avance pour ne plus rien avoir à verser en arrivant ici. Comment ça, le corps ne fonctionne pas ainsi ? Laissez-moi continuer de croire qu’aucun chagrin ne sera suffisamment grand pour me faire vaciller. Nos deux caractères se ressemblent énormément et la remarque qu’elle formule à ce sujet me fait sourire. « Je préfère largement des furies dans notre genre, qui disent les choses en temps et en heure plutôt que des hypocrites qui n’ont pas les couilles de prendre la parole et qui multiplient les coups dans le dos. Quitte à faire, je préfère être hyper franc, me faire des ennemis et sortir la tête haute plutôt que d’être sournois. » Quelque chose me dit qu’elle est dans le même état d’esprit que moi. Nous ne sommes pas forcément les gens les plus faciles à supporter au quotidien, mais nous avons notre honneur pour nous. Les boulets du jeu, des gens à qui j’ai très peu parlé finalement. Elle non plus, à priori. Je pouffe de rire, le flair anti-boulets est plutôt bien trouvé. « J’adhère. La pauvre @Gemma, à chaque fois que je lui parle c’est pour lui envoyer des piques ! Je n’arrive pas à m’en empêcher. » Je plisse les yeux, titillé par cette simple remarque qui balaie @Solal en quelques secondes à peine. « Vas-y, balance les gossips ! » Ça pue le clash, un truc à côté duquel je suis complètement passé. L’orange, mon équipe d’une soirée. @Paola a bouleversé mon aventure, puis c’est moi qui me suis retrouvé à bousculer son équilibre en intégrant son équipe malgré moi. Très peu pour mon habituel je suis le seul capitaine à bord, je n’ai rien contrôlé jusqu’à maintenant et je ne crois pas que j’aurais l’opportunité de le faire d’ici la fin du jeu. « Rien n’est impossible, effectivement. » Tôt ou tard, au gré des éliminations, certaines équipes seront probablement amenées à disparaitre pour réunifier les candidats encore en lice dans deux ou trois d’entre elles. Elle glisse, Jana, se cogne la tête au passage. Je pense faire mieux qu’elle, forcément, puisqu’elle me prévient mais je me fais victimiser à mon tour par ce toboggan décidément remonté contre nous. « Il a dû t’entendre aussi, c’est pour ça ! Le toboggan s’est rebellé, il a trouvé une solution pour me surprendre quand même ! » J’ai surtout été très mauvais, d’accord. J’observe son front et grimace lorsqu’elle me demande d’affirmer quelque chose qui, malheureusement, ne relève pas de mes compétences. « Tu veux la vérité ou un mensonge ? »