@billy

Sasha, elle est toujours en mode découverte, chasse et aventure et ça suffit à la maintenir un minimum disciplinée. Elle aligne les pas dans toute la ville (le domaine, le village ? difficile à dire tellement c'est improbable) pour en dessiner les contours, en étudier les environs qui seront son seul univers pour un moment. Elle a l'impression qu'il s'étend à des kilomètres à la ronde, et pourtant, elle étouffe déjà un peu, rien qu'à l'idée d'être prisonnière. Alors elle grimpe. Pour fuir cette vieille école qui lui rappelle tant de mauvais souvenirs et en même temps, irrémédiablement attirée par elle. Là, tout en haut, elle découvre un monde de verdure insoupçonnée, qui la laisse sans voix une seconde. C'est la silhouette de Billy qui l'empêche de fléchir et elle s'accroche à cette vision comme une noyée à une bouée. « Hellooo » elle chantonne sans envisager une seconde qu'il a grimpé jusqu'ici pour être tranquille. Surtout, elle s'en branle un peu, Sasha. Rien ne peut la faire changer de direction quand elle a décidé qu'elle allait imposer sa présence à quelqu'un, si ce n'est un énorme refoule brutal et intraitable. Auquel cas, c'est le genre à se troubler, à mal le prendre, touchée comme un petit animal blessé, à ne plus jamais approcher la personne une nouvelle fois. Billy, il a pas l'air de ce moule-là, cela dit. Pas de ce qu'elle a vu, pas suffisamment que pour qu'elle soit méfiante. « Tu mets tes pensées sur pause ? » Son regard est doux, pas assez réveillé pour être malicieux, mais elle est dans ces premières heures de calme nécessaire. Spontanément, pourtant, elle file jusqu'à Billy, glisse un bras sous le sien, et l'accompagne dans sa promenade. « Apprends-moi » elle souffle. Sasha, elle en est absolument incapable. Toujours, partout. Son monde intérieur, ses émotions puissance mille, tout ce qui, en son sein, bouillonne jusqu'à auto-provoquer une implosion, c'est ce qui la guide. Quelqu'un comme Billy, elle comprend pas trop. Et pourtant, elle veut.

Il est encore trop focus sur son horloge biologique du boulot, Billy. Ce qu'il aime particulièrement dans ces chantiers extérieurs c'est l'entre-deux jour-nuit qui se dessine sans qu'il n'y soit préparé. Il cherchait un peu de ça, en venant se percher sur les hauteurs du toit. Pas un besoin d'introspection, pas un besoin d'évasion, de liberté. Non, juste son habitude. Ca le fait kiffer, ces microcosmes vus du haut. Quand il bossait sur le bateau c'était pareil. Un jour sur deux il fallait se lever en pleine nuit et s'animer pendant les heures de silence généralisé. Puis, les fourmis émergeaient. Et d'une seconde à l'autre la vie s'était éveillée. Les postes étaient assurés. La routine se reproduisait. D'ici c'est pareil. Il voit Sasha longer la rue, scruter les devants de la high school et puis s'y engouffrer. Elle va pop-up ici Sasha, c'est sûr. Pas du genre à s'arrêter à mi-chemin. Saluuut. Il répond en français quand elle débarque. Il était posé, Billy, calé contre un mur. Et Sasha c'est le premier pêcheur, le premier ouvrier qui vient lui faire suite. Celui qui le sort de sa quiétude mais lui donne un avant-goût de la journée. Ils marchent ensemble. Bah... je sais pas. T'as jamais eu à affronter des situations qui te laissent pas le choix ? Il sait pas trop comment faire Billy. Au début, c'était de la contrainte, puis il a appris. Genre t'as pas la possibilité de penser à autre chose, parce que l'enjeu en face est trop important. Dit comme ça c'est pas très parlant, mais il est à son max de description là. Comme quand tu dois faire un field goal au football. Il tourne la tête, pour voir si ça lui évoque quelque chose.

Elle ronronne de plaisir de l'entendre parler en français, juste parce qu'elle aime qu'il s'en soit rappelé, ou qu'il l'ait remarqué. Elle s'accroche d'autant plus au bras de Billy pendant qu'il parle et ça fait sens direct, dans sa tête, à Sasha. Sa propension à tout exagérer, à tout ressentir beaucoup trop fort, à aimer se voir au pied du mur, c'est un peu sa version bien à elle de ce qu'il dit, Billy. Il y a un truc d'hyper viscéral dans les trois mots qu'il balance vraiment parce qu'il est obligé. Elle les attrape au vol, imperturbable, médite dessus un instant, juste le temps pour lui de hasarder une comparaison qu'elle saisit pas du tout. « Tu veux dire le vrai football ou le football qui se joue avec les mains ? » elle plaisante, pour le taquiner. La vérité c'est qu'elle s'en branle un peu de l'un et de l'autre. La seule différence c'est qu'elle joue les footix pendant les championnats internationaux parce qu'elle adore participer à la liesse populaire de la coupe d'Europe ou du monde. Le reste du temps, elle se contente d'être une supporter par assimilation de l'équipe de ses potes et elle ne connait même pas les règles du rugby, encore moins du football américain. Si seulement il y a une différence entre les deux. « Ce genre de situations, je les provoque » elle pense tout haut en tournant vers lui son regard inquisiteur. Elle est un peu chelou, parfois, Sasha. Elle est complètement dominée par ses émotions, elle réfléchit pas des masses parce qu'elle est absolument et viscéralement dans le présent, et pourtant, elle est drôlement lucide sur ses vices. Elle sait toujours quand elle déconne ou pas, mais ça l'empêche pas de déconner avec bonheur. « Pour ça, précisément, pour déconnecter. » Ou connecter, à vrai dire. Se connecter à elle-même, à la vie, à quelque chose de vrai et de tangible. C'est pas toujours conscient, même pas du tout en général, c'est juste sa nature toujours un peu sur le fil. Toujours dans cet entre deux qui te permet d'être tout à la fois. « Moi pas vraiment pour être efficace, plus pour pas parasiter le moment, ça m'aide à trouver du sens, tu sais, vivre pleinement les choses, même si c'est juste le serveur qui s'est trompé dans ma commande au resto » elle rit d'un petit son étranglé. Sasha, c'est le genre à le prendre personnellement, à être blessée par l'ignorance voire la négligence totale d'un parfait inconnu à son égard, et sa soirée elle est plombée direct par ce genre de trucs. « Qu'est-ce qui fait sens pour toi ? » elle demande. Dans la vie, en général. Peut-être juste le foot.

Il lui dit pas, Billy, qu'il aime pas énormément ça le contact physique. Et que cette façon qu'elle a de s'accrocher à lui c'est quelque chose qu'il a tendance à éviter. Il est relativement tôt, les autres dorment, ils sont les premiers à gouverner ce nouveau paysage familier. C'est la maison. Leur nouvelle maison. Et il veut pas faire de vagues. Y'a un truc qui lui fait sentir que Sasha elle marche comme ça. Au contact, à la familiarité. Ca dicte ses interactions sociales. Il le voit au soleil qui s'illustre sur son visage, quand il parle en français. Je vais te faire ton éducation. C'est évident. La maison, elle est p't'être nouvelle pour tous les deux, mais elle ressemble quand même plus à son identité à lui, qu'à la sienne. Mais j'connais, attends... Paris est madjik. Ouais ouais. Hochement de tête pour lui en foutre plein la gueule. Il peut pas vraiment dire qu'il mettait ses pensées sur pause, ici. Billy c'est pas un type chez qui ça s'agite toujours en arrière plan. Lui, naturellement, il a ce côté apathique. Genre, il se rend pas forcément compte qu'il réfléchit. En général il a juste la sensation d'observer, sans faire plus, sans analyse, sans pousser la compréhension. C'est un simple écran, les choses bougent et ses yeux les suivent. Puis y'a l'action qui requiert la réaction. Cette réaction, c'est celle qui lui permet de tout mettre en suspend. Et là aussi, c'est spontané. On l'a brusqué, mais pas tant que ça. Tu provoques des situations qui te permettent d'arrêter de penser. Il reprend, pour être sûr que le concept est bien intégré. C'est chelou. Ca fait pas vraiment de sens. Faire le vide pour vivre pleinement. Il est méthodique dans sa compréhension. Step by step le truc se construit. Là, il décortique, mais il attend d'elle qu'elle expose son plan plus clairement. Explique. Concrètement, tu fais quoi ? Sa curiosité fait écho à celle de @Sasha. C'est quoi vivre pleinement ? Il s'est jamais trop posé ces questions là, Billy. Il a une approche super terre à terre des choses. Et la question du sens c'est franchement une question qu'on lui a jamais posé. On voulait comprendre ce dans quoi il se projetait, pour quoi, quelles étaient ses capacités, ses motivations. Mais pas ça. Hm, j'sais pas... La vie ? On est là dans tous les cas, donc faut bien vivre. Il tape dans le facile, parce qu'au niveau micro il saurait pas trop quoi dire. Moi, le truc que je veux vraiment faire, c'est devenir un grand officier comme mon dad. Mais peut-être qu'il a pas capté le sens de la question.

Elle balance un sourire railleur quand il parle de lui faire son éducation. « Tu vas m'apprendre à plaquer des gros durs au sol ? » ça lui va. Elle est même archi chaud. Pour le reste, elle s'en fiche un peu, Sasha, des questions de terminologies, elle est à mille lieues de ce genre de dissensions dans la communauté sportive internationale. « Bravo, c'était magnifique » elle roucoule dans sa langue maternelle, d'un air appréciateur, en lui présentant une petite courbette de la tête. Monsieur parle français. Monsieur sait ce qu'il doit dire, en plus. Sasha, elle a appris l'anglais parce qu'elle passe beaucoup trop de temps sur internet, à mater tout un tas de trucs, des films, des séries, documentaires et autres, en anglais. Alors elle se démerde bien, mais elle a un accent à couper au couteau. Faut dire, elle aime bien apprendre, surtout. Pas quand elle est obligée, pas quand elle se sent coincée face à un skill à maîtriser sous peine de punition d'ordre variable, mais pour elle-même. Pour son petit monde perso où tous les savoirs se mélangent pour former son crâne de piaf distrait. Elle hoche la tête doucement quand il résume ce qu'elle essaie de dire. C'est à peu près ça, certainement. Sasha, elle sait exactement comment elle fonctionne, mais elle a toujours un peu de mal à transformer ces idées abstraites en phrases cohérentes. Son mode de communication, il est visuel, après tout. « En fait, ma vie, je veux la ressentir, par la réfléchir » elle se lance en reportant son attention devant elle, les sourcils froncés sur ses yeux concentrés. Elle saurait pas trop le décrire autrement. Pour elle, c'est ce qui donne un sens à sa vie, ce qu'elle ressent de manière très viscérale, très primitive et instinctive. Quand elle commence à réfléchir quelque chose, elle a toujours l'impression que la saveur de l'immédiateté se perd. « Du coup, j'essaie pas d'avoir le contrôle, de maîtriser ou de savoir où je vais, je laisse les choses arriver, les bonnes et les mauvaises, et puis j'avise sur le moment. » Sasha, c'est l'extrême opposé du control freak, dans un sens. Elle se donne toute entière à l'ici et maintenant. Pourtant, c'est pas foncièrement quelqu'un d'impulsif, initialement, c'est pas dans sa nature de faire des coups de sang, mais elle aime se sentir happée, heurtée, secouée dans tous les sens parce qu'elle a toujours ce sentiment vorace que c'est ça, se sentir réellement vivant. Expérimenter les choses à leur paroxysme. « Mais du coup, je suis le genre à souvent me mettre dans des situations cheloues, parce que je fais jamais attention à ce que je fais ou à ce que je dis » elle admet avec un petit sourire gêné puis en haussant les épaules. Sasha, c'est typiquement le genre de nana qui va être prise d'un stitch, et puis trop boire ou trop fumer, quitter la maison familiale du jour au lendemain ou abandonner ses études pour partir à l'aventure avec deux auto-stoppeurs rencontrés par hasard. Ce genre de conneries. « Ne pas passer ta vie à essayer d’échapper à ta vie » elle répond simplement, sans réfléchir, quand il demande c'est quoi, vivre pleinement. Puis finalement, elle reporte son attention sur lui et sa réponse lui fout un peu le cafard. S'il vit parce qu'il faut bien, c'est qu'il ne l'a pas trouvé, son sens à lui. Elle dit rien, Sasha, pour une fois, elle a pas envie de le brusquer, et elle préfère recueillir son rêve de devenir officier. « ça risque pas de te porter préjudice, d'être ici ? » elle demande, curieuse. C'est pas le genre de clause improbable qu'ils doivent signer, les militaires, pour intégrer l'armée ? L'image du pays, ce genre de trucs ? Elle en sait rien du tout, au fond, elle connait pas vraiment ce milieu, et ses seules rencontres avec des soldats, c'était quand ils faisaient des rondes partout dans Paris après les attentats. « Ils font quoi exactement dans l'armée, les officiers ? ils sont sur le front ? » Level 0 de la connaissance. Elle, elle a vu Band of Brothers, The Pacific, les films classiques de marines américains, c'est tout. « Tu devais pas le voir beaucoup, ton père » elle note, plus comme une question.

Si tu te protèges bien ouais, quand tu veux. Il confirme d'un hochement de tête très premier degré, Billy. En réalité il sait bien que @Sasha déconne, mais lui il prend les trucs tels qu'on les lui présente. Il aurait pas de mal à présenter ce qui a animé ses années d'études à la française du coin. Le truc c'est que tu disparaîtrais sous les épaulières. Avec son physique de crevette là. Il se moque en captant son regard, autant qu'elle s'amuse de son accent français. C'est clairement pas le plus baraqué de l'équipe, Billy, mais quand même, il s'est enfilé suffisamment de pompes, burpees et tractions pour espérer atteindre West Point. Tu me demandes pas pourquoi je parle si bien français ? Non parce qu'il a peut-être un accent pété, mais elle est pas au bout de ses surprises. Il en connait plein d'autres des comme ça - on a essayé de lui faire son éducation plus stricte mais ça s'est vite effacé. Même quand elle parle, Sasha, ça se confond dans sa tête. Il trouve ça toujours aussi cool que y'ait des étrangers dans le Block, n'empêche. La Sasha là, avec ses tonalités parisiennes, elle le réveille avec des questions sur le sens de la vie. Et Billy il s'dit que ça, pour sûr, ça serait jamais arrivé dans sa vie de tous les jours. Alors il l'écoute sans la regarder, ses yeux braqués sur le sol et l'horizon qui se dessine au-delà de la rue principale. Quand elle parle il se dit qu'il est d'accord, mais l'association est facile. Elle parle bien, mieux que lui, de ces mots qui donnent envie d'appartenir au mouvement. Lui aussi il a l'impression de ne pas réfléchir sa vie. Mais il est pas trop certain de ce qu'elle entend par là et même s'il aimerait lui demander, il le fait pas. Tu te mets pas en danger inutilement, comme ça ? Billy de son côté c'est différent. Il prend les opportunités quand elles viennent, mais il calcule les choses pour pas se retrouver en difficulté. Il fera pas un choix irrationnel, tout simplement parce qu'il a pas les épaules pour affronter l'échec. Lui, quand ça se gâte, il vrille. Alors quitte à s'éviter ça il préfère un minimum anticiper. Son attitude c'est celle d'un type qui a trop d'amour propre pour admettre qu'il peut galérer. Il a déjà donné par le passé, maintenant il se la joue safe. C'est militaire aussi, il a été formé comme ça. T'es une rêveuse. Il synthétise. Il la voit comme ça, Sasha. Comme la petite soeur qu'il faut prendre par la main pour pas qu'elle se perde dans les rues de Kiev à chasser les papillons. Si tu rêves trop, t'as pas l'impression d'échapper à ta vie ? Ca s'associe bizarrement, dans son esprit. De ce qu'il capte, Sasha elle met parfois ses pensées sur pause pour arrêter de se laisser dominer par ses émotions. Et c'est ça, c'est ça qui lui permet de ne pas échapper à sa vie. Mais il se plante sans doute, c'est abstrait, poétique, un peu trop romancé pour lui. Son pragmatisme à lui se manifeste dans son rêve. Il a pas de mal à l'admettre, ce désir d'y retourner, faire définitivement partie de cette lignée d'officiers familiaux. Ca va, tant que je m'éloigne pas de ce qui se dit dans les reportages à la télé. Puis il l'aime, son pays. Alors il va jamais cracher sur le corps armé. Ca le fait sourire parce que Sasha aussi, elle retombe dans des questions réalistes. Elle adapte son discours à ce qu'il est. Et ça lui convient. Ca dépend. Y'en a qui sont purement à des postes de commandement, d'analyse, de stratégie. Mais tu commences par commander tes unités sur le terrain. T'assures la cohésion, tu fais face, tu prends les décisions sous tension. Il simplifie - explique le beau. C'est pas un pro du détail, anyway, il est assez réservé dans ce qui touche à l'émotionnel. Ca va, en fait. Il est assez âgé, donc quand j'étais ado il était déjà en fin de carrière. Et ça chez Billy ça éveillait déjà une admiration au max. C'est le best. Le coeur et la tête. Il lui doit tout, Billy. S'il a voulu devenir officier c'était pour lui avant tout. Beaucoup trop fier, comme gamin, une putain d'envie de lui faire part de sa reconnaissance.