@elvis

Le prime se clôturait doucement et, les uns après les autres, les membres de la flambant neuve équipe bleue tiraient leur révérence pour rejoindre la chambre qu'ils allaient partager tous les cinq. Entre les allers et retours entre la salle de bain, la chambre et les vestiaires, ils n'avaient pas encore eu vraiment le temps de se poser sur la composition à proprement parlé des binômes de nuit. Le seul qui avait abordé le sujet, c'était Sanjay. Elle avait senti un léger (très léger, vu les personnalités en présence) flottement, Sasha, lorsque la question du lit solo avait été soulevée, alors qu'elle était probablement, des cinq, celle qui avait le moins de souci avec l'idée de partager un matelas double. La réalité, c'est qu'elle déteste dormir seule, et que quelqu'un shotgun la place solitaire, ça la soulageait tellement que la boule qu'elle avait senti dans sa gorge en comprenant qu'elle serait la seule femme de son équipe, s'était dissipée presque instantanément. Elle se fichait bien duquel des trois, entre Mathis, Dede et Elvis, dormirait avec elle, à vrai dire. Elle avait ses méthodes pour imposer ses volontés et aucun des trois ne ferait exception. La seule différence serait le temps que ça prendrait pour chacun de s'habituer à ses habitudes nocturnes. Une fois face aux trois grands lits, elle expire profondément, Sasha, et choisit le plus proche de la fenêtre. Elle aime voir le ciel, quand elle tombe endormie. Tandis qu'elle pose ses affaires, elle capte une présence qui la tire de sa solitude et son regard tombe sur Elvis. « Je ne t'obligerai pas à aller jusqu'à dormir avec moi, t'en fais pas » elle plaisante. Depuis le début, ils sont quasiment inséparables, Elvis et Sasha, comme mus par un destin un peu joueur qu'ils ne peuvent que constater avec un étonnement amusé. ça lui convient, les gens, elle les aime comme lui : bienveillants, avenants et incroyablement good vibe. Elvis, elle s'y est attachée directement et le voir dans sa chambre, c'est un peu comme retrouver un copain d'enfance. « Si tu veux t'échapper, c'est le moment » elle précise de son air mutin, en se laissant tomber les fesses sur le matelas, alors qu'elle a pas du tout envie qu'il s'échappe.

Il a ce bourdonnement à l'oreille depuis tout à l'heure, sûrement du au boucan et aux babillages de la soirée. De l'acouphène, un phénomène qui lui est familier. Maintenant que l'engouement est retombé se parant de la quiétude nocturne, Elvis peut se détendre un peu plus, prendre ses marques et enfin retirer ses fringues gluées à son épiderme en faisant tomber la veste d'abord, puis le reste suit. Il débarque en mode torse poil et short pyjama, dans les vestiaires, son trousseau sous le bras, en mode rien à foutre de sa dégaine ; il aime être confortable dans ses fringues, à tout instant de la journée et la nuit ne fait pas exception. Il ne tarde pas à rejoindre @Sasha dans la chambre, quand il a vu passer sa silhouette au détour d'un couloir. Le truc, c'est qu'il n'a pas encore sommeil, le petit. Il est encore sous le joug de l'euphorie, grisé par l'émulation des environs. Il n'a qu'une hâte : d'explorer chaque pièce, de les squatter un par une, pour s'approprier les lieux. Mais de tenir compagnie à la française l'incite à repousser ses plans à plus tard. Il s'engouffre dans la chambre et découvre la piaule où ils vont tous crécher. Se pose déjà la question épineuse : qui va dormir avec qui ? Pour @Sanjay, c'est niet - il dort tout seul. Les autres n'y ont vu aucun inconvénient, lui premier. Comme Sasha étant la seule nana du groupe, c'est normal qu'elle choisisse où elle souhaite pioncer. Son confort avant tout, hein et c'est valable pour tous. Lui ? Il s'en branle, du moment qu'on se respecte les uns et les autres. Elle le prévient d'entrée de jeu qu'ils ne sont pas obligés de se partager le lit avec humour. — Figure-toi, j'y ai songé à un moment., qu'il lui déclare avec malice. Si personne ne s'est dévouée entre temps. Sans ambiguïté aucune, bien sûr. Leur tandem fonctionne à mort ; ils sont désormais comme les deux doigts de la main, inséparables, complices. Il kiffe leur alchimie. Apparemment, dans cette pièce, ce serait elle la prédatrice. — Dois-je le prendre comme un avertissement, Frida Kahlo ? En référence aux prémisses de leur rencontre virtuelle. Il se glisse à ses côtés, leurs épaules se frôlant. Le regard biais, il interroge sa binôme attitrée. — Droite ou gauche ? , la questionne-t-elle l'air de rien, la gratifiant d'un sourire madré au passage. On va dire que c'est acté, à présent. Ca ne lui a pas pris longtemps pour fléchir, le gars. — J'te préviens, j'ai un rythme de sommeil assez particulier. Chaotique, oui. Selon son mood, on va dire. C'est qu'il a parfois du mal à débrancher son cerveau, il rumine beaucoup. Sans compter qu'il a ses phases d'insomnie, surtout quand son hyperactivité part à volo.

Elle aurait été hyper vexée, en réalité, qu'il songe à dormir avec Mathis ou Dede plutôt qu'avec elle. Elle dit rien pour l'instant, Sasha, parce qu'il est pas trop contraire, Elvis, et que son sourire la contamine rapidement, mais s'il y a bien une chose qu'elle redoute toujours, c'est que les gens se lassent, disparaissent, oublient. Même dans les choses les plus innocentes, voire triviales, comme le choix d'un lit. Ils ont été indissociables quasiment depuis le début, si ce n'est pendant l'isolement qu'ils ont vécu séparément et pour elle, c'est important. Elle sait pas à quel point c'est important, parce qu'ils sont dans un jeu, qu'elle sait jamais vraiment comment elle réagit sous pression, qu'elle est du genre à s'attacher trop et trop vite, mais c'est important. « Tu peux pas devenir une artiste sans avoir un sérieux problème quelque part » elle note d'un air hyper sérieux, en l'évaluant de ses prunelles, avant de lui offrir un sourire radieux. « Je parle de Frida, bien sûr. » Evidemment. Il y a zéro problème chez Sasha, chez elle, tout est sain, équilibré, mesuré. Elvis se pose à côté d'elle et elle accueille sa présence d'un air paisible. C'est drôle ce silence environnant après le tumulte continu de la journée. La pression retombe, les enjeux s'éloignent, ils peuvent respirer une seconde, profiter des autres simplement pour le plaisir de les découvrir. L'accord, il est scellé, parce qu'Elvis, il prend déjà ses aises sur son lit. « Droite. Non gauche. » elle panique sans aucune raison, comme si on lui demandait lequel de ses parents elle devait laisser en vie. C'est simple : plus la décision à prendre est insignifiante, plus elle sera compliquée pour Sasha. Elle déciderait de son avenir en un quart de seconde, sans réfléchir, mais elle reste vingt minutes devant le menu du McDo, à hésiter entre des nuggets ou un burger. « Particulier ? » elle relève, amusée. « Particulier genre en réalité tu dors le jour dans un cercueil ou particulier genre tu te lèves toutes les heures pour aller aux toilettes ? » ça la dérange pas vraiment dans tous les cas, Sasha, elle a l'habitude des frasques nocturnes de ses trois colocs. Ils ont tous les quatre des rythmes très différents et chez eux, il y a du passage et du bruit tout le temps. Ils n'ont plus vraiment de limite à respecter et, sauf ordre contraire express, ce n'est pas rare que la coloc de Sasha, par exemple, vienne lui piquer des fringues le matin, pendant qu'elle dort toujours, ou inversement. Elle aime le mouvement, Sasha, elle aime la vie en communauté et l'absence de frontière, et elle oublie que c'est juste leur petit fonctionnement à tous les quatre. « Tu dors pas beaucoup ? » elle demande, plus sérieuse. Tant qu'elle est pas h24 toute seule, elle devrait pouvoir supporter. « Moi aussi je te préviens, j'aime bien dormir avec quelqu'un, c'est pas exclu que je sois un peu envahissante » elle confesse. Elle fera probablement la grande cuillère dès la première nuit mais une main contre son dos, un pied de son côté, ce genre de trucs, elle ne s'en rend pas toujours compte.

— Mais je vais te dire un secret : la plupart des gens biens le sont. Dit le Chapelier Fou d'Alice. Une ode à tous les Fous et à tous les détraqués qui peuplent de cette planète. Les artistes en font partie de cette catégorie. Et Elvis a une affection particulière pour ces derniers parce qu'il est un désaxé, à sa manière. Bon, le partage de lit a été résolu en un éclair. Donc ça sera la gauche pour la belle et la droite pour lui. Ca lui convient comme ça, il n'est pas difficile le Elmo. Il pourrait dormir parterre, ça ne le dérangerait pas non plus. Là, il embraye sur son cycle de sommeil singulier.— Bien ouèj, mon secret c'est 'je suis un vampire'. Tu m'as percé à jour., la charrie-t-il en soulèvant une manche de capuche invisible, façon Dracula, à la Béla Lugosi, puis ricane. Il reprends son sérieux quelques minutes. — Disons que j'ai des insomnies parfois. Il ne tient pas plus que ça, à élaborer, c'est le lot de beaucoup de créatifs et de sa condition physique. — Je suis encore réglé à l'heure hawaïenne. A cette heure-ci, je suis déjà en train de me pioncer pour un réveil à 5h direction la plage, la planche de surf sous le bras, avant d'aller au taf. , lui avouet-il avec nostalgie. Il vient de décrire le quotidien lambda d'un.e hawaïen.ne. Ils ont l'océan dans les veines, ces insulaires et y tiennent à leur océan et le monde entier le leur envie. — Tu me tiendras compagnie ?, lui propose-t-il, si elle tient ne pas à être toute seule une partie de la nuit. Au pire, elle s'assoupira pendant qu'il s'occupera les mains et l'esprit sur autre chose, histoire de passer la nuit. En tant que futurs partenaires de lit, il est important de connaître leurs quirks respectifs. Il vient de lui partager la sienne de bizarrerie, à son tour de partager la sienne. Envahissante ?, lui confie-t-elle. Il arque un sourcil interrogateur, un rictus malicieux en coin. — Développe. Bon, il sait où @Sasha veut en venir mais il veut l'entendre de sa bouche. Ca promet des situations bien cocasses, tout ça. La production aura de quoi se divertir. On continue à lister les excentricités. — Moi, j'ai parfois des spasmes donc ne t'inquiète pas, c'est passager. C'est une myoclonie de l'endormissement, selon le toubib mais il lui épargne le jargon clinique. Sinon, il n'a pas d'autres étrangetés de ce style en réserve - il ne ronfle pas, en tout cas. Ce n'est pas le tout, il faut tester ce matelas. Il s'allonge sur le flanc, sa tête maintenue par sa main, le bras équilibrant le tout. — A quoi ressemble ta chambre ?, l'interroge-t-il, les yeux braqués sur la naissance de son dos. Il est curieux, Elvis, curieux de découvrir l'univers de la parisienne.

« Où est-ce qu'ils se sont planqués toute ma vie ? » elle bougonne faussement. Ces gens étranges mais ces gens biens dont elle voudrait tant peupler sa vie. Elle exagère, Sasha, parce que maintenant, elle s'en fiche un peu, elle prend ce qu'il y a à prendre chez les gens biens comme les gens mauvais, sans plus vraiment se soucier des intentions qu'ils ont. Tant qu'ils ont quelque chose d'un peu magique. « Edward » elle ronronne. C'est pour ça qu'il est si brillant, Elvis. Entre ça et l'héritage du prénom, c'est à se demander ce qu'il fait seul. Surtout s'il passe le plus clair de sa journée éveillée, ça maximise le temps de rencontre. Mais elle y pense plus une seconde, dès qu'il évoque la plage, le surf, la vie. « ça fait rêver » elle se perd un instant dans l'imagerie hawaïenne qu'Elvis dégage, exprime, respire tant il semble habité par son île. C'est la première fois qu'elle rencontre un hawaïen, Sasha, à vrai dire, et si ce n'est ce qu'on en voit dans les films et les reportages, elle y connait pas grand chose. « Chez nous c'est plutôt se réveiller le plus tard possible pour pas avoir à affronter les voitures et le monde » elle ironise légèrement. Elle est parisienne de naissance, Sasha, elle a jamais vécu ailleurs, et elle a cette relation douce-amère avec sa ville qu'ont parfois les natifs. Elle en voit tous les défauts sans pouvoir s'en détacher pour autant. « Quand j'étais plus jeune, je dormais pas beaucoup non plus » elle dit, un peu happée par une période de sa vie dont elle a peu de souvenirs, tellement elle a la sensation de l'avoir vécue à côté de ses pompes. Elle était étrange à l'époque, Sasha, encore plus que maintenant. Aujourd'hui, elle a une vie, des amis, elle s'épanouit dans son travail, dans sa vie de parisienne wannabe branchouille. Plus jeune, elle s'est pas mal débattue avec une identité trouble. Elle savait pas trop qui elle était, elle savait même pas trop si elle était tout court. « Je m'empêchais de dormir. » Dit comme ça, ça fait bizarre, et pourtant c'était exactement ça. Elle repoussait sans arrêt le moment d'aller dormir pour un truc qui, elle le découvrira des années plus tard sur internet, s'appelle le revenge bedtime procrastination. Son cerveau tournait trop en rond. « Pour avoir plus de temps » elle précise en étirant un sourire drôlement mélancolique. Plus de temps pour elle et pas pour les autres. Plus de temps pour comprendre, être, rêver. Quand Elvis lui propose de lui tenir compagnie pendant ses moments d'insomnie, elle l'éblouit aussitôt d'un sourire brillant. Il sait comment lui parler, il n'y a pas à dire. « Bien sûr, quand tu veux. » Il peut même la réveiller s'il sent qu'il s'énerve à essayer de trouver le sommeil, elle s'en fiche un peu Sasha. Elle serait probablement un peu ronchon les premières secondes puis elle leur fera un thé ou un chocolat chaud, elle se calera dans un plaid près de lui pendant qu'il vaque à ses occupations et elle dessinera, ou elle lira. Il se moque. « C'est pas impossible que je te prenne la main pendant que je dors, ou des trucs comme ça » elle élude, une moue ennuyée sur les lèvres. La honte de devoir expliquer concrètement un peu, mais autant qu'il soit au courant. Au moins, il la remballera pas si elle se colle à lui. « Non là c'est trop, je change, je prends Mathis » elle éclate de rire en lui lançant un index dans les côtes. Des spasmes et puis quoi encore. Puis elle prend une seconde pour visualiser sa chambre, dans sa coloc. « Petite, blanche avec un mur de papier peint, une grande étagère qui prend tout un mur où je mets toutes mes affaires, mes livres, mes cahiers, mes outils de dessin, des vinyles et dvd, puis des tringles sur les murs pour mes vêtements, pas mal de plantes et d'affiches, un bureau en bordel, mon lit. J'ai un petit balcon. Un panier pour le chien de mon coloc. J'ai pas mal d'affaires de mes colocs qui trainent aussi. » elle énumère doucement, la voix pleine d'affection. Avec le temps, c'est devenu son antre, sa chambre, même si elle est désordonnée et pleine de babioles. Sasha, c'est le genre à rien jeter. Tout peut vite avoir une valeur sentimentale, avec elle. « Et toi, c'est comment chez toi ? » elle demande en se laissant tomber sur le dos à côté de lui, le regard levé vers son visage et les mains sur le ventre.