@eloïm

Après s'être levée aux aurores pour aller s'installer dans la cour intérieure et méditer un long moment, Sasha a fini par s'éveiller pour de bon. Elle a le corps apaisé, l'esprit en alerte sous l'ouate délicate de son imagination qui, comme d'habitude, avait été largement plus forte que son envie de faire le vide. ça l'embête pas, au fond, elle n'en garde aucune frustration parce que c'est aussi ce qu'elle aime le plus, probablement, simplement trainer dans ses petits mondes. Peu importe qu'Apollon la traite de folle, ce n'est jamais qu'un de plus et Sasha, elle aurait pris à coeur un avis d'une personne importante pour elle bien plus à coeur. Non, la réalité, c'est qu'aucune logique, aucune règle scientifique ne peut définir ce qui relève du négligeable et ce qui va la toucher en plein coeur. Les lois varient d'un jour à l'autre, de son humeur, de ce qu'elle a mangé, et même elle, elle subit tout seconde après seconde. Sa quête pour trouver Eloïm, une fois bien réveillée, elle sait pas trop d'où elle sort. D'une envie latente de voir son visage, de graviter dans son sillage, même si c'est en silence. Elle cherche dans ses spots préférés, ceux qu'elle a devinés et anticipés du moins, puis les espaces communs, jusqu'à grimper en direction de sa chambre. Elle toque doucement à la porte puis passe une demi-tête dans l'embrasure. Il est là, juste là, planté devant un lit qu'elle devine être le sien. « Ton pull » elle indique solennellement après un raclement de gorge vaguement théâtral. Elle soulève l'amas de laine qu'elle avait récupéré dans ses affaires. Depuis le prime, il avait eu le temps de sécher (à moitié) mais elle n'avait pas osé inspecter les dégâts de l'eau chlorée sur la laine. Elle prend une seconde pour l'observer, Sasha, et elle plisse le nez, parce qu'elle sent un truc pas normal. Aussi, elle referme la porte derrière elle, l'air méfiant, file s'installer sur son (?) lit, les jambes en tailleur et les mains sur les chevilles. « ça va ? » elle demande d'un air inquisiteur, presque courroucé. De quel droit il oserait aller mal ?

Fuir la caserne c’était un peu tout ce qui animait Eloïm depuis le prime. Ce besoin d’être seul après une tournure d’événements qui l’avaient déboussolé. Il avait besoin de se changer les idées, d’être seul avec lui-même. Une chose qui n’était pas facile avec trente personnes gravitantes autour de soi et des caméras épiant chaque mouvement, chaque détail. Il l’avait compris à la chronique d’Apollon, déballant chacun de ses flirts et même d’autres moments. Il ne s’était surtout pas attendu à être relevé autant, se croyant invisible du radar jusqu’à un certain point mais pas ce petit point lumineux qu’on voyait s’approcher du centre de l’aventure aussi dangereusement. Il se brûlait lui-même les ailes par des choix mal avisés. Après une discussion avec @Beau ses épaules se sentaient plus légères, malgré cela, il était bien loin de se sentir bien confortable dans ses bottines. Il avait néanmoins fini par prendre une douche un peu plus longue et choisi de se changer pour revêtir quelque chose de mieux que ce vieux jogging qu’il portait en s’étant levé. Pourtant ses traits restaient tirés, il affichait sans doute la pire des mines, mais personne dans la chambre pour le juger, donc bon. Il passait une main dans ses boucles encore humide, sa serviette traînant sur ses épaules. La porte qui s’ouvrait et lui qui tournait la tête pour regarder la blonde engouffrer son joli minois dans l’embrasure. Elle lui présentait un pull en piteuse état, leur du prime il l’avait vite reconnu et ce rouge qui avait marqué sa penderie, souvenir de la belle qui lui avait emprunter ce pull. Il tendait les bras pour récupérer le vêtement, réalisant qu’il était encore un peu humide. Sans doute fichu, mais ça lui importait peu. « Merci. » Il s’attendait à la voir quitter la chambre sans plus, impossible d’y voir une autre hypothétique, elle qui ne désirait pas rester près de lui. Il ne lui en voudrait pas, lui-même peu enclin à rester avec quelqu’un. Elle l’étonna en fermant la porte, venant prendre place sur son lit. Il la toisait. Un simple regard de sa part et il avait l’impression qu’elle pouvait lire en lui comme avant. Pinçant ses lèvres, il prenait place à ses côtés. Silencieux, il restait là sans lui répondre. Ses doigts s’étiraient pour venir chercher une main de la jeune femme, laissant ses doigts s’enlacer avec les siens. « Je ne sais plus ce que je fais ici. Qui je suis et qui je ne veux pas être… » disait-il en tournant son regard vers elle.

Son regard capte Eloïm et ne le lâche plus. Elle y arriverait pas, même si elle le voulait, mais cette drôle de lueur dans son regard, elle la connait et elle ne la supporte pas. Et elle s'en fiche bien d'être incohérente, de dire un jour noir puis un jour blanc, de récolter sa main et la serrer très fort de la sienne puis deux heures plus tard de l'envoyer sur les roses d'un air râleur ou de prétendre à qui voudra bien l'entendre que c'est un idiot. Parce que tout ça, finalement, ce n'est que le reflet du bordel monstre dans sa tête, dans ses souvenirs et surtout, dans ses tripes et dans son coeur. Trop de choses se sont passées et en même temps, trop peu de choses ont été dites, pour qu'elle y voit clair et qu'elle puisse être simplement et sereinement heureuse de le voir, d'être là, face à lui. Son coeur, il bat à mille à l'heure, il lui brise la cage thoracique, et ses mains toutes entières l'appellent mais en même temps, elle est blessée, Sasha. Blessée par le monde qui a rendu cette situation possible. Et tout ça, il le sait, Elo. Il sait comment elle est et il l'a déjà vue changer d'avis toutes les dix minutes, systématiquement persuadée d'avoir enfin arrêté son esprit et d'avoir finalement grandi et appris. Les yeux d'Eloïm accrochent les siens, et ses barrirèes fondent l'espace d'un moment. « Tu sais que je suis là, moi, hm ? Qui tu es et qui tu ne veux pas être, moi je te le rappellerai, d'accord ? Cinq, dix, dix mille fois s'il faut, si tu te sens perdu, moi je te retrouverai. » Parce qu'au-delà de tout, il y a cette vérité-là qui surpasse tout. Ce truc un peu bateau du : si tu m'appelais quinze ans plus tard parce que t'es dans la merde, je serai là. Peu importe quand, je serai là. Elle est de ces relations folles, Sasha, elle s'ennuie de s'impliquer pour moins que ça et cherche toujours viscéralement ces moments de dévotion pure à l'amitié, parfois même si beaux qu'ils font mal. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » elle souffle finalement pour l'inviter à verbaliser s'il en avait besoin. Elle, elle arrive pas à saisir ce qui a bien pu le mettre dans un tel état qu'il se traine depuis le prime.

Douce et sécurisante, elle lui rappelait, lui, lui qu’il avait fini par laisser s’envoler. Doux souvenir d’un moment passé, qui perdurait, se perdait dans son esprit pour le torturer silencieusement. Elle était cette bouée, cette lumière qui le guidait pour se relever. Ses longs doigts filiformes jouaient avec ceux de la demoiselle, s’occupant les pensées comme il le pouvait. Son regard croisait les prunelles de la blonde et un sourire tendre prenait place sur ses lèvres. « Tu m’as manqué Sash. » Sa voix tremblait, mais bien vite il se raclait la gorge pour en effacer les tourments. Sans elle près de lui, l’aventure lui semblerait bien plus difficile. Il avait cru pourtant que tout resterait comme ça avait été entre eux depuis son départ de Paris. Il y avait vraiment cru. Et même si rien n’était redevenu comme avant, il se sentait en bonne voie. Ça lui suffisait à cet instant, laissant le temps à la jeune femme de revenir vers lui. Sa tête basculait contre l’épaule de la Parisienne, ses cheveux bouclés prenant appuie avec délicatesse contre la mâchoire de la jeune femme. Il restait silencieux. « Je ne pensais pas que ce serait si difficile comme jeu. » On lui avait conseillé de vivre une aventure, mais craignait que celle-ci l’emporte sur lui. « Samedi quand mes impressions ont été dévoilés… Sash je ne vois personne de connard ici. Sauf peut-être moi. Je veux dire, je ne savais pas qui mettre et j’ai la sensation que j’ai blessé des gens. Je me sens mal pour cela. » Il relevait la tête pour la regarder. « C’est comme pour nous. » Il déglutissait, il avait tenté d’aborder le sujet, sans vraiment le faire. Une fois encore, il ne le ferait pas. Il tenait simplement à ce qu’elle sache qu’il se sentait mal, coupable et ce pincement au cœur était bien plus fort en sa présence que ce qu’il avait pu ressentir samedi.