@dede

Sasha, elle a tapé ses meilleurs puppy eyes à Dede pour qu'il accepte de la suivre dans son délire de parisienne du 4e et faire une petite promenade à vélo dans Georgestown avec elle. Sa logique, c'est qu'il est dans son équipe, qu'elle est honorairement la seule nana du crew (plus maintenant avec l'arrivée de Megan, mais elle était bonne pour jouer le quota de l'équipe pour un moment, sans l'abandon de Sanjay), donc c'est mathématique. Ils sont potes et il se doit de lui faire plaisir. Et là, en l'occurrence, elle a le sentiment qu'elle a passé son début de semaine à boire, si bien qu'en bonne nana qui se respecte, elle se sent obligée de faire trois heures de sport pour avoir bonne conscience. Surtout, évoluer en vélo, c'est son quotidien, chez elle. Tout lui semble à portée de main, comparé à cette sensation de disproportion qu'elle a ici. Pourtant, c'est pas si grand, ils peuvent tout faire à pied, mais elle associe toujours les USA avec l'immensité des villes, des rues, des maisons, des voitures, qui rend impossible de simplement profiter à pied. Donc elle le tire par le bras jusqu'au hangar à vélos, surexcitée pour pas grand chose, à tourbillonner autour de lui pour essayer de le hyper au moins autant qu'elle. « Tu faisais pas du bmx ou du skate toi, quand t'étais plus jeune ? T'as trop le style » elle remarque brusquement. Elle avait vu ce film au cinéma il y a pas si longtemps, Mid90s, et elle l'imagine vraiment dans ce délire-là, avec ses potes, Dede. Probablement aussi parce qu'il y a pas mal de skaters parmi les résidents, alors à tout moment elle s'attend à en découvrir un de plus. « C'est le genre de mec qu'elle aime bien MJ, il parait » elle ajoute avec un fin sourire. Elle a compris la métaphore, Sasha, même si ça lui a pris quelques secondes quand même. La réalité, c'est que c'est sûrement l'inverse, plutôt, parce que MJ, elle est plutôt du genre à prendre tout ce qui passe. Tout ce qu'elle peut avoir. « T'aimes quoi dans la vie, à part elle ? » elle roucoule par-dessus un guidon de vélo. Et manger, elle devrait sans doute rajouter, mais ça lui parait évident. Elle n'acceptera pas rien comme réponse même si elle sait bien que les gens qui tombent sous le charme de MJ, ils ont tendance à voir plus qu'elle, au bout d'un moment, parce qu'elle est envoutante.

Dede, il vivait sa best life avec son pote Dr Pepper dans le canap’ lorsque Sasha s’est pointée pour l’embrigader dans ses projets de la journée. Il a un peu essayé de résister, mais elle sait se montrer coriace, la Reggie. Elle ne décollait plus de sa bulle alors après un rapide calcul où il a pigé que ça lui demanderait plus d’énergie d’essayer de la virer que de se laisser entraîner, l’affaire était pliée. Sur le chemin pour le hangar à vélo, il la sent toute vibrante à côté alors qu’il traîne des pieds en imposant sa vitesse de croisière. Il secoue la tête en se marrant. « Je ne suis pas un cool kid comme toi. » Sasha, elle squatte déjà les rubriques du prime à l’aise et on la retrouve dans le top des impressions des autres candidats. Dede, lui, c’est à peine si on le connait. Il vit son aventure dans son coin. Présent, mais toujours à distance. « Un peu, mais sans plus. » il finit tout de même par glisser. Il est du genre touche-à-tout et touche-à-rien en même temps. Dede, il ne pousse jamais ses passions au max de leurs capacités de toute façon. Il ne pigeait pas le rapport jusqu’à ce que sa douce débarque dans la conversation. « Nan, mais je ne l’ai pas rencontrée là, MJ. » C’est vrai que le skatepark, c’est l’un de ses terrains de chasses préférés pour pecho. « On a commencé à se fréquenter à la mort du padre. » Dede, il avait décidé de soigner les symptômes de son deuil à grands coups de weed. Ça lui anesthésiait tellement le cerveau qu’il en arrivait à oublier son hypersensibilité, mais il a un peu zappé la phase où il était censé passer à autre chose. Maintenant, ils sont allés trop loin dans leur relation. MJ, c’est sa personnalité, son activité professionnelle… Elle est partout. Même lorsqu’ils sont en breaks, elle lui a tellement anesthésié les neurones qu’il a tout le temps l’air de s’être tapé un spliff en douce. « Si je te le dis, tu vas te moquer. » il l’accuse d’avance avec le sourire en coin de celui qui n’en a de toute façon rien à carrer qu’on se foute de sa gueule. Il la tease un peu avec son hobbies super secret, mais au bout de trente secondes il abdique pour tout lui révéler. Zéro volonté. « J’aime vraiment les films de kung-fu. » Passion la plus random ever. « D’ailleurs je suis trop fan de ce gars qui vient de chez-toi, là… » Dede, comme il dormait pendant le cours sur le géographie européenne, France/ Belgique/Suisse, il les met tous dans le même panier. JCVD, c’est trop la star de sa life avec ses grands écarts à 180° et ses petits mouvements de danse Kickboxer bien maîtrisés. « Quel genre de trucs t’aimes dessiner ? » Il skip le moment où il l’interroge sur ses passions pour directement aller à la phase 2 de ses questions. Une illustratrice, ça kiffe forcément le dessin.

Cool kid, cool kid... Sasha, elle chasse l'idée d'une main impatiente qui bat l'air devant son visage. S'il y a bien un truc qui la définit pas, c'est ça. Parce que tout le cool qu'elle peut dégager maintenant, c'est le fruit de longues années de travail et d'auto-obligation, d'entrainement jusqu'à lâcher tellement prise qu'elle a juste plus de filtre et les gens trouvent ça attachant. Sasha, elle est juste tellement à fleur de peau que ça a un côté très vrai que les gens aiment bien, elle imagine. « Pff j'étais la moins cool kid du monde, moi j'étais l'invisible kid » elle bougonne faussement, en se rappelant ses années lycée où elle changeait de copines tous les six mois parce que personne l'aimait suffisamment pour la garder plus longtemps dans sa vie. Elle existait pas vraiment, à ce moment-là, Sasha, et même pas en terme de popularité. Juste en terme d'elle-même. Elle était pas vraiment là, elle avait pas de consistance, elle était encore en création. Et elle avait même pas sa MJ perso pour compenser, Sasha, elle se démerdait pour vivre comme elle pouvait, à sa façon, pour pas avoir trop la sensation de perdre complètement son temps et sa vie. Elle tourne doucement la tête vers Dede quand il balance un truc auquel elle s'attendait pas, et encore moins sur ce ton-là. Et brusquement, il lui rappelle ce pote qu'elle avait en école d'art, avec qui elle avait commencé mais lui n'avait jamais terminé. Lui aussi a commencé très jeune à fréquenter MJ. Et il était tellement accro à elle, il voyait plus les autres. Elle l'avait complètement envouté et la seule femme pour laquelle il voulait vivre, c'était elle. Il a abandonné l'école et quelques mois de sorties sporadiques plus tard, il avait complètement disparu de sa vie, probablement entièrement dévot à son amour. « C'est elle qui t'a consolé ? » elle demande. Elle est douée pour ça, MJ. Prendre soin de toi quand personne d'autre ne le peut. Elle se rend indispensable, elle t'accueille en son sein, protectrice et réconfortante et crée autour de toi une bulle que rien ne peut abimer. Même Sasha, elle y a déjà gouté, au talent de MJ pour te faire te sentir heureux et capable de tout. C'est son frère qui l'a obligée à arrêter de la fréquenter parce que sinon, elle aurait été comme elle est avec tout : dans l'exagération totale. Elle lui pose une question, Sasha, parce qu'elle a pas envie de l'obliger à divulguer trop de leur vie privée, à MJ et lui. « Jamais je ferais ça » elle s'indigne presque qu'il puisse envisager un truc pareil. S'il y a bien un truc qu'elle fait pas, Sasha, c'est se moquer. Elle a bien trop souvent été celle dont on se foutait pour avoir envie de passer de l'autre côté pour qui que ce soit. Mais elle voit à son petit regard malin qu'il le pense pas et elle étire un sourire féroce en se mettant à tourner autour de lui en autant d'un pied à l'autre. « Dedeeeeee. » Elle le lâchera pas jusqu'à ce qu'il crache le morceau et il doit l'avoir compris car sa simple force de persuasion finit par le faire craquer. Elle lâche un petit air étonné quand il finit par lui balancer son petit hobby secret et, oui, pendant une seconde elle a envie de rire mais plus pour le côté très anticlimactic. « Jean-Claude Van Damme ? il est vraiment connu en Amérique ? » elle s'étonne en captant, par association, de qui il parle. « C'est quoi ta citation pref de lui ? » Parce que côté Europe, c'est un peu un meme cet homme. Voire un vieux ringard un peu beauf avec ses punchlines nulles. Mais un fan comme Dede doit forcément avoir des pépites à partager. « J'y connais pas grand chose, tu me conseilles quel film ? J'ai vu Karaté Kid » elle hasarde un peu pauvrement, parce que sa culture en termes de films de kung fu s'arrête là. Enfin, elle a vu Kung-fu Panda aussi mais elle est pas certaine que ça compte et elle a pas envie de commettre une hérésie en associant les torchons et les serviettes. Et elle a entendu parler des films sur Yip Man aussi. Jamais vus, tho. « Oh tu sais sa paire de lunettes oranges ? J'en ai des quasiment pareilles, je te les donnerai » elle balance avec enthousiasme, parce que ça vient de lui revenir comme une fulgurance. Elle est surex maintenant en imaginant Dede en mode grand écart entre deux camions - ou ce qu'ils trouveront qui ressemble. Elle est même presque plus hypée par cette idée que par la perspective de papoter dessin, et ça, ça n'arrive pas souvent. Mais la passion, elle revient vite. « J'aime bien dessiner tout ce qui a dans ma tête et que je peux pas décrire avec des mots. » elle répond sans même réfléchir. Elle pourrait pas le décrire autrement, principalement parce que c'est ce qui l'a menée au dessin de base. Quand elle était plus jeune, c'était son moyen d'expression, sa manière à elle de partager, de transmettre et de se faire comprendre, d'inclure les autres dans ses petits mondes. « Des moments, des visages, des émotions. » Des endroits, des choses, des mouvements, des questions, des revendications, des rires. C'est son exutoire, le dessin. Un besoin plus qu'une envie, au départ. « Sinon j'arrive pas à communiquer » elle sourit doucement. Elle s'est amélioré là-dessus, Sasha, avec le temps, maintenant elle est passée de rien à tout. Parfois même trop.