@billy

Sasha, elle a passé une bonne partie de la journée sur son petit projet de Jiji en stop motion. Elle a les genoux niqués, les doits défoncés, elle peut plus se voir Jiji en peinture, mais elle est trop heureuse. Elle peut pas faire grand chose des dizaines, voire des centaines de clichés qu'elle a pris en réarrangeant les scènes au millimètre près, vu qu'ils ne peuvent pour l'instant que rester bien au chaud dans la carte mémoire de l'appareil photo qu'elle a utilisé, mais elle a le sentiment du travail fourni. Sasha, c'est pas le genre qui fonctionne au résultat, elle est bien trop passionnée pour ça. Elle aime juste le fait de créer, Sasha, d'imaginer, de réfléchir. En réalité, elle aime presque plus le processus créatif que l'acte créatif en lui-même. Et, crevée mais gorgée d'imagination, elle remonte jusqu'à sa chambre pour y récupérer un cahier et de quoi dessiner. Elle fait pas gaffe, Sasha, elle est pas encore hyper habituée à la chambre rose, aux lits roses et à tout ce fucking rose partout. Du coup, elle voit une valise qui dépasse avec un cahier dedans, elle réfléchit pas plus loin et l'attrape en ronronnant. C'est seulement quand elle l'ouvre et qu'elle voit ce qu'il y a à l'intérieur qu'elle capte qu'un truc ne va pas. Elle a à peine le temps de comprendre que ce cahier n'est pas le sien que Billy boy rentre dans la chambre. La connexion se fait direct entre le lit, le cahier et lui. « C'est pas ce que tu crois » elle s'exclame en balançant les mains en l'air, comme une criminelle prise sur le fait. Il va croire qu'elle fouille dans ses affaires, qu'elle l'espionne, qu'elle récupère des infos en soum-soum pour les bleus, au secours. « Je pensais que c'était le mien, désolée, je voulais pas être indiscrète » elle lui offre ses meilleurs puppy eyes en reposant avec précaution le cahier de Billy sur le lit. Elle supporterait pas qu'on fasse du mal à ses cahiers. C'est comme les gosses - les tiens, tu les lances dans tous les sens et tu les tiens à l'envers par la cheville, mais t'as toujours peur que quelqu'un d'autre le serre un peu trop fort. « Je ne savais pas que tu dessinais » elle peut pas s'empêcher de dire et un grand sourire illumine ses lèvres, parce qu'elle est toujours trop heureuse de partager un truc avec quelqu'un.

C'est l'heure de distraction, pour Billy boy. Il a déjà squatté à droite à gauche, avalé son deuxième goûter de l'après-midi, râlé intérieurement contre les strat des autres équipes, s'est pris la tête sur comment éviter la nomin' à Evey, retrouvé une tong de Dede... Bref, il a eu une journée assez full pour un type enfermé dans une téléréalité. Ca commence à lui manquer, de faire des trucs de ses mains. Mine de rien il a toujours été actif - de ses 5 ans à ses 25 piges. Il a jamais dit non à une session lézardage, comics, pizza et videogames avec quelques potes, mais le fond de son quotidien est différent.  Il s'dit parfois que c'était un caprice, de venir ici. Ouais il a mérité ses quelques vacances au chantier, mais les parents ont pas trop compris la démarche. Quitte à se reposer, faire autre chose, pourquoi il a pas bougé dans un autre coin du pays ? En Europe, même, voir le monde un peu. Il s'est toujours mis plus de limites qu'ils ne lui en ont mis. Général ou pas, le padre, du haut de son statut de père adoptif, il l'a laissé super libre Billy. Evidemment il était content de le voir assumer l'héritage familial, cette fierté des hauts grades de l'US army, mais ça a jamais été une contrainte. Alors là, dans ces petits moments de doute, il rebrousse chemin et prend la direction de sa piaule. Il a besoin de son confort, ses affaires, ses quelques repères pour confirmer son envie de continuer dans le game. Il capte même pas que @Sasha tient son carnet entre ses mains, au début. C'est en la voyant se justifier façon voleur pris en flag qu'il fait le lien. Mais il hausse les épaules, rien de plus. T'inquiètes y'a rien de secret. Il a un concept de propriété tout pété, le kiddo. Faut dire qu'avant les US il avait pas trop de légitimité sur ses biens, donc bon, il a appris à cacher ce qui valait vraiment. C'est parce que je dessine pas vraiment. Enfin, pas comme vous quoi. Il se laisse tomber sur son lit, la gueule tournée vers elle, une main calée sur ses cheveux pour dégager son front. Toi t'inventes, moi je comble, je gribouille. Il lève un bras en haut quand il parle d'elle, puis se permet un smile qui retombe assez vite avec son bras. T'as l'air claaaa-quée. Elle a un peu la tête de celle qui comptait s'écrouler dans son pieu jusqu'à ce les parents l'appellent pour dîner là, Sasha. Et d'un coup ça l'intéresse de capter comment elle a pu user sa journée au point d'être dans cet état. Lui aussi il aimerait bien être comme ça - épuisé et satisfait.

Billy boy, il pourrait pas en avoir moins à foutre qu'elle farfouille dans son cahier et ça la surprend un peu, Sasha. ça le fait même pas rire, ça le surprend pas non plus, elle aurait pu lui dire qu'elle avait mangé une pomme et qu'elle était verte que ça ne l'aurait pas plus fait réagir. ça la rassure direct, mais ça lui donne encore plus envie de voir ce qu'il y a dans ce cahier, maintenant. Elle aime toujours entrer dans le petit monde des autres, autant qu'elle aime les faire entrer dans le sien. Enfin, dans la sous-couche accessible, en tout cas, parce qu'il y a après le véritable monde de Sash, qui est inaccessible. Totalement. Le genre foutu sous clé, gardé en permanence, sans qu'elle-même ne sache réellement pourquoi. « J'ai essayé de faire du stop motion toute la journée avec Jiji, j'ai les yeux défoncés, mais change pas de sujeeeet » elle était partie dans son délire mais elle se reprend direct, Sasha, avec ses yeux sévères. Elle se pose sur le lit, à côté de Billy, on ne peut plus ready pour papoter dessin et marques de crayons gris, comme elle aime tellement le faire dès qu'elle croise quelqu'un dans le même délire qu'elle. « A partir du moment où tu poses un crayon sur une feuille, tu dessines, peu importe pourquoi ou comment » elle sourit. C'est le premier truc qu'elle a appris. Elle s'en bat un peu les fesses de tous ces prétentieux qui prétendent qu'il faut un certain niveau pour qu'on appelle ça de l'art, de la musique, de la peinture, de la sculpture et compagnie. Pour le faire professionnellement, peut-être, mais pour les autres, du dessin, c'est du dessin. C'est aussi simple et doux que ça. « C'est ça qui est bien, t'as pas besoin d'avoir un but ou un talent inné pour juste exprimer des choses. Tes dessins, c'est toi. » Même les spirales ou les maisons en quelques traits sans lever une fois ton stylo, pendant que t'es au téléphone, ça exprime un truc. Ta manière d'être, de voir les choses, ton imagination, comment est ton esprit quand il est occupé ou non. Il y a un truc de très inconscient et révélateur qu'elle aime dans le dessin, Sasha, parce que ça peut tout et rien dire en même temps. « C'est le moyen d'expression le plus beau du monde » elle a juste l'air heureux, Sasha, quand elle en parle, et elle pose sur Billy un regard bourré d'enthousiasme et d'affection. pour lui et pour le dessin. « Qu'est-ce que tu aimes dessiner ? ça fait longtemps ? » Sasha, elle est prête à le harceler jusqu'à ce qu'il réponde et satisfasse sa curiosité.

Il va pour lui demander qui c'est Jiji, mais y'a une étincelle dans ses yeux à elle qui lui fait saisir que c'est trop tard. C'est pas ça qui compte. Sasha elle veut comprendre, ici et maintenant. Et pour Billyboy y'a pas trop de gêne à ça, mais il veut juste qu'elle sache qu'ils sont pas au même niveau elle et lui. Ca l'a jamais convaincu cette morale du "l'important c'est de participer", non, le kiddo il oscille parfois du tout au tout. Il peut être super calme, inexpressif, donner l'impression de s'en foutre, mais il acceptera pas trop l'idée qu'elle essaye de lui transmettre. Oui, dessiner - le verbe - ça les réunit. Mais... Tu vois ce que je veux dire. Pour lui c'est du hasard, pas une passion. Il osera jamais dire qu'il dessine en fait, parce qu'il se considère pas dessinateur. Pas assez dans le truc, pas voué à en faire quelque chose. Toi tu ressens quoi quand tu dessines ? Il préfère le tourner comme ça. Parce qu'il est sûr qu'ils seront radicalement opposés - il pourra lui présenter sa conclusion à Sash. L'évidence même - son opposition. Mais là, pour l'instant il redescend d'un étage pour s'accrocher à son sourire emballé. C'est pas non plus son délire de casser l'excitation de quelqu'un qu'il aime bien. Il est rationnel, Billy, mais pas complètement détaché. Alors il attrape le carnet et finit par le caler entre elle et lui sur le lit. Il sait direct à quelle page l'ouvrir, le kid. Genre ça. Il commence, sans trop savoir comment le décrire. En fait, j'dis que c'est pas du dessin parce que ça a pas commencé comme ça. A la base, tracer des trucs sur un papier, c'était juste une façon de noter des plans, visualiser des espaces, quand on bossait sur des stratégies à l'académie militaire. Y'avait pas d'aspect artistique quoi, c'était du pur objectif. Les tracés ils étaient déchirés dès que la mission était finie. Aucune temporalité, aucun souvenir. Du pur pratico-pratique voué à disparaître. Puis quand j'ai commencé à bosser sur le bateau j'ai un peu repris. Je sais pas pourquoi. Honnêtement, c'est random. Mais j'aimais bien dessiner les pièces mécaniques, les outils, pour capter comment ça marchait. Et faut dire que ça occupait. Parce que ouais, le taf était ingrat, mais y'avait aussi des moments morts. Et là y'avait ceux qui buvaient, se droguaient, puis y'avait lui avec ses mains tâchées au bic. Maintenant ça ressemble plutôt aux chantiers. (+,+,+) C'est rare qu'il se lance dans de la pure illustration, comme le premier dessin, mais faut croire qu'il a une certaine cohérence le boy, il aime les choses nettes. C'est pas super... Expressif. Comme elle l'entend. Enfin, comme il pense qu'elle l'entend. Ca matérialise pas ses démons, ses joies. Mais ça reste intime. Pas intime au point de le cacher à Sash, mais assez pour qu'il ne s'en vante pas.