@bird


« Tu viens regarder les étoiles avec moi, une dernière fois ? » elle propose en tendant sa main à Bird, sans réfléchir. Elles alignent les pas doucement, toutes les deux, en riant et s'émouvant des souvenirs qui gorgent chaque pièce, chaque couloir, chaque meuble, objet, pan de réalité qui a été la leur pendant deux mois. Elle l'observe en douce, parfois, Sash, au détour d'un sourire, en se demandant si elle est réellement triste de tout quitter, Bird, ou si elle joue le jeu parce qu'elle veut lui faire plaisir. Elles sont pas assez proches pour qu'elle puisse réellement cerner ses sentiments, se contentant souvent des émotions qui percent dans ses prunelles et sur ses lèvres, celles qui soulèvent ses sourcils ou plissent son nez. Elle est expressive et en même temps, pas vraiment, Bird. Elle sait jamais trop comment la dessiner, Sash, alors son symbole, dans ses petits papiers, c'est une cible. Juste trois cercles concentriques, à la façon du logo des Who.  Un cercle, dans un autre, et encore dans un autre. Et Sash, elle est jamais parvenue jusqu'au tout dernier. C'est pas une fatalité, pour elle, encore moins un regret, parce que la vie est longue, très longue et qu'elle est intimement persuadée qu'elles se recroiseront un jour, d'une façon ou d'une autre, à travers Billy ou Salem ou Riven. Elle s'inquiète pas, elle regrette rien, elle est apaisée, Sasha. Heureuse de tout ce qu'elle a vécu, heureuse de se lancer à corps perdu dans quelque chose de nouveau. « C'est fini Birdie » elle souffle avec un sourire apaisé, sa tête contre la sienne, tandis qu'elles sont allongées dans l'herbe du terrain de sport qui ouvre sur le ciel un espace étoilé sans précédent. Comme si le monde leur offrait ses plus belles étoiles pour leur fin, avant de refermer le block pour toujours. Demain à la même heure, ils auront fait leurs adieux aux lieux, pris dans la frénésie d'une finale que Sash appréhende avec sérénité. Le résultat lui importe peu, finalement. « A quoi tu penses ? » elle souffle en tournant la tête vers elle. Maintenant, en général, ces derniers jous, plus tard.

Impossible de ne pas se laisser porter par @Sasha. Son aura elle vous soignait le moindre bobo au cœur. Alors elle glisse sa main dans la sienne, sans plus de réflexion. Laissant à l’abandon ce qu’elle faisait. Une balade nocturne qui passe dans tous les recoins du block, en se racontant les souvenirs avec une pointe de nostalgie et de tristesse. Elle ne voulait pas partir Birdie. Vraiment, c’était de plus en plus ancrée dans sa tête. Elle voulait que tout le monde revienne ici pour la finale et qu’ils restent encore des semaines, des mois, sans laisser le choix à Georges. Parce que contrairement à beaucoup, c’est ici qu’elle s’était fait un vrai cercle d’amis, de confidents. Elle n’en avait pas à l’extérieur, pas vraiment. Elles s’installent au milieu du terrain de foot, les mirettes rivées sur les étoiles. La présence de Sasha elle était toujours toute douce, toute nimbée de quelque chose de précieux, magique. Bird avait l’impression de ne pas en avoir assez profité d’une rencontre comme celle-ci qui n’intervient certainement qu’une fois dans une vie. Et quand elle lui dit que c’est terminé elle a le cœur qui se serre, qui remonte jusqu’à ses yeux. Ça la rend triste. C’est comme ça avec Sasha, comme l’impression qu’elle agit comme un catalyseur des émotions. Que c’est plus facile d’être triste, que c’est plus facile d’être heureux. Elle glisse sa main dans la sienne et chasse les baby larmes qui colonisent ses joues de son autre main. « Que c’est allé trop vite, j’veux pas quitter tout ça. » Eux surtout. « Moi j’voulais pas venir au départ. » Elle ajoute, les yeux toujours rivés sur les étoiles. « J’ai pleins de projets, mais j’ai l’impression que sans vous j’arriverais plus à avancer. » C’est faux, elle s’en sortira. C’est le manque de Salem au bout d’une semaine qui parle, c’est l’inquiétude de pas tous les revoir. Ou pas assez vite. Elle tourne sa tête vers elle, pour y plonger son regard triste, ses lèvres se parant d'un sourire. « Je vais danser sur les places les plus célèbres du monde. » Elle lui partage, parce qu’elle sait que l’idée va lui plaire. Idée impulsée par son histoire avec Nelson, qui s’était tissée au milieu de Main Street.

Elle serre ses doigts sans même ciller face au contact, comme si son corps tout entier était dédié à ça : le touché, l'affection, l'amour et la quête perpétuelle d'un monde à affronter à deux, trois, vingt, mille. Elle ne se sent bien que lorsqu'elle est en contact avec quelqu'un, Sasha, c'est son langage d'amour, le touché. ça la complète, l'apaise, la maintient en elle-même comme un ballon d'hélium retenu par la main d'un enfant. Birdie, c'est l'enfant. L'enfant qui a besoin de son ballon pour voir le monde en couleurs, pour se rappeler que parfois, les choses sont belles et douces et drôles. Que parfois, c'est aussi simple que ça. C'est ce que lui glisse la présence des autres, à Sasha. T'as pas besoin de tout recréer à ta manière, pas besoin de t'enfermer dans toi-même pour y être en sécurité, pas besoin de palier à la douleur du monde par l'inexistence d'un autre, plus beau et encore plus vide. C'est ce qu'elle trouve dans l'amour d'Elvis, dans la souffrance masquée de Bets, dans la douceur de Riven, les bêtises de Nels, la sensibilité de Daisy, la colère de Mathis, la solitude de @Bird. Une raison de s'accrocher. De s'accrocher à ses doigts comme à une bouée face à l'immensité bouleversante du ciel, une dernière fois. « On disparait pas » elle souffle doucement. C'est drôle, parce que c'est l'intime conviction qu'elle a, Sasha, ce qui la fait aligner les pas les uns après les autres avec une sérénité qu'elle n'était pas certaine de retrouver. C'est ce qui la retient comme un garde-fou et, en même temps, l'élance comme un élastique à ses chevilles. Elle a pas peur. Parce qu'ils sont là. Toujours. Personne pourra jamais comprendre si ce n'est eux. « On vit toujours en même temps, on est toujours vivants dans la même réalité, on sera plus jamais des inconnus maintenant, on sera toujours importants les uns pour les autres. » Sasha, elle a toujours été foncièrement guidée par cette phrase : on n'oublie jamais les gens qu'on a rencontrés, on a seulement du mal à s'en souvenir. Rien ni personne ne quitte jamais son esprit et encore moins son coeur. Les gens qui ont compté, compteront toujours. Même après, dix ou cinquante ans. Elle les aimera toujours comme aujourd'hui. « On est liés pour toujours » elle sourit en posant sa tempe contre la sienne. Elle y croit, Sasha, à ça. Elle sait qu'elle aura toujours une place particulière dans son cœur pour eux, même ceux qu'elle connait moins ou presque pas, même ceux qu'elle a moins compris ou moins apprécié. « Et quand tu te sentiras seule, tu viendras à Paris » elle dit avec un sourire en la couvant du regard. Elle l'accueillera toujours comme au premier jour, Sasha, avec son importance plus que modeste dans les liens forts qu'a tissé Birdie au sein du block. Elle lui ouvrira toujours les portes de son monde, l'emmènera danser ou regarder les étoiles. Sur un appel de n'importe lequel d'entre eux, elle prendra l'avion dans l'heure. Ses yeux s'ouvrent en grand et aussitôt, son imagination prend le relais à peindre Bird tout autour du globe, son regard fier, ses gestes gracieux, le monde à ses pieds. Elle est à deux doigts de chialer les onze mots et le sourire de Bird, les lèvres serrées sur un sanglot de joie qui meurt dans sa gorge. « Raconte-moi. » elle demande en serrant ses doigts. Raconte-moi toutes ces places et tout ce que tu danseras.