Tu dors pas ce soir non plus. C'est pas faute d'avoir tenté le coup à te retourner dans tous les sens dans le lit que tu partages avec Lily-Blue. En tout que nouvelles recrues la répartition s'est imposée comme une évidence histoire de pas trop chambouler leurs petites habitudes. T'as décidé de rester sage pour l'instant chez les rouges, tu testes les eaux, t'observes en bruit plutôt qu'en silence mais on te changera pas, Major. Même dans tes moments les plus calmes t'es pas fan des murailles, toi t'es une boule de démolition. T'es la marre et la pavés qui s'y lancent. Tu te retrouves un peu au hasard dans la salle de répétition. Tu t'y promènes, les mains dans les poches de ton bas de pyjama. On peut y lire "HELLO don't touch my KITTY". T'as pas de "kitty" hein, mais c'est mims donc tu t'en tapes. Tes doigts viennent caresser les touches d'un synthé et ça te rappelle l'époque où t'as voulu te prendre pour Beethoven, mais t'as vite découvert que t'es plus le toutou que le maestro. Un bruit te sort de ta torpeur et tu lèves la tête pour trouver un @Arjan en pleine séance de Joe Goldberging. T'avais l'air de dormir quand j'me suis échappé de la chambre. Tu réponds simplement. Ouais tu l'as Joe Goldbergé aussi. C'est ton petit territoire ici je suppose. C'est pas une question, tu te rappelles de votre conversation de la semaine dernière. Trop bien même. Bon tu me joues un truc que je puisse me moquer ? Oui oui quand tu veux t'es doué pour éviter de parler.

— @Major

“Je dormais, mais j’ai entendu la porte” confirmais-tu tranquillement, même si concrètement, tu ne savais pas toi-même ce que tu faisais-là à le suivre. C’était sans doute pas une bonne idée, mais s’il demandait, t’aurais qu’à prétendre vérifier qu’ils n’y ait pas de réunion clandestine d’ex-violets. En vrai, ce serait légitime, mais tu avais l’impression que son ancienne équipe s’était dissoute quasi sans bruit. Entrant plus franchement dans la pièce, t’en fis le tour de la pièce avant de secouer le menton. “Pas vraiment, non” tu travaillais assez peu avec de vrais instruments et ce n’était pas en y zonant que subitement, tu saurais jouer à la guitare, la flûte ou le piano. “Ben j’suis pas sûr de quel registre j’suis supposé prendre avec toi” dis-tu d’un petit tic nerveux, allant t’adosser contre le mur. La vérité c’est que ça t’emmerdait profondément cette distance installée entre vous. Qu’importe ce que vous aviez pu vous dire précédemment, tu t’y étais attaché et tu sentais que lui par contre, il venait de sauter un sacré fossé pour rester loin. Le pire, c’est que tu n’étais pas sûr de pouvoir réparer quoique ce soit. “Si tu veux je te laisse tranquille, mais je voulais juste te dire, ce que t’as dit dans la rubrique de Shadi, ça m’a touché. J’sais pas si t’étais sérieux ou quoi, mais…” ouais, maintenant tu n’en regrettais que davantage ce froid. Tu te décollais du mur pour t’en éloigner, pas décidé à l'oppresser davantage.

Et tu t'es dit que ce serait une merveilleuse idée de me suivre ? Creepy un peu. T'as un gros sourire sur la tronche surtout parce que t'as décidé d'interprété ça de manière très positive. Dis-moi si je dois m'y habituer parce que je me balade très souvent la nuit hein. S'il s'inquiète à chaque fois il est pas rendu. Apparemment la pièce lui est plutôt étrangère, à l'observer on pourrait même croire que c'est la première fois qu'il voit ce genre d'instruments en vrai. Ah ouais c'est tout vocal et digital, c'est ça ? Tu te rappelles. Sa réplique suivante a comme un goût de non-dit, clairement le genre sous-entendu à un nom mais tu ne saurais le dire. Tout ce qui m'intéresse moi c'est l'authenticité. C'est son registre que t'as envie d'entendre, pas celui qu'il pense que tu veux entendre. Il est adossé contre un mur à l'opposé. La distance physique en parfaite symétrie avec celle qui s'est instaurée entre vous. La distance continue de se creuser et le silence, lui, il vous enterre. Il finit par parler et toi aussi t'es touché bordel. Tu fais chier Arjan. T'avais pas besoin de le savoir. T'étais bien dans ton bail de prise de distance, fallait qu'il vienne te lancer une corde. Tu le stoppes avant qu'il ne s'échappe à son tour. T'es venu le retenir par le bras. T'as envie de lui en coller une, limite. Y'a des baffes qui se perdent, à ton égard aussi parce que te saoule de voir ton corps réagir à l'encontre de ta tête. Tu prétends que le cerveau dirige pas le corps, t'en fais qu'à ta tête. Tu sais pas quoi dire alors tu le retiens juste par le bras. Y'a des déclarations qui se perdent. Et puis merde. Tu le tires vers toi. De ta bouche tu lui fais payer le prix de ton cœur qui bat.

— @Major

“Effectivement dit comme ça, c’est un peu chelou” admis-tu en dodelinant de la tête. La vérité, c’est que tu ne savais même pas pourquoi tu l’avais suivi. Il y avait juste ce poids qui planait au-dessus de ta tête depuis la semaine dernière et peut-être que dans ton optimisme, tu espérais pouvoir t’en libérer. Tu supportais mal les tensions et plus encore lorsque tu appréciais vraiment la personne en question. A sa question, tu tentais un sourire en coin, levant les deux paumes en l’air l’air de dire “Ça dépend pas de moi”, mais tu ne t’engageais pas davantage sur le terrain.
L’évocation des instruments te semblait un chemin bien plus safe et tu hochais du menton à l’évocation de ta spécificité. “C’est ça, ce que je peux pas faire moi-même, je l’arrange autrement” expliquais-tu sans entrer dans les détails, peut-être que tu lui montrerais à l’occasion, mais là tout de suite tu n’étais pas tout à fait d’humeur à lui expliquer en détail ton truc, même s’il te demandait de montrer. Tu le pouvais sentir d’ici le poids dans ta poitrine, il n’y avait aucune chance pour que tu puisses produire quoique ce soit tant que tu avais cette sensation de manquer d’air.
Et enfin, un mot sincère sortit de ses lèvres. Il voulait de l’authentique. C’était donc ça le problème ? Il pensait que tu te jouais de lui ? Non. Tu ne le menais pas en bateau, par contre tu lui avais pris la main, un peu timidement et maintenant, tu l’entraînais avec toi dans tes doutes et tes incertitudes. Tu voulais bien le croire, s’il pensait que tu te foutais de sa gueule, ton cœur passait sa vie à se moquer de toi, à te balancer des chocs d’adrénaline sans crier gare. “A quel moment tu crois que je ne l’ai pas été avec toi ?” finis-tu par demander, essayant de comprendre à quel moment, il avait pensé que tu n’étais pas sérieux. Tu étais perdu dans ce que tu voulais, aucun doute là dessus, mais l’intérêt que tu lui portais n’avait rien de feint. Il t’avait toujours intrigué, mais cet attrait allait au-delà du jeu de dupes que vous meniez tous ici.
Prêt à abandonner la partie pour ce soir, tu finis par lui dire ce que tu ressentais. Tu y avais pensé depuis le prime et tant pis s’il était déjà passé à autre chose. Tant pis s’il s’était lassé. Les mots laissés à ton égard ne resteraient pas orphelins !
Tournant des talons, tu allais t’éloigner quand la pression de sa main sur ton bras te coupa dans ton mouvement. Surpris, tu te retournais pour plonger ton regard sombre dans le sien. Il faisait trop sombre ici pour y distinguer les jolies nuances noisettes de ses yeux, mais pas assez pour que tu ne t’y perdes pas. Il aura fallu que deux secondes d'inattention pour que les pôles s’inversent. Ses lèvres sur les tiennes, la stupéfaction te cloua sur place. Surprise presque aussitôt balayée par le tambour assourdissant dans ta poitrine. Tu ne l’avais peut-être pas vu venir, mais tu pouvais le poursuivre, ce baiser. C’était peut-être ça votre registre, finalement. Ta main libre venue se poser sur sa paume, tu finis par loger ton visage dans son cou. “Dans quoi est-ce que tu t’embarques…” soufflais-tu doucement. Il le savait, tu étais tortueux, mais égoïstement, tu n’avais pas envie de le voir se reculer. Se protéger.