Est-ce moi ou le temps passe-t-il extrêmement vite depuis samedi ? Je n’ai pas trouvé une seule minute pour m’arrêter un moment et contempler le chemin parcouru ces derniers jours. Il me manque cette étape nécessaire de digestion qui permet de prendre conscience des événements, de la situation et des nombreuses ramifications qui accompagnent mon intégration tardive. Je ne me sens pas ici comme un poisson dans l’eau, est-il vraiment possible de faire preuve d’une aisance naturelle dans un tel milieu, cela étant dit ? Certains semblent vivre leur meilleure vie, ce doit donc être possible. À l’exubérance, ou hystérie générale, je préfère le réconfort des embruns que je sens se heurter à mon épiderme. Il y a quelque chose d’extrêmement apaisant à profiter de l’air marin, du sable chaud qui s’égraine sous les pieds. La solitude attendra encore un peu – il va falloir s’y habituer. « Bonne réponse ! » Je confirme, nettement plus mauvais élève que ma camarade. « J’étais plutôt premier de la classe jusqu’à présent ; mais je n’ai pas fait mes devoirs… Que fais-tu dans la vie ? » Un putain de cancre, ouais ! Sa curiosité est plaisante, parce qu’elle sort un peu de l’ordinaire et démontre un intérêt que j’apprécie. Mes muscles semblent plus naturellement se détendre, à présent. « Soin en chambres, mais je transitionnerais d’ici quelques années. » J’ai du mal à tenir en place, ce changement sera nécessaire, en plus de très fortement m’intéresser. Elle se présente et je me promets de ne pas oublier ce joli prénom. « Enchanté Bahini et, merci ! » J’accepte son offre et attrape un petit morceau de melon que je porte immédiatement à mes lèvres après m’être installé à côté d’elle, une fois ma serviette déposée à même le sable. « Plutôt sirène ou steak haché ? »

Je doute fort d’être en mesure de justifier avec aplomb la méconnaissance qui me gagne dès lors qu’on parle de mes camarades. Je ne connais rien d’eux, à l’exception de quelques prénoms que j’ai retenu sur l’accueil qui m’a été réservé au salon. Ils ont eu tout le loisir de retenir les informations communiquées lors de la diffusion de mon portrait, ce n’est pas mon cas. Nous n’avons pas eu droit à beaucoup d’images lorsque nous avons intégré l’espèce de studio où j’ai été enfermé les deux jours qui ont précédé ma sélection grâce aux téléspectateurs pour la partie « principale » de l’aventure. J’ai loupé l’étape chronophage mais ô combien intéressante des portraits qui se multiplient le soir de lancement, je pars donc littéralement de zéro même si @Boaz m’a déjà pas mal aiguillé sur les uns et les autres même si je prends son récap avec des pincettes. J’ai pris note de ce que j’estimais utile à considérer, laissé de côté ce qui ne m’intéressait pas et ouvert grand la porte aux découvertes et surprises qui m’attendent à présent. Ne jamais juger un livre à sa couverture ou aux impressions des autres, règle d’or. « Une tête. Très curieux de manière générale, ce qui facilitait beaucoup mon accès à l’apprentissage… Je ne vivais pas mes devoirs comme une punition ou comme du travail, c’était presque un plaisir pour moi… Mes camarades devaient me trouver insupportable. » Je l’étais surement un peu, avec mes allures d’intello. « T’étais quel genre d’élève, toi ? » Elle est serveuse actuellement, ce que j’accueille d’un petit hochement de tête lumineux. Aucun sous métier, les études ne sont en rien révélatrices de l’importance d’une profession, loin de là. « Les gens sont-ils aussi odieux que je l’imagine avec les serveurs ? » Une attitude déplorable qui se généralise à toutes les situations malheureusement. Le monde entier se laisse-t-il gagner par l’aigreur ? « En chirurgie pédiatrique, je veux rester près des enfants. » Surprenant, d’ailleurs, de constater à quel point je les aime sans pour autant désirer concevoir un bébé de mon côté. Un fin sourire étire plus en profondeur mes lèvres, sa remarque est d’une jolie pertinence que je qualifierais même d’intelligence. Elle gagne des points à toute vitesse, même s’il ne s’agit pas d’une compétition, d’une course ou d’une évaluation. Elle ne me doit rien, mais rend très appréciable les instants qui se jouent actuellement. [clolor=#2B7087]« Lorsque j’ai perdu mon premier petit patient, Lucas, des suites d’un cancer contre lequel il s’est battu jusque dans les derniers instants, j’ai pris contact avec une psychologue que je consulte très régulièrement depuis pour évacuer… Je fais énormément de sport… Je peux compter sur mes amis et mes collègues, notre équipe est extrêmement soudée, ça aide beaucoup dans les moments les plus… Difficiles ! »[/color] Il y en a malheureusement plus qu’on ne pourrait le croire. Plutôt sirène ou steak-haché, et la confusion qui accompagne des propos que j’aurais pu formuler de manière plus explicite afin de faciliter sa compréhension de tout cela. Quel imbécile je fais parfois ! « Excuse-moi, plutôt bronzage intensif ou baignade pendant des heures ? » Je recueille ses interrogations en toute tranquillité, pas surpris par ses hypothèses. Pertinente, une fois de plus. Vraiment très appréciable. « J’ai intégré l’aventure en même temps que vous en réalité… Nous étions quatre en attente, si on peut dire cela ainsi… Nous sommes restés les deux premiers jours dans un studio, dans un confort moindre par rapport à vous. Le public a eu la lourde tâche de nous départager, le candidat le plus sollicité pouvait intégrer le block et les autres étaient définitivement éliminés de l’aventure… Les seuls, finalement… Mon arrivée a plutôt bien coïncidé avec ce départ, cela dit. » Un court silence, le temps d’observer cette vaste étendue d’eau. « De quoi rêves-tu ? Qu’est-ce qui t’anime, quand tu te couches le soir ou que tu te lèves le matin ? »