@Bahini et elle se sont enchaînées des parties de cartes à gogo, une bonne partie de la soirée. Histoire de passer le temps jusqu'au coucher mais ça a eu l'effet inverse. Au lieu de les endormir, ça les a maintenu en éveil plus que de mesure. Elles se sont faufilées hors de la chambre en toute discrétion en direction de la cuisine. Ouais, à cette heure-ci, elles ont la dalle. Pour ne pas encore plus aggraver leur cas, Pessa opte pour un encas allégé, qui ne leur restera pas sur l'estomac. Bonjour la digestion, après. Pendant que la brune s'installe près du plan de travail, la martiniquaise  rassemble tous les ustensiles et ingrédients qu'il lui faut, c'est-à-dire pas grand chose. Elle sort la pièce maîtresse du frigo, une grosse pastèque. On peut lire dans son regard l'excitation qui point en elle. Elle sort le couteau le plus aiguisé de l'arsenal et entreprend la dissection. Au menu : salade de pastèque, tomates, oignons rouges, saupoudrée de fetas. — Dis pas à @Franz que je sais cuisiner, sinon il ne me fera plus à bouffer. Ouais, elle lui a plus ou moins mytho en disant qu'elle savait à peine cuire un oeuf. Elle est loin d'atteindre son niveau d'excellence mais elle se démerde plutôt bien, en vrai. Rien de bien gastronomique, mais c'est toujours fait avec le coeur. Cuisiner, c'est témoigner une forme d'affection à autrui. Enfin, pour Pessa. — Bahini, ça vient d'où ? Ouais, ça l'intrigue depuis un bail. Un premier quart de découpé. Elle s'attèle activement à la tâche tout en ne perdant pas de vue la belle.

Elle est à deux doigts de fondre réellement lorsque Pessa commence à sortir des ingrédients du frigo, inquiète quant à sa réaction à la simple action. Elle a vaguement conscience que ça va un peu plus loin que de l'avoir la nourrir mais désire pas les analyser en l'état. — Motus et bouche cousue. Apparemment la nourriture et Franz réunis déclenchaient beaucoup de secrets mais tant qu'on continuait à bien vouloir l'aider elle serait aussi muette qu'une tombe. — Je te proposerais bien de l'aide mais je suis capable de perdre un doigt. Surtout au vu de la taille insensée du couteau qu'elle manie avec grâce et expérience. — Et tu as fais comment exactement pour qu'il te fasse à manger? Elle demande, l'air nonchalant vaguement curieux, mains posées sur le comptoir, l'innocence même. Elle réalise assez rapidement qu'elle la fixe avec un peu trop d'insistance et tourne la tête, légèrement gênée. — Oh, mais j'ai fait du karkade cet après midi, ça ira très bien avec. Chaise de bar délaissée, elle part à la recherche de deux grands verres qu'elle dépose près de l'évier et se bat quelques instants avec le contenu du congélateur pour récupérer les glaçons. Elle ferme le tout d'un coup de hanche pour faire couler l'eau, attendant sagement la chaude. — D'Egypte. J'y ai grandi. Elle précise, vrai bien que grandement incomplet. — Et Pessa? C'est pour la fête? Elle ne saurait dire laquelle c'est mais elle est à peu près certaine que c'est une fête juive. Le bac passé sous l'eau brulante, elle sort quelques glaçons facilement qu'elle empile dans les verres, et échange le bac pour le pichet dans la porte du réfrigérateur. Verres pleins et le tout rangé à sa place, elle en pose un près de la station de la belle Pessa et reprend sa place. Elle se pince légèrement pour sa remarque intérieur sur la beauté de Pessa. Et sa grâce, et ses habilités de cuisinière et reprend le fil de la conversation. — Comment est ce que tu as grandi? Ca va surement se retourner contre elle à un moment donné mais sa curiosité est trop grande.

Pessa pourrait cuisiner pour une légion, si elle s'écoutait mais elle s'est mise en tête d'impressionner une seule convive, ce soir et pas n'importe qui. Bien qu'elle adore cuisiner, c'est une attention qu'elle réserve aux happy few. Ce qu'elle préfère, c'est qu'on la gâte, la bichonne et ça passe essentiellement par la nourriture. Que Franz lui fasse à manger (et gratis), la met dans un état proche de l'extase. Ouais, rien que ça. Donc, c'est scellé entre elles. Elles n'en parleront pas au principal concerné. @Bahini botte en touche lorsqu'il s'agit de découpe. — T'as jamais voulu apprendre ? Avec lea bon.ne tuteur.rice, ça pourrait le faire.  Comment elle s'y est prise avec Franz ? C'est un grand mystère tout ça. — Rien de spécial ... Mon charme y joue peut-être. Un rire léger s'échappe de sa bouche. Maintenant qu'elle y pense, il y a quelque chose qui ne colle pas dans cette affaire mais elle n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Hmm, à méditer. Alors qu'elle taille en gros dés la chair de pastèque, son regard s'égare dans les éphélides de la brune cheminant vers ses yeux olives. Des yeux qui appellent à la tentation, provoquant en elle un léger frisson qu'elle choisit d'ignorer. — Il m'aime bien, I guess ?, qu'elle rajoute, en haussant des épaules pour s'en convaincre. Peut-être que c'est trop tôt pour l'affirmer de sûr mais elle s'estime assez proche de lui pour avancer ça, sans trop se mouiller. Ils partagent plus qu'un lit, ils partagent une intimité. C'est au tour de l'égyptienne de s'activer. Une boisson serait en préparation. — Du karkadé ? Un breuvage aux sonorités d'ailleurs, comme le prénom de la belle. — Egypte, waaaa ! Elle en a les yeux qui pétillent d'admiration. Elle rêverait d'y aller, un jour. Et le sien de prénom ? — Non, mais on me le dit souvent. C'est la version abrégée de Marpessa. Comme l'actrice. Une des préférées de la mère. Pessa verse les cubes de pastèque dans le saladier, passe ensuite à l'oignon rouge. Un verre lui est servi. Elle la remercie d'un sourire, puis se replonge dans la découpe. — J'ai grandi en Martinique, au fin fond de la pampa, avec mes parents et mes deux soeurs. J'suis la petite dernière. Le bébé de la famille. J'dirai que j'ai été ultra couvée, certains diront gâtée, à raison. Comme mes soeurs étaient parties de la maison, j'étais tout le temps fourrée dans les pattes de papa et maman, des tantines et tontons du coin. Je passais la plupart du temps avec les adultes, à écouter des trucs trop matures pour mon âge. La martiniquaise expose sans filtre un cadre familial quasi idyllique. Pas de passé traumatique en vue. Elle a eu la chance d'avoir grandi dans une famille aimante et ce n'est pas donné à tous. — Et toi ? Avec une curiosité recherchée, elle s'accoude au comptoir, à l'écoute, le dos de sa main effleurant la surface glacée de son karkade.

— Je n'ai jamais eu besoin. Et l'envie ne s'était jamais manifestée d'apprendre à cuisiner. Pourquoi apprendre quand quelqu'un peut le faire à sa place au final? Et si elle aime manger elle n'a jamais été passionnée par la nourriture non plus, plus de quoi nourrir son corps pendant très longtemps, voir même une corvée certains jours de devoir l'entretenir. Elle y songe vaguement, d'apprendre mais ça reste une possibilité très abstraite avec un niveau de volonté proche de zéro. L'absence de restaurants de qualité et d'uber était simplement difficile à gérer ici. Mais c'était sans compter Pessa et Franz. — Ceci dit c'est un grand secret à garder. Ca mériterait une récompense je pense. Hebdomadaire. Oh oui, elle allait pousser le vice aussi loin. C'est différent du deal avec Franz dans le sens où elle est seulement à 65% sérieuse, le sourire un peu trop moqueur. Elles avaient des armes différentes pour les mêmes buts culinaires quand il était question de l'allemand. — Oui, j'imagine que ça fonctionne parfaitement bien. Le ton beaucoup plus sérieux, le charme de la belle incapable d'être manqué. Il avait touché la moitié des candidats, si ce n'était tous malgré des caractères tous bien différents. — Tout le monde t'aime bien. Quasi instantanément, c'est assez difficile de ne pas succomber. Elle dévie finalement le regard, l'envie furieuse de se racler la gorge comme pour effacer les quelques secondes que son inconscient a créé, la chaleur impossible à oublier. Bouger aide, une distraction, elle n'a pas douze ans avec son premier crush, incapable de fonctionner correctement. — Une tisane d'hibiscus séchés. Plutôt standard comme boisson. Il a assez de vertu pour passer comme magique pour certains. Un remède pour soigner tous les maux comme pouvait le dire sa grand-mère, la potion magique. Elle sait que ce n'est pas le cas aujourd'hui mais elle ne peut en boire sans penser à elle. Marpessa du coup, d'autant plus original. — Plus intéressant que Mari. Beaucoup trop classique et qui collait bien moins à l'assurance qu'elle dégageait. Le progrès de leur snack nocturne progresse pendant qu'elle s'assoit de nouveau, pas particulièrement gênée de n'être que simple spectatrice. D'autant plus que ça s'accompagne d'un gros plan sur l'enfance de @Pessa qu'elle écoute avec attention, lèvres qu'esquissent un sourire aux moments opportuns sans devoir le forcer. — C'est comment la Martinique? Elle n'a qu'une très très vague idée de ce que ça peut donner en réalité, la géo fragile. — C'est parce que tu as grandi avec de bons exemples que tu t'es lancée dans l'expertise de l'amour? Expert de l'amour et la légère condescendance a ce sujet est parfaitement dissimulée prête à ne jamais voir le grand jour. Le reflexe est quasi parfait dans sa récurrence, implacable, l'expert qu'on a envie de caler de guillemets de lapins du bout des doigts. — Quand est-ce que tu as déménagé? Le sujet un peu moins controversé dans son propre esprit, les ongles qui tambourinent contre le verre posé devant elle. — Hm. Le revers est toujours moins intéressant mais elle relève les yeux pour les poser sur Pessa, la volonté de lui mentir imperceptible. — Au Caire, j'ai grandi au Caire, avec surement beaucoup trop de monde aussi. Les frères et sœurs, les cousins, les oncles et tantes sans même compter la famille informelle, celle du cœur. Juste un amas de personnes qui s'activent autour avec un avis très déterminé sur ce à quoi devrait ressembler sa vie. — J'étais très bonne à l'école et tout le monde était très fier. C'était très carré, très sage et lisse, je voulais juste arriver au bout la première. Et ça avait été le cas, la scolarité absolument parfaite, pas un seul obstacle à sa réussite. C'était empli d'amour, de rire et de révisions. La nostalgie s'efface laissant derrière elle une douleur aigue dans le myocarde qu'elle se refuse de reconnaitre. — Vraiment rien de très intéressant, j'étais la première de la classe un peu trop élitiste pour son bien. Elle utilise le passé mais ça n'a pas beaucoup changé en fin de compte. — C'est chez toi, ton petit bout de pampa en Martinique où tu as posé tes valises ailleurs, le cœur qui hésite? Le ton beaucoup moins brouillard qu'avant, la concentration qui revient sur le présent. Elle se dresse sur sa chaise de bar pour tendre un bras et piquer un morceau de pastèque dans le saladier, sourire espiègle aux lèvres en se rasseyant.