this world of ours - Mirela (Dim 09/07 22H)

Les dernières boules de couleur rejoignent le triangle disposé sur la moquette verte du billard. Je ne suis pas certain de ce que je m’apprête à faire ici, loin d’être un pilier de bar, habitué à gagner ou me délester de quelques dollars au détour d’une partie de ce jeu à l’américaine. Je ne suis pas un gros consommateur de bière non plus, à vrai dire, j’ai toujours préféré le vin à toutes ces boissons qui pétillent et te font gonfler le ventre. Le champagne, bien que réputé plus raffiné, ne passe pas non plus la barre de mes lèvres. Fine bouche, surement. Je sens depuis quelques dizaines de secondes, peut-être même une bonne minute, un regard dirigé sur moi. Le parfum, délicieuse senteur qui embaume les lieux, m’apporte un indice potentiel sur l’identité de la personne, je me contente de cela pour l’instant. « Tu veux te joindre à moi ? » Je l’interroge, de dos, sans chercher à créer un contact direct. Je m’attèle plutôt à récupérer deux queues. « Si tu mets de bons coups de queue, je t’en dirais peut-être plus à mon sujet. »

@Mirela

Mirela est d’une nature très sociable. Il n’est donc pas étonnant de la retrouver en compagnie de plusieurs personnes toute la journée et ce sans se lasser. Ce qu’elle aime avant tout c’est partager des moments de groupes. C’est avec cette idée en tête qu’elle prend la direction du coin billard, se disant qu’elle trouvera certainement quelques personnes avec qui partager une partie. En arrivant dans le couloir qui mène à cette pièce elle sait qu’elle ne s’est pas trompée. Elle entend déjà le bruit des boules de billards qui roule sur le feutre. Bon elle ne pensait pas tomber sur une unique personne, mais faut croire qu’il ne manquait plus qu’elle pour que la partie commence. Son regard de biche se pose sur @Sima, le petit nouveau qui remplace quelqu’un que Mirela n’a jamais vu. « Oui. Ok. » Elle a quelques difficultés à comprendre sa seconde phrase, mais finit par comprendre le sens général : si elle est douée il parlera. Ce qui est certain c’est qu’elle n’a pas du tout noté le double sens tendancieux de ce qu’il vient de lui dire. Ah ça non. Pas sûr qu’elle l’aurait remarqué même en étant couronné reine de l’anglais. Elle tourne autour de la table pour se retrouver face à lui, elle préfère les contacts visuels directes. Mirela est de ce genre de personne qui vous regarde toujours droit dans les yeux quand elle vous parle. « Tu vouloir faire parie ? » Elle propose de son anglais maladroit. « Perdant raconter son histoire…. en chanson. » Clin d’œil, alors qu’elle récupère une des queues de billard prête à gagner et si elle doit chanter son histoire elle le fera avec enthousiasme.

Je compte sur les deux ou trois nuits à venir pour reprendre un rythme digne de celui de mes camarades d’aventure. Difficile d’oublier des mois et des mois de service de nuit à l’hôpital. L’organisme est aussi long à se défaire de ses petites habitudes qu’à les intégrer en premier lieu. Il n’y a pas de secret pour renverser la vapeur, créer un déficit de sommeil jusqu’à ce que la fatigue prenne le dessus sur l’horloge biologique. Je devrais peut-être m’excuser par avance pour les éventuelles réactions irritables qui en découleront ? Je suis à mille lieues de cela pour le moment, concentré sur mon triangle que je comble d’une variété de boules aux couleurs et chiffres différents. Association satisfaisante pour une partie qui gagne en intérêt lorsque Mirela, la candidate venue de Roumanie, décide de se joindre à moi. « Oui ! » Un adverbe, simple, efficace… Tout l’opposé de ce qu’elle propose. J’accueille les termes avec un sourcil arqué, intrigué. « Tu veux qu’on chante, c’est ça ? » Je répète, comme pour m’assurer avoir bien intégré sa proposition. « Je ne fais cela que dans la voiture, sous la douche ou derrière les fourneaux habituellement. » Des espaces plus ou moins confinés, avec une intimité certaine. Tout le contraire de cet endroit. Elle s’empare d’une queue et je lui fais signe de commencer. « Je t’en prie ! »

@Mirela

Jusqu’ici elle n’a pas trop de mal à se faire comprendre. Y en a bien deux trois qui sont moins alertes face aux phrases mal tournées de Mirela, mais en général ça passe bien. Le nouveau, lui semble faire parti de ceux qui ont du mal avec ses constructions de phrase. Elle lâche un petit soupir, suivi d’un grand sourire. Un peu frustré, parce qu’elle était sur une bonne lancée. « Oui, si toi perdre chanter. » Elle reprend, maximisant les efforts pour se faire comprendre. « Mais toi chanter ta vie. » C’est peut-être plus clair ? « Pas chanter Taylor Swift. » Elle complète se disant que ça allait appuyer le fait qu’elle demande pas un karaoké ou un spectacle. C’est un gage son histoire. Apparemment c’est un habitué de la chanson pendant les tâches ménagère, il devrait pouvoir se lancer dans un solo sans problème ! « Bien, si vouloir spectacle demander à Sherrie. » Là c’est pas le but. Elle lui fait un petit clin d’oeil, puis se penche position pro de la queue de billard. Bon en réalité elle est plus douée pour lever les pintes de bières pendant que ses potes joue au billard, mais ça va elle a du jeu. Elle casse pas trop mal, parce qu’elle arrive à faire sortir une première bille. C’est la chance ou le faite que pour une fois elle est sobre, au choix. « Yeah. » Elle annonce, déjà heureuse de son parcours. « Toi avoir gros égo pas content perdre ou ça va ? » Elle demande toujours avec ce même sourire à la Mirela. Toujours son tour de jouer, elle tente mais manque. Au tour de @Sima. « Moi pas comprendre les Simba quand arriver ? » Bon là sa phrase est vraiment nulle, mais elle arrive pas à faire mieux, il comprendra non ?

Je me sens stupide, c’est le moins que l’on puisse dire, lorsqu’elle extériorise sa frustration par le biais d’un soupir qui en dit long sur mon incapacité à cerner la plus évidente des tentatives de construction dans un anglais intermédiaire. Je grimace, sincèrement désolé, mais me rassure d’avoir finalement tout bien compris puisqu’il s’agit bien d’une histoire de chant. Celui qui perd doit pousser la chansonnette en prenant soin de fournir quelques éléments à son sujet. Pas forcément le truc le plus simple du monde pour moi. J’aime m’égosiller dans la voiture comme s’il s’agissait d’une scène et qu’une trentaine de milliers de gens scandaient mon nom, ne parlons même pas de l’état dans lequel je peux me mettre sous la douche avec les bonnes chansons diffusées au bon moment depuis ma playlist aléatoire mais là… Devant quelqu’un, dans un contexte très sérieux… « Je ne promets rien, je ne crois pas avoir le sens du rythme, mais… D’accord ! » Je ferais l’effort d’essayer, pour lui faire plaisir et parce que je déteste reculer devant une besace sous-prétexte qu’il est impossible de réaliser ce qui est attendu de moi. En se donnant les moyens, on soulève des montagnes. Une mention ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd, bien au contraire. « @Sherrie est une show girl ? » La découverte semble anecdotique, elle l’est, mais elle ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd malgré tout. Elle attaque et, que dire, si ce n’est qu’elle mène sa barque, ou devrais-je dire, sa queue. Je l’observe, ravi de trouver une adversaire solide. « Tu n’as aucun souci à te faire. Je suis très bon joueur ! Humble dans la victoire et bourré d’autodérision dans la défaite ! » Je ne supporte juste pas les gagnants qui se font mousser comme s’ils venaient de gravir l’Everest. Elle ne m’a pas l’air d’être ce genre de personne. Première erreur, je prends la main et me cambre, concentré sur la boule que je vise. Un petit coup sec qui fait rouler plusieurs numéros jusqu’à ce que ma cible atteigne un orifice et me permette de tenter un doublé… Raté, je grimace, moqueur face à ma piètre performance. « Je t’ai fait rêver avec ce mouvement, avoue ! » Ridicule, un loupé complet à base de queue qui effleure tout juste la boule. Nul sur vingt ! Simba, le nom propre me sauve la mise parce que sa phrase… Ouais, je ne suis peut-être pas bon tout court, finalement. « Une référence à un dessin animé de Disney. Le Roi Lion, tu connais ? Le personnage principal, un lion, s’appelle Simba ! » Je marque une petite pause, prêt à dégainer le téléphone qui nous a été prêté pour chercher une photo en cas de besoin. « Ce qui est dommage, c’est que j’entends cette vanne depuis toujours. Je tuerais pour un peu d’originalité ! » Trouverais-je cela ici ? C'est mal barré ! « C'est comment, la Roumanie ? »

@Mirela

Elle est quelque peu frustrée que ce ne soit pas toujours aussi facile de se faire comprendre. C’est vrai que la majorité y arrive très bien, mais ça ne veut pas dire qu’elle fait suffisamment d’efforts finalement. A elle de s’adapter à la personne qu’elle a en face d’elle. Et peut-être que pour @Sima c’est plus compliqué de discerner son anglais derrière ses maladresses et son accent roumain ? Elle tente de le rassurer et lui disant qu’elle n’attend pas une performance artistique, c’est un gage bon enfant. Si elle veut du spectacle elle demandera à Sherrie ou tout autre candidat qui bosse dans le milieu de la musique. Il faut dire qu’ils ont le choix niveau starlette. « Oui, elle être connu aux Etats-Unis. » Du moins c’est comme ça qu’elle a compris les choses Mirel, si ça se trouve elle n’est pas si connue. En tout cas en Roumanie on ne la connait pas encore. « Elle être chanteuse et faire duo avec Smith. Lui aussi connu. Être un vieux dans boys band avant. » Et il y a aussi Julen, mais lui doit être connu qu’en Colombie ? Elle ne sait pas trop Mirel. Elle esquisse un sourire à sa réponse sur son égo de joueur. Elle peut donc tout donner ? Bah, en réalité même s’il était mauvais perdant elle aurait donné son max. Elle se débrouille bien au départ, mais le premier raté arrive et c’est au tour de Sima de lui en mettre plein la vue … ou pas. Elle ne peut maitriser le rire qui s’échappe de ses lèvres. « Toi pas aller beaucoup au bar ? » Elle demande se souvenant en même temps qu’il est infirmier et qu’il ne doit pas tellement avoir de temps pour une vie sociale comme Mirela les aime. Elle en profite également pour le questionner sur cette histoire de Simba, tout en prenant le temps d’analyser la table de billard pour son prochain coup. « Aahh, oui. Hakuna Matata. » Elle connait, elle n’avait juste pas fait le rapprochement entre Sima et Simba. Le genre de vanne dont il fait le tour visiblement. Elle se penche, décidé sur le coup qu’elle allait porter et vise parfaitement dans le trou souhaité. « Yay. » Elle réfléchit à sa question une seconde, s’installant pour un nouveau coup. « Hm, Roumanie grand. Être une terre de légendes. Être gens gentils. Beaucoup forêts, lacs. Roumanie être simple. » Elle décrit avec son peu de vocabulaire, sans parvenir à parler des vallées, des forêts luxuriantes, de la magie dans les balades et les couchers de soleil, de la bienveillance des gens que tu ne connais pas. La nourriture, les fêtes traditionnelles, les nuits à la belle étoile, la mer qui faut chercher pendant des kilomètres, la proximité d’autres pays incroyables. Elle n’est pas capable d’y mettre les mots qu’il faut. « Toi venir un jour. » Alors elle invite tout le monde à voir par eux-mêmes. Son coup est loupé, elle hausse les épaules. « Toi hm, être Californie ? »

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