@Pessa

elle n'est pas difficile à reconnaitre, la voix de pessa. douce, rassurante. toujours. mais quand même, il manque de lâcher son barda, en relevant le nez vers elle. aurait bien dû s'attendre à croiser quelqu'un, pourtant. heureusement, si le verre d'eau vacille, il ne finit pas par terre, ou pire, sur le sketchbook en-dessous. les pigments sont vite abandonnés sur un coin de table, une pile instable que sa palette, ses pinceaux, l'eau, et le papier. il peut bien les échanger un moment contre un peu de temps partagé, alors qu'il s'installe en face de la jeune femme. « oh, grave ! j'suis vraiment mauvais, par contre » pas faute d'essayer. il aime même bien le jeu, en vrai. il n'y peut rien, après tout, s'il a grandi entouré de gens avec un peu plus d'esprit logique que lui, plus capable d'appréhender la suite, les mouvements. mauvais. mais toujours prêt à s'y ré-essayer.  « mon père a un vieux jeu comme ca, c'est un truc de famille, j'crois. » et il l'a toujours vu y passer des heures, avec des invités, des clients. avec chava, surtout. et lui, plus que le jeu, il aime bien les jolies choses. les jolies gestes, les expressions attentives, et même l'objet. celui-là est vraiment joli, et il ne lui semble pas l'avoir vu, déjà, alors qu'il aide pessa à remettre les pièces en place.  « tu l'as trouvé ou ? il est grave beau. »

Le nez fourré sur le plateau, elle oublie tout, Pessa, pleinement investie dans le jeu. Y a quelque chose de thérapeutique là-dedans, comme de l'autohypnose, empêchant les pensées parasites. La présence du gentil @Clark non la ramène soudainement à la réalité et le temps reprend son court. L'invitation est lancée, elle attend qu'il s'installe. — Pas grave, on peut apprendre tout en s'amusant, non ? L'important ici, c'est l'interaction qui va se construire entre les joueurs. Face à un néophyte, elle ira mollo avec lui. Elle se fiche de gagner, Pessa. Ce qui lui importe, ce sont les conversations qui vont en découler. Honneur à son invité. — Rouge ou blanc ? Elle prend toujours la couleur la plus claire, par superstition, quand elle joue contre son père mais elle est prête à les lui laisser. Il fait mention de la beauté de l'échiquier. Les doigts de la martiniquaise viennent caresser le damier avec fierté. — Chez un antiquaire, en ville mais j'crois qu'il m'a arnaqué, le bougre. Il en a profité du fait que ça criait touriste sur sa figure pour enfler le prix. En vérité, c'est pas le plateau le plus extraordinaire mais elle aime à penser que ce plateau a une histoire fabuleuse et qu'il faut le préserver. — Tu dessines depuis longtemps ? En indiquant d'un signe de la tête, sa table d'artiste.

@Pessa

« j'crois qu'au point ou j'en suis, j'suis un peu hopeless, mais let's go ! » ce n'est pas qu'il ne connait pas les règles, au fond. il ne s'assoit pas face à elle avec l'espoir de devenir un quelconque grand joueur, ou d'apprendre de meilleurs coups. d'apprendre quoi que ce soit, à part peut-être un peu plus de ce qu'elle est. partager, simplement. « blanc ? si tu veux bien. » un coup d'avance, à haut niveau, commencer, il parait que ca peut aider. faire la différence. donner le ton de la partie. lui, en soi, il sait que ca le mènera pas bien loin. mais à la maison, on l'a toujours laissé commencer. récupérer les blancs, c'est devenu une habitude. même si c'était pour se faire laminer dix minutes plus tard, à coup de coups complexes dont il ne comprends ni les noms, ni les fondements, peu importe le nombre de parties qu'il pourra bien regarder. un pion, plus ou moins au milieu, qui s'avance de deux cases. rien de bien transcendant. il sera sûrement bientôt bouffé. en attendant, il repousse ses lunettes sur son nez, avant de le relever, pour mieux la regarder elle. « tu crois ? ca va, au pire, t'as pas mon accent, là c'aurait été encore pire. » il en rit. revoit les conseils avisés dans les guides touristiques, l'american special. il a beau essayer, souvent, de parler des bouts de langue des pays qu'il visite, au moins la base, c'est grillé très vite. il dépense peu, en soi, en vadrouille. pour mieux se laisser voguer, justement. « puis, bon. good for him, en vrai, avec l'argent de poche et tout, en soi... il a fait son compte, et t'as gagné un joli jeu. » peut-être pas une antiquité, ou un truc de valeur. mais quelque chose qui lui aura fait plaisir, et c'est bien le plus important. le bon côté des choses, sans rancune, sans rancœur. ca lui fera un souvenir, peut-être plusieurs, si elle le ressort, ici. et il lui faut une seconde pour suivre son geste. pour lui répondre, l'air toujours un peu perdu, un peu ailleurs dans la voix, mais le sourire aux lèvres. « toujours ? » il ne saurait vraiment s'imaginer avant les pinceaux, avant la peinture, avant les gribouillages, même gamin. la musique, il peut le dire, les années, chaque nouvel instrument sur une frise. pas le dessin. « ca m'a toujours aidé, j'crois, à appréhender le monde, de dessiner. et les gens. j'sais pas, ca me vient plus facilement que les mots. » une image en vaut bien mille, parait-il. et peut-être qu'il aurait dû apprendre à les appréhender, avec le temps, ces mots. mais le trait continue à lui venir d'abord. « j'pourrais jamais faire ce que tu fais, j'crois. les billets doux, la radio, j'trouve ca incr, vraiment. » bien loin du champ de ses capacités. et c'est dit avec une honnêteté crasse, avec de la lumière, au fond des yeux, loin derrière les verres de ses lunettes. s'il y a des regrets, ce qu'il a à lui offrir, au fond, ce n'est que de l'admiration. pour sa compassion, sûrement. ce calme qu'elle dégage. une maturité bien plus certaine que la sienne, aussi, définitivement bancale.