Mati, elle se la jouait mutique avec Ibra depuis leurs derniers échanges de sms, processant ce qu’ils avaient pu se dire. Ce qu’il avait pu lui dire. Sans savoir quoi répondre. Elle pianote quelques sms salés à Kit et Virgil en négociant son lit avant de chercher le seul vrai protagoniste de sa vie. Son regard se pose sur @Ibra le temps de quelques secondes pour amorcer une discussion qui traîne depuis trois semaines. Elle s’installe en tailleur sur le lit en face de lui, façon tornade en hésitation prête à dévaster les rares paisibles habitations qui se profilent devant elle. « On s'est promis de tout se dire, tu te souviens ? » elle lui rappelle. C’est ce qu’ils avaient convenu dans un trajet lamba de métro lorsqu’ils préparaient son départ, elle, assise sur ses genoux pour éviter que son nouveau 501 ne touche les sièges douteux du wagon. Distance et transparence. Mati, elle a une âpre vérité au bout de la langue qui ne demande qu’à sortir. « J’ai refais ma vie après toi » elle s’éclaircit. « J’ai retrouvé quelqu’un, on est resté neuf mois ensemble » la môme précise. « Je voulais pas t’en parler parce que je savais qu’à distance, ça serait incontrôlable et que ça pourrait devenir... définitif » elle ajoute de son doux soprano. Mati avait préféré cacher cet élément pour ne pas le blesser puis ils avaient arrêté de se parler au fil des mois. Ça a été plus facile. « Je peux pas te regarder droit dans les yeux et te maintenir que je t’ai attendu pendant deux ans sans rien faire » elle lui souffle. « Je pensais pas qu’on se reverrait ou alors vraiment dans cinq ans tu vois, quand on aurait essayé pleins de trucs avant de pouvoir se retrouver » Mati continue.

Son message était resté sans réponse. Il avait été décontenancé par la froideur des mots de @Matilda. Factuels, sans magie. Ibra il vit dans son monde où tout va bien, les gens ça a toujours gravité autour de lui sans qu’il ne se pose de question. Occupé à gribouiller des idées dans un carnet, son regard se lève sur Mati qui se pose face à lui. Il le connait ce regard, celui de celle qui a pris la décision de briser la glace, malgré sa très probable maladresse. Lui ne ne prend que rarement ce rôle, cloitré dans une détente constante, une attitude qui l’empêche trop souvent de connecter avec ses propres émotions. Il sent que ça lui tient à cœur, à Mati. Il sent aussi qu’il y a une raison à ça et qu’il risque de se prendre une rafale dans la gueule. « Je me souviens. » il valide calmement, attendant la suite. Il hausse les sourcils face à l’annonce dramatique digne d’un soap, seule réaction live qu’il lui offrira. Il avait fait l’autruche sur le sujet, ignorant la conclusion évidente de leur perte de contact. C’était inévitable, chacun ferait de nouvelles rencontres, éloignant l’autre de son quotidien. Lui n’avait pas trouvé de connexion chère à son cœur. Il s’était laissé aller à des fréquentations de quelques semaines qui ne trouvaient pas leur importance, parce qu’il était dans la même phase que celle pour laquelle tout s’était terminé : il pensait à lui. Ibra il avait atterrit dans une nouvelle ville, avec un nouveau job, le besoin de se reconstruire un cercle social. Concrètement, il n’avait pas eu de réel intérêt pour une relation. Il ne dit rien, le temps de procéder, toujours avec cet air décontracté, les prunelles qui ne lâchent pas l’océan des siennes. Il la laisse terminer, un long et lourd silence s’abattant dans la pièce. « On n’a jamais acté de s’attendre. » il rétablit la cruelle vérité, même si en pratique les choses étaient bien plus floues. « C’était déjà définitif pour toi. » il coupe sa bullshit, faisant référence à leur précédente conversation. Il comprenait mieux l’angle de ses réponses par texto. « C’est cool si tu te sens mieux. » il hausse doucement les épaules, en apparence penaud. « Si je calcule bien il te reste encore trois ans pour essayer plein de trucs. » il lâche, reprenant son carnet faisant mine de reprendre là où il en était.

Mati, elle lâche juste ses infos histoire qu'ils soient au même niveau lui et elle. Pas forcément à l'aise par message, la môme préfère provoquer une vraie discussion où personne ne pourra trouver d'échappatoire dans le silence et l'incompréhension. @Ibra, il lui fait une Ibra, zéro émotion et son attitude de mec chill que rien n'ébranle. Elle lève un sourcil, vaguement décontenancée sans être totalement surprise parce que ça lui ressemble. Bien trop. « C'est tout ? » elle relève sobrement en croisant son regard. Mati, elle a deux options, calmer le jeu ou faire n'importe quoi. « C'est tout ce que t'as à dire ? » elle répète consciencieusement pour en être bien sûre. Quelques secondes s'égrainent. « J'vais pas faire du drama inutile parce qu'on en a bien assez ici depuis la semaine dernière » elle pose en contexte parce qu'elle sait très bien comme ça se passe. On va la faire passer pour une hystérique. « Mais si je récapitule : tu t'es barré à l'autre bout du monde pour tes ambitions, on est obligé de passer à autre chose toi et moi parce que c'est impossible de continuer sur deux continents différents, on se retrouve dans la même émission où t'es juste capable de me faire des semi-déclarations par sms et quand je te dis ce qu'il s'est passé histoire afin que ça soit clair pour éviter les mauvaises surprises à l'extérieur, tu sais juste me répondre "bien pour toi, il te reste trois ans pour essayer pleins de trucs" » elle résume hallucinée par ce constat. « Mais t'es un abruti ou comment ça se passe ? » ça sort tout seul.

Il ne réagit pas, inerte comme à son habitude dans sa pura vida hyper crédible. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » @Matilda elle ne veut pas faire de drama inutile mais lui reproche de pas en faire. Les larmes, les cris et le sang c’est pas ici. Il estime ne pas être dans son droit de lui reprocher, il ne souhaite pas non plus de détails sur le sujet. Il est saoulé, l’imaginer avec un autre ça l’emmerde. En neuf mois ils avaient dû commencer à y croire au sérieux de leur histoire. L’idée qu’elle puisse construire avec un autre ça le rend dingue, ça lui étouffe le cœur, mais c’était un risque qu’il avait pris en partant. En pleine conscience. Son calme vacille à sa qualification d’abruti, tiquant sur le nouveau mot doux ajouté à la liste de ceux qu’elle lui attribue depuis le début de l’aventure. « Je vois, c’est pas assez. Et toi qu’est-ce que tu donnes Mati ? Je suis arrivé tu m’as claqué la porte au nez et t’es revenue avec ta liste d’exigences irréalistes. Considérant ta dernière flash news et ton insistance à clôturer le chapitre, t’as pas l’impression d’abuser ? » il recadre factuellement. Matilda elle change d’humeur tous les quarts d’heure, si ça fait partie de ce qui lui plait, il trouve qu’elle avait tendance à pousser les limites dans leur huis clos. « Laisse-moi corriger ton récap : tu veux me garder sous le coude pendant que tu fais tes bails. » La froideur de ses mots le trahissait tout comme la tension dans ses expressions. « T’en as aimé un autre je peux rien y faire, je vais pas te faire une scène. Ça m’aide à mieux comprendre où t’en es, c'est même le rappel dont j'avais besoin pour en faire de même. » Passer à autre chose, la redescendre du piédestal duquel elle n'est jamais descendue. Il pause, prend son temps. Certaines scènes desquelles les couleurs changent de filtre. « T’aurais pu me le dire bien avant, parfois j'ai vraiment l'impression que tu me prends pour un con. »

@ibra

« Que tu me dises que c'est ok, que c'est bien de le savoir mais que c'est pas rédhibitoire pour notre nous de maintenant, par exemple » elle lâche sincèrement. Mati lui laisse son temps de parole, pas du genre à couper dans une tirade pour prouver qu'elle est la seule à avoir raison. Personne n'a raison lorsqu'il s'agit de ressenti. « Te garder sous le coude pour mes bails ? » elle répète sobrement, claquée par la débilité de cette réflexion sans savoir quoi répondre. « Mais de quoi tu parles ? » Mati demande très sérieusement, complètement perdue. « Mes bails ici ? T'as conscience que la seule ambiguïté que je peux avoir dans le block, c'est avec toi ? » parce que c'est vrai. Mati, elle ne s'est jamais lancée dans la course aux bails comme certains candidats, elle a flirtouillé avec du 14ème degrés, suffisamment pour que cela ne soit jamais pris au sérieux. « Et c'est un choix » elle coupe d'avance une remarque acide qu'elle sent venir pour lui faire comprendre que c'est par défaut parce qu'ils sont étiquetés dans l'esprit des autres. Mati, ça la dérange absolument pas d'être liée dans l'imaginaire collectif à Ibra. « Tu voulais que je te le dise comment Ibra ? Que t'étais trop loin et que j'avais besoin de partager avec quelqu'un plus près de moi ? Tu m'aurais dit finalement de venir, je serai venue et j'aurai niqué tes plans de liberté et d'ambition » elle lance très cartésienne et pragmatique. Ibra, il avait fui un continent pour se cacher aux USA, c'était pas pour qu'elle arrive et lui rappelle l'avant. Elle se retient de lui lancer un "d'ailleurs, t'en es où ?" parce qu'elle connait déjà la réponse. « Je suis vraiment désolée que tu le ressentes comme ça » elle temporise calmement.

« C’est pas rédhibitoire. Je savais que le jour où l’un d’entre nous passerait à autre chose on se parlerait moins et c’est ce qui s’est passé, je suis pas surpris. » Il s’était fait à la triste réalité, il l’avait lui-même décidé en partant si loin. Ça ne lui avait pas semblé être une si grosse affaire jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il était incapable de trouver une personne aussi importante pour lui. Ibra il avait l’attention volatile, mais avec @Matilda jamais, elle savait garder son intérêt sans trop qu’il n'y trouve une raison. Son hyperactivité peut-être. Il fronce les sourcils, pas sûr de l’importance qu’elle attribue à ce block. « Non, à l’extérieur. » Il parle vraie vie, pas leur colonie de vacances. Il sait que Mati ne se laisse pas aller aux autres par choix, il a bien vu certains graviter autour d’elle et capté ses affinités. Silencieusement il avait pris note des informations qui l’importaient, comme chacun. « Je sais. » il lâche seulement comme approbation. Il sait que c’est un choix. Il l’a toujours su. Mati elle gravite, une simple soirée et voilà qu’une pelotée de mecs s’aimantent à elle. « Ca fait deux ans, les choses ont changé, on a chacun changé nos perspectives non ? » Il ne lui avait jamais dit à quel point elle lui avait manqué, il s’était de nombreuse fois languie de sa présence, l’espérant près de lui pour visiter ce foutu bar en rooftop, ou tout simplement pour passer une soirée à rire posés sur son canap' comme s’il n’y avait que ça qui comptait. Au fond il l’avait amère de l’imaginer partager ces moments avec un autre. « Évidemment ça ne me fait pas plaisir de t’imaginer avec un autre mec. Neuf mois c’est beaucoup C’est le début d’un truc sérieux. Laisse-moi un peu d’espace pour digérer. » Ibra il a pleine conscience de comment il fonctionne, pas dramatique mais lent dans le système.