mercredi, 13H45 - W/@apollon

Un ballon de basket en mains, voici que Jana s’amuse à lancer quelques paniers. Le basket, c’est pas trop son truc et jamais elle ne s’est entraînée à lancer autant de paniers que jusqu’à présent. Pour être tout à fait honnête, elle ne met pas beaucoup de panier, la mannequin. Elle en rate pas mal, à vrai dire. Mais bon, elle n’a rien de mieux à faire pour le moment. Faut dire que parfois, elle a l’impression de tourner en rond, à l’intérieur du block. Elle pourrait chercher des secrets, c’est vrai... mais elle n’en a pas envie pour l’instant. Alors qu’elle tire une nouvelle fois, elle regarde le ballon de basket rebondir sur l’arceau du panier. Aucun suspens, rien du tout : la balle rebondit directement et vient s’écraser au sol, un peu plus loin. Posant ses mains sur ses hanches, elle regarde le panier de basket, puis la balle et souffle un peu. Elle aperçoit également @Apollon un peu plus loin, prêt à ramasser la balle qui se trouve à ses pieds, maintenant. Elle attend quelques secondes, qu’il se rapproche un peu. « Nouveau jeu ? Un tir réussi = une question ? » Plusieurs semaines qu’ils semblaient abonner aux jeux/questions du genre alors pourquoi ne pas continuer, hm ? « Ne t’inquiète pas, je ne mets pas beaucoup de paniers, tu ne seras pas harcelé par de nombreuses questions » qu’elle ajoute, d’une grimace alors qu’un petit sourire satisfait vient s’ajouter sur son minois.

Voilà plusieurs semaines que se répète le même schéma. Je suis à deux doigts de me mettre à chanter cette fameuse ritournelle made in Disney et contenant un fameux cycle éternel parmi les paroles. Dès que j’ai en tête de m’adonner à quelques paniers je suis confronté à un camarade nettement moins habile en la matière que moi. Je ne vais pas m’en plaindre, on m’a appris à ne jamais cracher sur une victoire même si, je dois l’avouer, j’ai nettement plus de plaisir à me frotter à une compétition digne de ce nom. J’ai pris plaisir – et c’est un putain de progrès quand on sait les sentiments qui nous animent mutuellement l’un à l’égard de l’autre – à jouer contre @Solal qui sait ce qu’il fait avec un ballon entre les mains. @Vicente n’était pas trop mauvais non plus à ce jeu, même s’il est nettement plus à l’aise avec la balle contre les pieds. À chacun sa spécialité. Il en faut pour tout le monde. @Safia n’était pas très bonne à ce petit jeu la semaine passée et il semblerait que Jana soit aussi mauvaise qu’elle. Je récupère le ballon après quelques rebonds et me plonge dans les prunelles blasées de ma camarade qui trouve en ma présence l’occasion rêvée de rendre les choses plus amusantes. « J’adore, j’adhère même ! J’ai besoin d’une victoire après le KO que tu m’as mis dans la piscine à balles ! » Je ne m’en suis pas encore remis, même si mon nez a été préservé en fin de compte. Je m’élance et marque le premier à trois points. « Pendant que tu passais tes heures à boxer ou que sais-je, je m’entrainais sans relâche sur un terrain de basket ! Tu risques effectivement de devoir répondre à un sacré paquet de questions ! » Et puisqu’il faut bien commencer quelque part. « Je me rends compte que toi et moi on ne se connait pas beaucoup… J’veux dire… Plus personnellement. Parle moi de la Jana à l’extérieur du block… Comment est-elle avec les autres ? Que fait-elle de ses journées ? »

« Sauf que je suis prêt à mettre ma main à couper que la plupart des gamelles en question n’étaient pas de mon fait. Les balles sont vraiment glissantes ! » Je n’ai aucune honte à l’admettre, j’ai été mauvais d’un bout à l’autre. Je crois avoir légèrement perdu patience à la fin lorsque j’ai décidé d’utiliser ma carrure pour me faciliter la tâche et la soulever comme un sac à patates. Le plaquage qui s’en est suivi était amusant sans être douloureux puisque très amorti par les nombreuses balles et les matelas qu’elles recouvrent. Je ne l’aurais pas fait sinon, il était plutôt question de chahut que d’un véritable affrontement. L’orange me propose une animation pour accompagner les quelques paniers qui nous attendent. J’éprouve un plaisir non dissimulé à multiplier les activités de ce genre. Celui qui consiste à obtenir un succès afin d’autoriser le vainqueur d’une manche à interroger son partenaire sur le sujet de son choix. Il n’y a rien de tel pour explorer certains sujets sans avoir à ramer comme un malade pour introduire une telle conversation dans des conditions plus traditionnelles. Je me rends compte que Jana et moi on déconne beaucoup, c’est littéralement ce que l’on passe notre temps à faire mais je ne la connais pas en dehors de tout cela. Je ne saurais pas vous balancer plus de trois ou quatre informations sur la candidate et j’éprouve une frustration certaine à ce sujet. Le courant passe bien, il est peut-être temps de s’adonner à cette fameuse discussion sérieuse sans pour autant se séparer d’un cadre très éloigné du premier degré qui va généralement de pair avec de telles conversations. Je marque un premier panier sans aucune surprise et me tourne vers ma camarade choquée et salée pour l’interroger une première fois. « Elle est synthétique ma question. Je ne voulais pas te perdre en chemin. L’être infiniment généreux que je suis a surtout eu la gentillesse de te fournir quelques axes sur lesquels rebondir ! » Est-ce suffisamment convaincant ? J’ai clairement enchainé les questions par curiosité. Sa réponse me fait froncer les sourcils et arborer une moue boudeuse. « Tu crois vraiment que tu vas t’en sortir comme ça ? C’est comme si je te répondais que l’Apollon de l’extérieur est coiffeur. Thanks captain obvious. Développe. J’veux tout savoir, miss inaccessible. » Je taquine et lui tire la langue, curieux d’en apprendre un peu plus et pas seulement les banalités qui, soyons honnêtes, n’intéressent personne. Elle loupe son panier et je pouffe de rire, un peu moqueur, je l’avoue. « Je peux tirer à ta place si tu veux, pour que tu puisses me poser des questions aussi parce que là… » Je grimace pour marquer mon incertitude la concernant et m’élance à nouveau pour… Marquer à nouveau. « Je réitère donc ma question annexe, que fais-tu de tes journées à l’extérieur d’ici ? Qu’est-ce qui rythme ton quotidien ? C’EST UNE QUESTION REFORMULÉE. » Je précise en hurlant, l’index pointé dans sa direction, comme pour anticiper sur ce qu’elle va me dire pour ne pas avoir à répondre complètement à la chose.  

Certaines rencontres ne nécessitent pas de bien connaitre une personne afin de parfaitement s’entendre avec elle. C’est un fait, tu peux passer ton temps à plaisanter, à partager des moments qui restent longuement ancrés dans ta mémoire sans pour autant avoir à explorer l’intégralité du prisme de l’amitié en t’embarquant sur de longues discussions sentimentales et philosophiques. L’un n’empêche pas l’autre pour autant et ma curiosité grandissante à l’égard de Jana me mène progressivement vers une transition du délire savamment alimenté depuis la deuxième semaine – celle de notre première véritable rencontre – à un désir d’apprendre à connaitre ce qui fait d’elle un boute en train. Je ne saurais pas l’introduire intelligemment à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler d’elle sans prendre le risque d’être sévèrement jugé pour la qualité discutable de certains de nos plus grands fous rires. On parle quand même d’une nuit enfermée dans un placard au centre d’une cabane abandonnée dans les bois, d’un match de… Bagarre – à défaut de pouvoir mentionner un véritable sport de combat – d’une pièce dérobée dans une fontaine pour formuler un vœu et d’une tête vilainement cognée contre le sadique toboggan de l’aire de jeu. Cette partie de basket devrait nous permettre de dépasser un cap et je suis très impatient à l’idée de franchir une première frontière. Ce qu’elle ignore, c’est que ce jeu va clairement tourner à mon avantage puisque je suis nettement plus doué qu’elle au basketball. Premier panier et les questions s’enchainent peut-être un peu trop vite à son goût, effectivement. La folie des débuts, dirons-nous. « Il ne s’agirait pas vraiment d’un roman en l’état, plutôt de mémoires non ? » Je verse de l’huile sur le feu, sourire aux lèvres. Loin de pouvoir me contenter d’une réponse aussi générique et globale que ce qu’elle décide de m’apporter pour ne pas arranger les choses. Jana développe finalement sa réponse à ma première interrogation de l’après-midi et j’acquiesce, digère chacune des informations communiquées en silence pour ne pas prendre le risque de l’interrompre. « Je sais qu’on est dans le contexte une question pour un panier mais… Pourquoi une telle carapace ? Qui s’est permis de te faire autant de mal pour que tu décides de te fermer aux autres par méfiance ? » Aucun jugement dans ma voix, une douceur fragile. Ma confiance, je l’accorde en un battement de cils en apparence pour qu’on ne puisse pas me soupçonner de guetter attentivement, d’attendre l’entourloupe. Je suis toujours préparé à entrevoir le pire chez les autres malgré les apparences. « J’comprends, il est cool @Vicente. Je ne crois pas qu’on puisse devenir de grands amis lui et moi, mais c’est un garçon que j’apprécie malgré tout. » Il est un peu trop arrogant à mon goût et j’ai tendance à ne pas savoir faire l’impasse sur un tel trait de caractère lorsqu’il se manifeste trop régulièrement et à un degré trop élevé pour être seulement une plaisanterie. Au-delà, j’adore passer du temps avec lui, il n’a jamais été méchant avec moi et le feeling passe plutôt bien. Nouvelle tentative foirée pour elle, un succès supplémentaire de mon côté et une question recyclée puisqu’elle a refusé d’y répondre la fois d’avant. « L’univers du mannequinat est aussi compétitif et superficiel qu’on le dit ? » Sa proposition me fait sourire, je lui tends les mains pour qu’elle me donne le ballon que je lance. Nouveau panier. « Je suis tout ouïe ! »