La matinée est déjà bien entamée. Certains de mes camarades commencent seulement à se réveiller alors que ma journée est lancée depuis plusieurs heures déjà. J’ai toujours été matinal, pas du genre à apprécier faire une grasse matinée jusqu’à midi quand tu sais toutes les choses à côté desquelles tu passes pour récupérer du sommeil en retard. Je n’ai pas besoin d’un immense quota d’heures de repos pour être en forme, peut-être que ça joue en ma faveur. Dans tous les cas, le matin est toujours réservé à l’épanouissement sportif. Une séance rythmée d’une bonne heure et demie pour démarrer la journée de la plus satisfaisante des manières. Du temps, nous n’avons que cela devant nous et parvenir à l’investir dans de telles activités tous les jours permet de trouver un semblant de quotidien qui rassure et occupe suffisamment pour que les journées paraissent moins longues. Le charme des débuts commence à s'estomper et à laisser place à un sentiment d’habitude, si ce n'est de lassitude parfois. Je me suis fait aux lieux, il n’y a plus ce regard qui pétille lorsque j’entre dans le bar, dans la salle des arcades ou même dans la piscine à balles. Tout me parait « normal » maintenant, et ça en dit long sur cet ennui qui peut parfois me gagner et me pousser à proposer mes services en coiffure à chaque personne qui croise mon chemin. Après une bonne douche chaude, un passage par la chambre rose pour récupérer un t-shirt et un jean parait essentiel. Je débarque en caleçon et tombe nez à nez avec une Frida que je vois plus souvent que @Dylan lui-même depuis la semaine dernière. Elle commence à parler et je sens le drama arriver. Elle a forcément le cœur lourd pour ne pas me piquer comme elle n’a eu de cesse de le faire depuis l’épisode de l’interruption. « Pourquoi tu dis ça ? Qu’est-ce qu’il a fait ? » Il déconne souvent, @Dylan. Je ne serais pas surpris qu’il se soit lassé ou quelque chose de ce genre. Elle me surprend et j’ai ce sourire qui étire mes lippes et gagne en intensité pendant que j’enfile mon jean et le boutonne. « Je pensais que TU étais en colère contre moi… J’pensais pas que le fait de vous surprendre et de réagir avec excès nous mettrait dans une telle situation… J’pensais que toi et moi on allait en rigoler, pas que tu serais hyper en colère contre moi et tout ça ! » Elle est la miss drama queen du block… Je pensais qu’on partageait un tel appétit pour la théâtralité. Il faut croire que toutes les excuses ne sont pas bonnes pour cela.    

Elle n’est pas comme d’habitude, la drama queen du groupe. Elle est généralement plus enjouée que cela, plus piquante également. Des problèmes avec @Dylan, à en juger par les quelques informations qu’elle laisse filtrer. « Depuis quand tu te préoccupes de ce que peuvent penser les autres ? On s’en fiche, non ? » C’est comme si je bouleversais soudainement ma manière de fonctionner parce que @Zach passe son temps à critiquer mon attitude dans mon dos pour faire la prude choquée quand j’ose le remarquer à haute voix au détour d’une chronique. Peu importe l’avis de ces personnes qui ne nous connaissent que depuis cinq semaines – quatre pour la jeune femme – l’important c’est de savoir dans quelle direction on veut s’engager. « Sans leur avis à eux, tu penses quoi de ce que vous êtes, @Dylan et toi ? Ça correspond à tes attentes ? » Elle se livre à ce sujet justement. Un repas plutôt romantique à en juger par les éléments qu’elle me communique et un @Dylan au sommet de son art en la matière. Cette histoire avec @Gemma dont je crois avoir vaguement entendu parler au moment d’aller au lit chez les roses. Je grimace et cette fois je comprends mieux ce qui la pousse à agir comme elle le fait. « Je ne veux pas affirmer des choses sans le connaitre suffisamment pour exprimer un jugement étayé mais… Tu t’attendais à ce qu’il agisse différemment ? T’étais pourtant là tout ce temps, tu n’as pas vu la manière dont il s’est comporté vis-à-vis d’@Eli ? » Leur relation était certes très différente, moins tendre, plus sexuelle mais l’attitude du sportif ne peut pas passer d’un extrême à l’autre comme par magie en matière de considération pour le genre humain. « Je suis désolé pour cela… Je ne pensais pas que ce serait interprété de la sorte parce qu’à mes yeux, la seule chose qui me faisait réagir c’était votre binôme, votre association et la surprise qu’elle créait puisque je vous pensais pire ennemis ou un truc du genre. Je n’étais pas dégouté par le fait qu’il soit avec toi en tant qu’être humain… Parce qu’entre nous, et pour citer le langage d’une certaine chroniqueuse, t’es un smash très évident ! » Je tapote gentiment son genoux pour attester d’une telle affirmation et me laisse tomber à côté d’elle. Je me retrouve dans ce qu’elle dit, cette tendance qu’ont les autres – moi y compris – à la juger sans savoir qui elle est vraiment, à se baser sur des gestes qui n’ont rien de très révélateur plutôt que de creuser en profondeur. « Je suis plus ou moins dans la même situation que toi tu sais. J’ai choisi de ne pas trop y prêter attention, à l’exception de @Zach qui m’a surpris mais… J’ai pris soin de prétendre être cet idiot qu’ils pensent tous que je suis sous prétexte que je suis coiffeur pour leur laisser une chance de me découvrir par eux-mêmes. » Je suis tenté de dire que ça a plutôt bien fonctionné jusqu’à maintenant, à en juger par les meilleures impressions hebdomadaires. « Qui es-tu, Frida ? Aide-moi à comprendre ! » Je lui propose, sincère dans ma démarche. Nous sommes partis du bon pied elle et moi, dommage que les choses se soient envenimées à tort la semaine dernière. Tout ce qu’elle veut, c’est être aimée et je comprends… Elle n’a pas idée ô combien je la comprends. Serions-nous plus semblables qu’on ne veut bien l’admettre ? « Viens-là, nunuche ! » Je lui tends les bras et ne lui laisse même pas le choix avant de l’enlacer tendrement. « Ne laisse personne t’atteindre ou te ralentir dans ta progression si tu estimes qu’on ne te fait pas honneur à la hauteur de ce que tu mérites ! »