@mathis

L'heure est au trivial et à l'absence de glamour, car l'heure est à la lessive. Sasha, ça fait un moment qu'elle vit seule et elle est pas de ces gosses trop couvés qui quittent le cocon familial en ne sachant même pas faire leurs lacets. Elle a appris vite, gère son minuscule foyer, avec flemme, certes, mais avec efficacité. Elle est totalement dépendante émotionnellement, Sasha, dans un choix principalement inconscient de s'accrocher aux autres car elle y voit un sens intéressant à sa vie, mais dans le quotidien, elle est plutôt du genre indépendante. Parce que c'est le genre d'occupation qui l'emmerdent et l'empêchent de consacrer son temps à ce qui l'intéresse vraiment. Alors elle a appris à faire vite et bien. Elle passe la porte de la buanderie avec un tas d'affaires à laver et par-dessus, elle aperçoit la silhouette de Mathis. « Hello capitaine » elle roucoule paisiblement en français. Juste parce que c'est lui, juste parce qu'il est le chef et que vu l'aesthetic de leur équipe, elle a chaque fois envie de lui chanter le générique de Bob l'éponge. En deux-deux, elle lance un programme de couleurs puis se hisse sur la machine voisine, les pieds dans le vide. Elle a aucune intention d'attendre là que ça se termine, mais la présence de Mathis lui donne envie de parler avec lui. Ils ont pas tant échangé que ça, depuis le début, en dehors des moments entre bleus et elle a un peu de mal à le cerner. Parce que parfois, il a l'air désagréable et hautain et qu'en même temps, il prenait soin de Sanjay. « Alors, comment t'as fait ? » elle demande avec un sourire mystérieux, sur le ton de la confidence. Pour elle, ça se passe d'explication tellement la question est évidente, mais elle précise tout de même :« ton entreprise. » Il gère une entreprise de prêt à porter à vingt-six ans et ça, c'est pas rien. C'est le genre de boulot qu'elle imagine l'apparat de vieux businessmen qui sont dans le milieu depuis trente ans, mais c'est pas impossible qu'elle regarde trop de films, Sasha. « C'est tes parents ? ton ex femme défunte, vieille et riche te l'a léguée ? tu as gagné au loto ? t'as... travaillé d'arrache pied ? » elle termine l'air visiblement pas convaincu, mais plus parce que c'est quand même pas très amusant comme version, par rapport à tout ce qu'elle pourrait imaginer d'incroyable en parallèle.

Bien qu'on pourrait imaginer que les candidats de la téléréalité sont payés à clasher, à ne rien faire de leurs journées, il n'en est rien. Il semblerait que les production aiment déléguer les tâches ménagères et du quotidien à leurs candidats, sans doute avec pour but de créer des conflits entre eux ? C'est possible. De toute façon ça permet d'occuper les journées. Et c'est ce que fait aujourd'hui Matis, à la buanderie, laver ses vêtements, bien dégueulassés par @Sirius ou encore @Rachel. Il kiffe être aimé Mathis. Bien entendu, il a également tous les vêtements de la semaine dernière à laver, donc ça l'ennuiera pas vraiment. @Sasha fait son entrée, l'appelant capitaine, ça le fait marrer Mathis. M'appelle pas comme ça. Il se marre, mais il rit jaune. @Elvis aussi l'avait appelé comme ça il y a quelques jours. Bon c'est drôle ça colle avec le bateau pirate. Mais Mathis il aime pas. Même si il est patron d'une grande boite, il n'a jamais aimé qu'on lui rappelle qu'il existe des hiérarchies par des noms style chef, patron, capitaine. Alors Mathis il essaye de changer les choses, d'établir des systèmes de direction qui soient plus horizontales, "démocratiques", il en sera de même dans son équipe. Il accepte d'être "capitaine" du bateau bleu, mais seulement pour la publicité que ça lui fait, mais aussi pour devoir se salir les mains quand il le faudra. Les privilèges, il n'en veut pas. Alors qu'il continue de foutre ses vêtements dans la machine, et Sasha également, celle-ci l'interroge. Il ne comprend pas tout de suite où elle veut en venir, avant d'être plus explicite. J'ai fait des choses dont je suis pas fier pour en arriver là, mais parfois, il faut les faire. Il le sait, il a peut-être détruit une famille comme ça. Mais bon il voit la vie comme une jungle où personne ne se fait de cadeau. Après tout il a grandit dans cette réalité là. Cette réalité où chacun ne nait pas dans le même monde, lui, il est né du mauvais côté. Du côté où il n'y a pas de place pour la morale, où chacun essaye de s'en sortir comme il peut. Comme dirait un célèbre philosophe Marseillais, il faut mettre la daronne à l'abri. Il n'en dit pas plus ceci dit parce qu'il sait ce que ça signifierait. Et le fait que Sasha l'interroge là dessus.. le questionne beaucoup sur ses intentions. Si c'est le cas, ça le dérange pas, autant que les points restent chez les bleus après tout, il sait que le sien, il ne le gardera pas longtemps. Soit t'as de la chance.. soit t'as du flair. Il se marre, mais il dira rien de plus, au cas où des oreilles viendraient à se balader un peu trop. J'ai cru comprendre que tu venais de Paris toi aussi.. ça va les crottes sur les trottoirs et les gens qui râlent ne te manquent pas ? Même si elle n'est pas la seule, il est bien content de trouver une frenchie, ça sera utile pour communiquer des informations secrètes comme il a pensé le faire avec Daisy par exemple.

Il boude, Mathis, et ça la fait sourire. « T’aimes pas être chef ? » Il avait pas montré particulièrement d’enthousiasme non plus au moment de se proposer, pendant la toute première réunion d’équipe des bleus, plutôt l’air résolu du gars qui a l’habitude de prendre ses responsabilités pour faire le sale boulot pour les autres. Mais quelque part, ça lui en dit beaucoup sur lui et l’air de rien, ça la met directement à l’aise, Sasha.  « Matty alors ? » elle le taquine gentiment. Elle se moque pas de lui, c’est juste qu’elle adore donner des surnoms à tout ça dès que c’est possible. Mathis c’est un des seuls ici qui a un prénom à surnom, alors elle se fait plaisir. En plus, elle est naturellement familière et proche avec les gens et Mathis, de par sa qualité de membre de l’équipe bleue, c’est un peu son bro par essence et association. Elle sait qu’il risque de pas le rester longtemps, que les équipes sont amenées à changer, mais elle a pas envie d’y penser. Alors elle fait la meuf mystérieuse, là conspiratrice, et elle s’intéresse tout simplement à lui en mettant le doigt sur un truc qui l’avait interpelée dans son profil. Elle a pas vraiment d’arrière pensée particulière en le questionnant là-dessus, Sasha, parce qu’elle fonctionne globalement au feeling, dans l’ici et maintenant, sans jamais calculer ce qu’elle dit ou fait, mais ça a l’air d’être un truc important dans la vie de Matty, et c’est ça qui lui parle, à elle. Quand il lui répond très sérieusement, elle le sonde une seconde. Matty, il a la gueule et l’attitude du gars qui fait des trucs pas nets et pas toujours très nice. C’est pas pour rien qu’il s’était retrouvé dans les têtes à claques au début, tu peux vite le prendre pour un casse couille égoïste. Elle sait pas trop si c’est exactement ça qu’il est, Sasha, elle a pas encore son avis figé sur lui. Pour l’instant, il est simplement Matty le corsaire. « On a une image de marque à entretenir, t’as tué personne j’espère ? » elle bougonne pour la forme. Cela dit, ça serait tirer le délire des pirates à un tout autre niveau assez inattendu. « C’est pas moi qui vais te juger tu sais, j’ai jamais été confrontée à une situation où mon seul choix possible était le mauvais » elle finit par dire plus sérieusement. C’est le genre à jamais émettre de jugement, Sasha. Même si elle a une imagination débordante et qu’elle aime se créer ses petits rôles préfabriqués pour les gens qu’elle rencontre, elle est pas foncièrement optimiste sur la nature humaine et compagnie, et justement, ça lui permet d’être aussi réaliste sur pas mal de trucs. Elle sait que parfois, les gens ont juste pas le choix. Ça rend pas les actions moins dégueulasses, juste plus compréhensibles. « Je sais pas comment je réagirais » elle admet. Sasha, elle a des parents qui se démerdent, elle vient d’une famille de classe moyenne à aisée, elle a jamais manqué de rien, sa vie est tout ce qu’il y a de plus banal en soi. Les grandes décisions qui peuvent bousiller toute une vie, elle connaît pas vraiment, à part quand elle pète un câble et qu’elle s’en crée une toute seule. Elle lui balance un petit clin d’œil complice quand il lui dit qu’elle a du flair. Ou de la chance. Elle aime penser qu’elle a du flair, Sasha, ou du moins qu’elle a l’imagination et l’empathie pour, parfois, simplement tomber juste. Elle bat des jambes dans le vide, Sash, puis se marre quand il évoque Paris. « non ce qui me manque le plus c’est l’odeur de pisse dans le métro » elle répond d’un air entendu, sur le ton de l’évidence qui en est au fond une pour eux deux. Mais c’est vrai que les crottes de chien et les gens relous et pressés, c’est un must aussi. « J’avais besoin de quelque chose de nouveau, de complètement fou, je crois » elle sourit. Un truc qui l’ancre, un truc qui la fasse vibrer et vivre à la folie. « Si tu pouvais changer un truc à ta vie, là maintenant, n’importe quoi, ça serait quoi ? » Elle aime bien les questions un peu comme ça, Sasha, pleine d’hypothèses et de possibilités.

J'aime pas le mot chef. Y'a pas de chef. On est tous chefs. C'est pas que ça le dérange en soi d'être chef Mathis, loin de là. Il a toujours eu cette âme qui le poussait à prendre les devants mais disons qu'il ne supporte pas l'idée des hiérarchies. Pour lui tout le monde doit être au même niveau. Il déteste surtout ce qui se cache derrière la notion de chef, de patron, de dirigeant. Ca lui évoque ce qu'il déteste le plus, les gens riches, les gens de pouvoir. Mais il sait au fond que le chef de la team c'est lui. Pas dans le sens où il sera le supérieur hiérarchique mais au sens où tel un ambassadeur il devra bien représenter l'équipe. Mathis doit se faire à l'idée. Mes employés ils m'appellent Mathis alors tu peux m'appeler Matty oui. En fait il trouve que le mot chef l'éloigne trop de tous, et Mathis il ne veut pas créer ce décalage entre lui et ses employés. Il gagne beaucoup plus qu'eux, mais il se sent plus proche d'eux que des autres patrons qu'il peut croiser. Il n'est pas à sa place dans son nouveau monde, mais il ne pourra changer les choses que de l'intérieur. Si j'avais tué quelqu'un.. je serais pas ici non ? Il se marre à la question de @Sasha. Non Mathis n'a tué personne. Il aurait pu, si il avait vraiment très mal tourné. Dans son quartier ils sont quelques uns à avoir fini devant le parquet suite à des règlements de compte. Mais Mathis s'en était "sorti". Il ne sait pas ce qu'il serait devenu.. autrement ? Je crois pas aux mauvais ou aux bon choix. J'ai pensé à ma gueule et à celles de mes proches aux dépend des autres, c'est mon choix, je l'assume. Je le juge ni bon ni mauvais. Si, peut-être qu'il y a quelque chose qu'il trouve mauvais dans cette société Mathis, c'est le système. Sans ce système, il n'aurait pas eu à faire ce qu'il a fait. Dans la société actuelle, il le refera encore et encore. Encore une fois, il perçoit la vie comme une jungle où les cadeaux ne sont pas permis. Il est voué à l'enfer, mais de toute façon il y était né, alors qu'est ce que ça change ? Et tu n'as pas à te poser cette question parce que tu n'as pas à la vivre. Tu sais c'est normal d'être jugé, les gens ne comprennent pas nos choix parce qu'ils comprennent pas nos vies, que ce soit toi, moi ou un autre, on sera toujours jugé. En tout cas il voit les choses comme ça Mathis. Alors peu importe les qu'en dira t-on. Lui tout ce qui compte c'est de protéger les siens, même si ça doit mettre en péril d'autres personnes. Et d'ailleurs ça ne fait que deux semaines, mais il est bien probable qu'il prenne à coeur la protection des bleus.. au dépend de toute moralité, au dépend des autres, comme il l'a toujours fait dans sa vie. Quand tu nais avec pas grand chose, tu n'as pas le luxe de te poser des questions sur ce qui est morale ou non. Encore plus aujourd'hui. Encore plus aujourd'hui. Parce qu'il n'est pas juste question de manger. Il est question d'être par la possession. L'expression matérielle des plus riches, c'est ça qui nourrit encore plus la frustration des gosses de quartier, c'est ça qui nourrit leurs haines, alors il faut se poser des questions : est-ce un problème de valeurs prônées par la société qui demandent à chacun de devenir "riche" ou est-ce un problème de quartiers qui se communautarisent, se marginalisent ? Mathis, il a choisit son camp. En tout cas Sasha a mis le doigt où il fallait. Il veut pas en dire plus alors, il change de sujet, pour évoquer Paris, et détendre un peu plus l'atmosphère, aussi. Elle se serait donc l'odeur de la pisse dans le métro qui la manquerait. Ca fait marrer Mathis. Encore un privilège de pauvre de prendre le métro. Mathis il connait plus ça, forcément. Il a son chauffeur maintenant. Mais pour lui àa prouve une nouvelle fois ce décalage de vie entre les plus riches et la majorité des gens au final. Comment peut-il accepter que des personnes vivant dans un autre monde, dirigent le sien ? Mais lui au fait, il est de quel monde aujourd'hui ? Pour fuir la routine quotidienne ? Ca peut se comprendre, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Mathis est là lui. Alors je voudrais rien changer à ma vie.. c'est plutôt ce qu'il y a autour de ma vie que je voudrais changer, j'aimerais vivre dans un monde plus juste. C'est notre monde, pourquoi on le laisse à un minuscule nombre de personnes ? Ouais Mathis il est prêt pour la révolution mondiale lui. Les Jeff Bezos, Elon Musk, Bernard Arnault, il les trouve bien gentils mais il estime que rien ne légitime qu'ils s'accaparent les ressources de ce monde alors que d'autres n'ont même pas un demi grain de riz de ce qu'ils ont. Tu changerais quoi toi dans ta vie ?