@evey

Sasha, elle s'est mise en quête de trouver Evey. Elle a ce sentiment douloureux qui la prend comme ça, deux semaines d'affilées, de sentir comme un éloignement avec ceux qui avaient partagé son lit. Avec Elvis, d'abord, quand elle avait été arrachée aux bleus, quand elle avait dû troquer leur cocon de la chambre bleue et qu'elle l'avait senti brusquement loin, inatteignable, presque différent. Il n'était pas différent, juste d'une autre couleur, juste endormi aux côtés de quelqu'un d'autre. Elle s'en était remise, Sasha, lorsqu'elle avait compris qu'au fond, rien n'avait changé, et elle s'était laissée bercer par le souffle calme et serein d'Evey. Elle avait retrouvé son équilibre auprès d'elle, s'était sentie moins seule. Et puis le prime la lui avait arrachée, elle aussi. Et à nouveau, elle avait ce sentiment d'abandon, de distance, de ne plus partager tout ce qu'elle aurait dû partager avec Evey. C'était dans sa tête, bien sûr, c'était ses détresses de môme beaucoup trop dépendante des autres, mais c'était tenace, vorace, douloureux. Alors elle ressentait le besoin de conserver Evey, de se sentir proche d'elle à nouveau, autrement, comme avant, finalement. « J'ai envie d'aller voir les étoiles, tu viens avec moi ? » elle propose en lui tendant la main. Elle aime le contact, Sasha, elle aime se sentir proche des gens, à tout niveau. Son langage d'amour, c'est le touché. C'est ce qui maintient la réalité, c'est ce qui l'ancre, face à la volatilité de ses émotions trop brusques et souvent trop incompréhensibles. « J'ai trouvé le meilleur spot » elle ajoute avec malice, pour la convaincre. Elle invente totalement, Sasha, elle a bien un spot en tête, mais elle n'a pas la moindre idée de ce qu'il vaut. C'est quand elle a demandé à Megan de scientifiquement évaluer quel endroit serait le plus idéal qu'elle a eu cette idée. Elle entraine Evey jusqu'au motel, emmitouflées dans leurs vestes et armées d'une couverture, de biscuits et de thés du supermarché, à défaut d'en avoir de vrais chauds. Une fois sur place, elle désigne le toit. Son fameux spot. « On va grimper par les fenêtres » elle dit, hyper sure d'elle. Elle a fait ça bien trop de fois, Sasha, parce qu'elle a un côté vraiment con quand on l'entraine dans des plans foireux. Mais le motel, il n'est pas très haut, le toit est accessible et relativement plat - une ascension très simple comparée aux grimpettes qu'ils se tapent parfois pour accéder aux toits parisiens dépourvus de vélux. Elle sourit, Sasha, prête à aider Evey. Elle va même jusqu'à chercher une vieille chaise poussiéreuse dans l'une des chambres pour s'en servir de courte échelle. Perchée sur la chaise, elle se hisse sur le châssis et se tracte sur la corniche pour rouler sur les tuiles. Elle se marre toute seule, heureuse de sa bêtise avant de tendre la main à Evey pour l'aider. « C'est quoi le truc le plus fou que tu aies fait ? » elle demande une fois installées, enroulées dans la couverture.

« Si tu veux » elle répond dans un souffle à la demande de @Sasha, avant d'attraper sa main pour la suivre sans la moindre hésitation. Elle ne sait pas où elle compte l'emmener, mais ça n'a pas véritablement d'importance : elle se sent toujours bien à ses côtés, nimbée dans une douceur un peu mélancolique que personne d'autre ne parvient à éveiller chez elle. C'est peut-être parce que Sasha est hypersensible, et que ça se sent, ça transpire chaque fois qu'elle est à proximité immédiate jusqu'à déteindre sur elle. Ensemble, elles rejoignent le motel, et elle affiche une certaine curiosité quand Sasha annonce avoir trouvé le meilleur spot. Mais elle a entièrement confiance, même quand elle lui dit qu'elles vont grimper par les fenêtres. « Je me sens très rebelle, d'un coup » elle s'amuse, elle la fille qui ne prend jamais de risque, qui ne fait jamais rien de dangereux, encore moins d'interdit. Elle est trop sage, Evey, c'est une de ces choses qu'on lui reproche le plus : elle veut toujours (trop) bien faire, toujours respecter les règles, toujours suivre ce qu'on lui demande même quand elle n'est pas d'accord. Elle se sent soudainement l'âme rebelle, un peu grisée par cette fausse sensation que l'escalade jusqu'au toit lui procure. Sasha est précautionneuse dans l'approche, prévoit une chaise pour l'aider à se hisser, et Evey roule elle aussi sur les tuiles pour la rejoindre, un éclat de rire perçant la nuit avant de se faufiler sous la couverture. Elle avait raison : c'est vrai que c'est un très bon spot pour regarder les étoiles, surtout lorsque le ciel est aussi dégagé qu'il l'est actuellement. Elle remonte ses genoux et pose son menton dessus, pensive. « Etre ici, ça compte ? » elle lui demande, parce qu'elle ne voit que ça pour l'instant. Ce n'est pas elle qui regorge d'anecdotes un peu folles sur des décisions prises sur des coups de tête. Elle est trop réfléchie pour ça, Evey. Mais participer à OMB, c'est l'exception à la règle, le choix sorti de nulle part qui a pris tout le monde de court, parce qu'elle n'a pas le profil de la candidate de télé-réalité. Elle n'est pas assez visible, pas assez bruyante, ni assez extravertie, encore moins exubérante. Et même si ça l'a un peu blessée, de se faire qualifier de boring par une chroniqueuse, elle doit reconnaître que c'est probablement vrai. « Et tomber amoureuse, aussi. Tu ne trouves pas que c'est fou, de tomber amoureux de quelqu'un ? » Elle tourne la tête dans sa direction pour la sonder. C'est peut-être juste elle, avec son âme romantique qui s'imagine héroïne d'une incroyable histoire d'amour passionnée. Mais il y a quelque chose d'incroyablement fou à offrir son coeur à quelqu'un sans aucune certitude de le récupérer intact. « Je voudrais bien te raconter quelque chose de fou à mon sujet, mais je crois que je suis trop conventionnelle pour ça... » Elle s'excuserait presque, Evey, d'être ce qu'elle est, détonnant dans un océan de folie par sa normalité. « Si tu pouvais revivre un moment dans ta vie, ce serait quoi ? »

Elle glousse doucement en entendant le rire d'Evey et elle a une bouffée de tendresse qui la réchauffe en même temps que la couverture quand elles s'y enroulent comme deux gosses qui ont fait le mur. Elle l'entend rarement rire comme ça et elle a envie d'imprimer le son dans sa mémoire. Parce que ça lui fait plaisir, parce que c'est précieux. ça lui fait tout drôle aussi d'imaginer une Evey rebelle, tant ils ont appris à la connaître autrement et ce qui la fascine réellement, Sasha, c'est qu'une chose tout à fait banale et qu'elle fait tout le temps, chez elle, à Paris, constitue une infraction, dans le monde d'Evey. En une semaine, elle a longuement imaginé Singapour, Sash, le mélange subtil entre les gratte-ciels et la végétation, entre l'Homme et la nature, elle a souvent essayé de se représenter la vie là-bas, les gens, les richesses, la culture, puis elle avait tout naturellement migré vers New York. Dans sa famille, ils n'ont jamais manqué de rien. Ils font partie des heureux aisés ou presque de la capitale et Sasha, elle n'a jamais eu à faire semblant de ne pas voir l'inquiétude dans les yeux de ses parents. Mais ils étaient à des années lumières des 1% de la famille d'Evey. Alors comme toujours, elle se reposait sur son imagination. « Bien sûr, si ça ne comptait pas, il y aura dix mille émissions comme celle-ci avec dedans un million de candidats » elle sourit avec l'air de l'évidence. Jamais dans l'exagération, Sasha. Pourquoi ça ne compterait pas ? La folie elle commence partout, à tout moment, à tout âge, pouvait prendre toutes les formes, durer vingt ans comme vingt minutes. Elle la fait tourner vers elle un regard surpris, Evey, quand elle parle de tomber amoureux et presque aussitôt, Sasha sourit. C'est pour ça qu'elle l'aime, Evey. Pour ces moments-là. Pour ces petites phrases glissées au détour d'une conversation. « C'est vrai que c'est fou » elle souffle l'air rêveur. Elles ont déjà parlé d'amour, toutes les deux. Et Sasha, elle pourrait en parler encore et encore et encore, tellement c'est quelque chose qui lui parle. L'accomplissement symbolique de toute émotion. L'Amour avec un A majuscule. Rien n'a jamais surpassé ça, pour elle. « C'est pour ça que j'adore ça » elle ronronne. Elle ne se sent jamais aussi bien que lorsqu'elle aime, Sasha. Elle se fiche complètement qu'on leur rabâche les oreilles avec le self-love et le fait qu'il faut être heureux par soi-même et avec soi-même, sans dépendre de l'amour des autres, et qu'il faut d'abord s'aimer soi-même pour pouvoir aimer quelqu'un d'autre. Tout ça, c'est des conneries pour elle. Sasha, elle se sent pleinement entière quand elle aime et elle ne voudrait changer ça pour rien au monde.  « Evey, tu me dirais même que le truc le plus fou que tu aies fait c'est d'avoir un jour mangé avec le couteau dans la main gauche et la fourchette dans la droite, ça me conviendrait tu sais » elle plaisante d'une voix paisible. La folie ça se compare par rapport à soi-même, à ses habitudes, à ses limites et à sa zone de confort, pas par rapport aux autres. « T'as pas besoin de raconter un saut en parachute du haut de l'Himalaya pour que j'ai envie d'écouter tes histoires. » Elle presse son épaule contre la sienne, dans ses manies trop tactiles et familières, glisse la main jusqu'à un paquet de biscuits au chocolat qu'elle commence à grignoter. « Mais toi, tu aimerais être moins conventionnelle ? plus rebelle ? » C'est surtout ça la question. Est-ce que c'est un truc qui lui manque, est-ce qu'elle est heureuse ou non, dans l'image qu'elle renvoie aux autres et à elle-même. Elle se pose une seconde pour réfléchir à sa question, prise au dépourvu. Elle aurait envie de lui dire mille choses, à Evey, de lui raconter des tas de trucs, des trucs qui refusent de franchir le seuil de ses lèvres qui se serrent doucement pour accepter le voeu du silence. « Aucun je crois. » elle finit par sourire. C'est la réponse qu'elle a toujours voulu donner, même si elle n'est pas totalement vraie. « C'est maintenant le moment où je suis le plus heureuse. » Parce qu'elle s'efforce de l'être chaque jour, de vivre chaque seconde dans ce seul et unique but. C'est tout ce qui l'intéresse, Sasha. Vivre. Que tout ça ait un sens. Pas non plus comme ces gars qui se perdent dans les sports extrêmes ou la dangerosité à tout prix. Sasha, elle veut que chaque chose l'ait marquée. Elle veut que chaque seconde de sa vie soit marquée au fer rouge par les émotions indomptables qu'elles amènent. « Ce que je voudrais revivre, parfois, c'est jamais vraiment arrivé » elle souffle malgré tout, sans plus vraiment réfléchir. « ça ne t'est jamais arrivé d'être un nostalgique d'un futur possible que tu avais imaginé mais qui n'a pas eu lieu ? » elle demande. Elle tout le temps. Parce qu'elle se fait toujours plein de films, à base de chansons qu'elle écoute en boucle pendant des jours et qui se transforment en BO de son petit film d'anticipation perso.

C'est pour ces moments-là que @Sasha compte parmi ses coups de coeur au sein du jeu. Pour les confidences, qu'elles distribuent sans même y réfléchir à deux fois, sans s'embarrasser de questions façon interrogatoire pour tenter d'en savoir plus sur l'autre. C'est spontané, organique, rempli de tendresse et de mélancolie. « Mais peut-être que pour eux ça n'aurait rien d'extraordinaire... » elle lui souffle, parce qu'elle a conscience qu'elle est incroyablement ennuyante comme fille. Pas un mot plus haut que l'autre, pas d'expérience folle à raconter, rien que du très conventionnel, du très traditionnel. Mais Sasha, elle n'a jamais l'air de s'ennuyer auprès d'elle, au contraire. Elle écoute tout ce qu'Evey raconte avec juste assez d'intérêt, parfois de fascination, pour lui donner l'impression d'être la personne la plus passionnante du monde. « C'est un saut dans le vide, d'aimer quelqu'un, de lui donner ton coeur et la possibilité de le briser en mille morceaux si elle le souhaite. » Même si elle n'a jamais eu cette pensée avec Sirius, force est de constater que c'est pourtant exactement ce qu'il s'est passé : elle lui a offert son coeur avec la certitude qu'il pourrait un jour le lui briser s'il le souhaitait. Finalement, il n'y a pas eu de choix à faire, l'un comme l'autre ont eu le coeur brisé sans avoir réellement leur mot à dire sur le sujet. Evey, elle hoche la tête sans hésiter à la question de    Sasha. « Oui, j'aimerais bien » elle admet dans un souffle. Parce qu'elle a toujours été trop normale, à ne jamais vouloir prendre de risque, à ne jamais en être réellement capable, à se contenter de sa vie parfaitement tracée, définie depuis l'enfance sans se plaindre. « Simplement pour avoir des choses passionnantes à raconter ici, tu vois ? Tout le monde a l'air d'avoir vécu quelque chose d'incroyable dont ils peuvent parler, et quand on me pose la question... je n'ai rien à dire de spécial. » Pas de grand de moment, pas de mise en danger, rien d'exceptionnel. Alors oui, elle aurait voulu avoir grandi dans un environnement favorisant ces moments, ces découvertes, ces souvenirs dont elle pourrait parler qui la rendraient juste un peu plus intéressante. Mais là encore, Sasha se comporte comme si de rien n'était, comme si sa compagnie lui suffisait entièrement et elle a envie d'y croire, Evey. « Tu vis toujours le moment présent entièrement ? » Parce que c'est un peu ce que les paroles de Sasha lui inspirent, comme si ses émotions prenaient toujours le pas sur tout le reste, comme si elle ne vivait que pour ces moments précisément, ceux qui font battre son coeur plus fort. Ce qu'elle lui dit, ça fait écho en elle, parce qu'elle aussi elle vit à travers la nostalgie de ce qui aurait pu se produire, et ne se produira peut-être jamais. « Trop souvent » elle confirme, le coeur serré, avant de poser sa tête sur son épaule et glisser la main dans la sienne. « Avec Sirius. Quand j'imagine où on pourrait en être, et ce que je ressentirais si c'était le cas. » Elle a l'impression de parler bien trop de lui, d'évoquer un peu trop les émotions qu'il lui inspire, et en même temps elle regrette de ne pas pouvoir en dire plus, de ne pas pouvoir mettre les mots exacts sur ce qu'elle ressent chaque fois qu'elle le croise au détour d'un couloir. « C'était quoi, ta plus belle histoire ? Ou peut-être que tu ne l'as pas encore vécue ? » Elle relève la tête pour croiser son regard. « Tu crois que tu pourrais être avec une seule personne toute ta vie ? Est-ce que tu en as même envie ? » Elles ont beaucoup parlé d'amour, toutes les deux, mais jamais dans ses particularités.

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