@Apollon

Histoire d'essayer de souder un peu la cohésion de groupe des jaunes, Kendall avait décidé d'organiser un petit drink ce soir pour les filles dans la chambre. Pourquoi pas après tout. Avec l'alcool enivrant, elles réussiront peut-être à se forger un bon souvenir qui servira de base pour les prochaines décisions à prendre ensemble. Puisque Maelys n'était pas une fana de mode, elle compte sur l'alcool pour la rapprocher de Frida et elle. Elle a pris avec elle ce sas de sport Chanel.  Autant dire qu'il a pas l'habitude d’accueillir en son sein autant de bouteilles alors elle espère qu'il va pas casser sous le poids. Sa lampe de torche posée sur le bar, elle se sert Kendall, prenant trois bouteilles d'alcool purs, quelques bouteilles de diluants, quelques sirops... Mais quand elle soulève le sac, ses bras tombent immédiatement. Un peu trop gourmande. Elle commence donc à se lester de quelques bouteilles et bien sur, avec le faible éclairage et la précipitation, ce qui devait arriva et une bouteille se casse dans ses mains quand elle se fracasse sur le bar qu'elle avait jugé pas assez loin. « Putain » qu'elle jure, sa voix camouflée par le verre qui se casse. Non c'est pas rien. Sa main ensanglantée peut en témoigner. Rien de grave cependant, juste une coupure dans sa paume. Elle sait pas si c'est profond, elle a pas l'impression. Elle entend des pas courir dans sa direction à cause du bruit suivit d'une voix qu'elle connait. Elle prend la lampe de torche pour la diriger vers @Apollon. « C'est rien... » qu'elle lâche presque en pestant. Tiens, ça lui rappelle des souvenirs ce "c'est rien". Encore une fois, elle se retrouve dans une position délicate face à Apollon, une position où elle est faible et c'est pas tellement la position qui lui sied le mieux si vous lui demandez son avis. « Fais attention, j'ai cassé une bouteille... » qu'elle explique pour pas qu'il s'approche trop, en dirigeant la lumière vers le sol où le verre est éclaté, pas en trop petits morceaux elle a l'impression heureusement. Elle se saisit d'un balai posé sur le mur. « Tu peux juste éclairer le sol ? » Elle pense pas vraiment à sa main là tout de suite. Elle préfère se focaliser sur l'urgence, sur les débris de verre.

La journée est déjà avancée et je profite des dernières lueurs du soleil pour vaquer à mes occupations avant qu’il soit nécessaire de trainer une lampe torche partout. Etonnamment, j’ai davantage de plaisir à me balader dans le block avec une bougie. Il y a quelque chose de très romanesque à déambuler dans les couloirs avec, pour seule partenaire, une flamme qui réchauffe le cœur et te donne l’impression d’être ce personnage qui évolue au dix-septième ou dix-huitième siècle. Je suis d’excellente humeur, le cœur nettement plus léger que ce week-end, au point où plusieurs chansons me donnent envie de pousser la chansonnette sans me séparer d’un éternel sourire d’imbécile heureux. C’est le bruit d’un objet qui se casse qui m’arrache à mes pensées et à ma bonne humeur pour guider mes pas jusqu’au bar. Je trouve la rouquine qui me servait de partenaire quelques semaines en arrière. Elle semble vouloir transporter tout un tas de bouteilles. La luminosité est moindre ici, peut-être la faute à l’absence de fenêtres. J’opte donc pour un élargissement de l’ouverture de ma porte qui permet à la lumière d’entrer en une quantité plus appréciable. « Est-ce que ça va ? » J’ignore la raison pour laquelle elle a lâché la bouteille. J’hésite à approcher, nettement plus méfiant depuis mercredi, depuis que tout est parti en cacahuètes. Je remarque l’épais liquide rouge qui recouvre la paume de sa main, mon sang ne fait qu’un tour et je zappe tout le reste pour la rejoindre. « Quel destin mortifère pour cette pauvre bouteille de vodka ! » Le liquide recouvre le sol et noie les morceaux de verre que je tente au mieux d’éviter. « On s’en fiche des débris. Suis-moi ! » Je m’éloigne du bar en lui-même pour tirer une chaise sur les petites tables disposées autour de ce dernier et l’inviter à s’asseoir. « Ne bouge pas ! » J’ai repéré une trousse de premiers secours l’autre soir, quand @Alix et moi étions occupés à siffler des cocktails.

@Apollon lui laisse pas trop le choix et il doit avoir raison au fond. Elle décide d'être docile cette fois et de le suivre, hors du chantier qu'elle a crée. Elle nettoiera plus tard. Kendall vient s’asseoir sur cette chaise qu'il vient de tirer, bizarrement plus calme que son interlocuteur. « Tu sais que je suis pas vraiment une princesse à secourir ? C'était une blague. » qu'elle demande, ou plutôt qu'elle affirme le ton placide alors que ses opales fixent le rouge qui tombe en petite gouttelette de sa main jusqu'au sol. Ça l'énerve presque même au fond, qu'il soit toujours là au bon moment quand elle a besoin de son aide. Kendall joue des apparences tout le temps mais elle reste humaine. Bien sur que ça lui fait quelque chose quand quelqu'un prend soin d'elle. Et à chaque fois qu'il le fait, elle se sent devenir plus fragile. « Je bouge pas... » qu'elle lâche finalement puisqu'il y tient tant que ça. Elle l'attend un moment en silence et comme elle lui a confirmé, elle n'a pas bougé. Elle aurait pu le faire, ce bandage. Il pouvait juste lui donner la trousse de premier secours et partir. Mais faut qu'il joue au héros, que son cœur soit généreux. Ses yeux glacés l'observent, le fixe dans la pénombre en silence pendant qu'il lui fait le bandage. « Je m'attendais à ce que tu sois plus mauvais la dernière fois. » qu'elle souffle assez détachée. Elle parle évidemment des nominations. Elle sait qu'Apollon, il peut être beaucoup plus acide que ce qu'il a répondu la dernière fois. Il l'a d'ailleurs démontré lors du prime contre Solal. Kendall elle, ne s'était pas gênée pour le provoquer comme elle sait le faire, elle n'avait pris aucun gant. Alors elle se demande malgré tout ce qui s'est passé à ce moment-là dans la tête du garçon. Y a mille et une raison à vrai dire elle a l'impression. Elle se demande si c'est parce que c'est sur le coup de la surprise, qu'il a été pris au dépourvu ? Peut-être parce qu'il ne voulait pas trop en dévoiler stratégiquement ? Parmi toutes les raisons, celle qu'elle préfère mais qu'elle n'avouera jamais, c'est parce qu'elle compte quand même un tant soit peu pour lui. Au fond, elle a envie d'entendre ça de sa voix. Elle a envie que l'espace d'un instant, il oublie sa fierté et qu'il lui dise clairement. Elle suppose que c'est mort désormais, que s'il y avait d'infime chance qu'il le dise, elle les avait totalement grillé.

Je ne suis peut-être pas pompier, mais j’ai occupé le poste de maitre-nageur chaque été pendant trois ans et j’en ai gardé de bons réflexes en matière de premiers secours. Malgré tous les événements qui se sont succédés la semaine dernière, Kendall accepte de me faire confiance sur ce coup. Elle se déplace jusqu’à cette chaise que je désigne du regard et s’installe dessus. « Je sais que tu n’es pas une princesse. Oui. » Avant de m’attarder sur son cas, je file récupérer la trousse de premiers soins qui devrait me permettre de soigner cette belle coupure. Je contourne le bar en évitant soigneusement la zone accidentée pour me munir de cette épaisse boite qui, entre nous, n’a rien d’une trousse, et la rejoindre. J’attrape une chaise au passage et m’assieds pour pouvoir lui prendre la main en douceur et observer sa paume. La plaie n’est pas très profonde, suffisamment pour que le saignement soit conséquent malgré tout. « Serre les dents, tu ne pourras pas jouer l’insensible quand je désinfecterais la plaie ! » Pas avec le seul produit que je trouve là-dedans. Du genre alcool qui te défonce bien la gueule et que je verse en quantité suffisante pour bien nettoyer la plaie. Le silence s’installe, m’oppresse. Je déteste cette situation, ce premier degré qui n’a d’habitude pas sa place dans nos échanges. L’acidité, elle est toujours volontaire, maitrisée et affirmée. Les saveurs ne sont plus du tout ce qu’elles étaient. Je n’ai plus envie d’être ici… Quoique… Je ne sais pas ce que je veux, mes pensées s’entrechoquent violemment et je lui voue une haine féroce pour sa capacité à me faire ressentir une telle chose. « Je n’ai pas encore vendu mon âme au diable. » Je remarque, d’un ton complètement détaché, les doigts occupés à déchirer un emballage pour libérer deux compresses que je presse contre la coupure pour contribuer à arrêter le saignement. « Je l’aurais été, si je l’avais voulu ! » Je n’avais aucune raison de l’être. @Zach et elle, je ne pensais pas qu’ils pourraient m’atteindre de la sorte. Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un puisse être en capacité de me blesser. Très peu pour l’absence de sentiments, à priori. @Kendall, je pensais qu’elle me comprendrait. Elle qui a toujours assumé son côté stratège et qui sait ô combien je peux écouter ce cœur dont je nie l’existence le reste du temps.

Serre les dents, tu ne pourras pas jouer l’insensible quand je désinfecterais la plaie !  « Tu veux pari... » Elle n'a pas le temps de finir de faire la maligne qu'elle laisse échapper un cri entre grognement et soupir plaintif d'entre ses lèvres si délicates en sentant le liquide s'engouffrer dans sa plaie et la brûler. « Pfff, j'aurais réussi si tu m'avais pas prise par surprise.. » qu'elle se plaint comme s'il s'agissait encore d'un jeu. Au fond y a rien de grave alors elle le prend comme elle veut Kendall. C'est sa main de toute façon. Le silence s'installe entre les deux candidats. Un silence lourd de sens, qui n'a pourtant jamais eu sa place entre eux. Même lorsqu'il y avait un silence, c'était pas le même. Il n'a jamais été désagréable, insoutenable, étouffant même. Puis elle finit par rompre le silence, avec cette petite remarque qu'elle lance comme ça, comme une bouée à la mer. Il lui confirme qu'il aurait pu l'être, plus mauvais s'il l'avait voulu. Elle ne doute absolument pas de ses capacités pour être plus méchant. Mais maintenant elle se demande bien pourquoi il ne l'a pas voulu ? « Alors quoi, j'ai été trop gentille pour que tu ne te donnes pas à fond ? » qu'elle souffle de nouveau, de façon très détachée. Elle a clairement pas l'impression de l'avoir été, trop gentille. Mauvaise oui, peut-être même injuste. Elle avait réagi à chaud, elle pourtant tout le temps sous contrôle. Sa fierté avait été piquée et c'est la chose à ne pas faire chez Kendall. Alors certes, c'était la faute indirecte d'@Apollon mais ça a été le premier à prendre la parole alors toute sa rage, elle s'était déversée naturellement sur le candidat.

Le liquide se répand en masse et ne tarde pas à conquérir l’intégralité de sa paume. Bien-sûr qu’elle grimace et grommelle lorsque sa plaie entre en contact avec l’alcool. Le nettoyage de la coupure est nécessaire pour éviter qu’une vilaine bactérie profite de cette occasion pour s’infiltrer sous sa peau et faire des siennes d’ici quelques jours. La douleur serait bien plus vive et l’apparence de sa main nettement moins appréciable. « C’est l’évidence. » Toujours avoir le dernier mot, c’est bien plus fort qu’elle, n’est-ce pas ? Je ne suis pas certain qu’elle le fasse exprès, pas constamment. La fierté prend souvent le dessus, il ne faudrait surtout pas que quelqu’un puisse penser qu’elle est fragile. Quelle blessure suffisamment profonde la petite rouquine dissimule-t-elle au point de craindre qu’une personne mal intentionnée puisse sauter sur l’occasion pour s’en prendre à elle ? Il n’y a pas de fumée sans feu, j’en sais quelque chose. Je me suis façonné de la même manière, avec les années, en remontant la pente après d’incroyables chutes qui auront eu le mérite de m’apprendre la vie. Le silence, il est lourd, n’a rien d’agréable. Nos regards avaient l’habitude de se retrouver, de se reconnaitre, de s’apprivoiser à leur manière et de laisser transparaitre nos véritables intentions derrière nos simagrées. Je ne perçois plus rien de cet acabit à présent. Il n’y a que l’obscurité, ce désir partagé de ne surtout pas affronter l’autre trop longtemps dans les yeux pour ne pas avoir reconnaitre la tension qui nous oppresse. Kendall a raison, lorsqu’elle s’étonne de ma gentillesse relative de l’autre soir, pendant l’annonce des nominations. J’aurais pu m’en prendre à @Zach et elle d’un millier de manières différentes mais j’ai décidé d’agir autrement, de leur accorder le bénéfice du doute par amitié. « Trop gentille… » Je répète en un rire à la limite de l’exaspération. Je n’arrive même pas à faire semblant, j’imagine que la fierté ne m’aide plus à donner le change. « Quand j’apprécie quelqu’un, je ne tire pas à vue. » L’impulsivité et moi sommes pourtant de vieilles connaissances. Ma réaction au prime de samedi face aux provocations de @Solal en est la preuve vivante. Je déroule partiellement le bandage que je tiens entre mes mains pour pouvoir en plaquer l’extrémité contre sa paume et commencer à l’enrouler autour de sa main. « Tu dois être déçue de ne pas pouvoir me nominer cette semaine. Les autres le feront pour toi, mais ne t’inquiète pas. La semaine prochaine, si je suis toujours là et que les jaunes peuvent nominer les roses, ce sera la bonne. » Je souffle froidement, les yeux rivés sur la bande, sur mes doigts qui s’affairent à lui offrir le meilleur service possible en dépit de tout ce qui nous parasite.  

Oui, trop gentille. Il a bien entendu. Kendall, elle le dit de cette façon si orgueilleuse qu'elle ne s'étonne pas du ton amer qu'il emploie. Comment pourrait-il réagir autrement face à la rousse effrontée ? Elle a l'habitude d'être dans la provocation pour faire réagir, surtout chez le garçon qu'elle sait sensible à cette méthode. Quand j’apprécie quelqu’un, je ne tire pas à vue. Cette pénombre, elle aide Kendall a baissé le masque, à ne pas devoir chercher constamment à contrôler ses expressions. Il le voit pas, elle s'en assure mais y a ses lèvres qui s'étirent légèrement, juste assez pour libérer la satisfaction de l'entendre prononcer ses quelques mots lourds de sens pour elle. Tu dois être déçue de ne pas pouvoir me nominer cette semaine. Les autres le feront pour toi, mais ne t’inquiète pas. La semaine prochaine, si je suis toujours là et que les jaunes peuvent nominer les roses, ce sera la bonne. Ce ton froid, il l'a jamais eu avec elle auparavant, pas même au tout début du jeu. Ça lui fait bizarre, elle sait pas pourquoi y a ses petits picotements dans le cœur qui l'a prend soudainement. « T'es un idiot. » qu'elle souffle sur ce ton doux amer, comme s'il venait de dire la plus énormité du jeu. Pourtant @Apollon a raison, c'était bien ses mots à la rousse, c'est bien ce qu'elle lui avait presque promis entre les lignes. Elle aurait sa peau, ainsi que celle des roses. Elle les nominerait tous, un par un, sans état d'âme. Elle est dure à suivre Kendall c'est pas nouveau. Entre ses coups d'éclats qu'elle peut regretter, entre sa fierté mal placée qui parle à sa place, entre ses mensonges stratégiques bien plus forts que ses réels sentiments... Le jeu de la belle est dur à suivre, son cœur l'est encore plus. Elle l'interromps dans sa manœuvre, le bandage n'est pas totalement scellé mais elle s'en fout à ce moment-là. Sa main libre vient se poser sur sa joue, sur sa barbe de quelques jours qui pique dans un geste caressant, comme si elle avait à faire à un animal sauvage qu'elle ne voulait pas effrayer. Le rapprochement ne s'arrête pas là. La candidate se redresse, venant rapprocher son visage du sien et poser ses lèvres délicates contre les siennes. Elle scelle un baiser, surement inattendu pour lui. Plus inattendu encore, on aurait pu croire que venant de la sulfureuse, il serait enflammé, ardent... C'est pas le cas. Ce baiser, il est affectueux, d'une douceur nue qu'on ne connait pas chez elle. Jamais elle n'a été aussi douce que maintenant dans ce baiser, jamais aussi vraie aussi. Ce baiser, c'est comme un aveux qu'elle lui fait. C'est comme des excuses, comme des torts qu'elle ne reconnaîtra jamais de vive voix. Elle se recule de quelques centimètres, sa main qui avait pris possession de sa nuque le lâche également. Son regard est détaché, toujours voilé même dans les moments les plus vulnérables. Elle cherche à lire dans les siens un moment, surement pareil pour lui. « T'as fini ? » qu'elle demande finalement avec tout le détachement du monde, suspendant le contact visuel pour regarder sa main.

Je me déteste pour mon honnêteté, pour cette franchise que je n’arrive pas à manipuler à ma guise comme elle le fait. Je parviens parfois à forcer le trait, à dévier par fierté, mais lorsqu’un aspect me touche directement là où, je suppose, se trouve mon cœur, je ne sais plus aussi bien faire semblant. La fin de semaine a été longue, elle a été éprouvante. Je suis peut-être un homme qui se voudrait parfait cliché de la virilité, mais j’ai été secoué par l’avalanche de rancœur que j’ai pris sur la tronche de la part de mes anciens alliés. Leur privation m’a laissé orphelin, à ma manière, parce que cette équipe verte elle comptait beaucoup à mes yeux. Puis les mots prononcés par la personne à l’origine de cette discorde au prime, les menaces et la violence qu’elles suggéraient. Je ne me suis pas laissé faire, bien-sûr, ce serait mal me connaitre, mais au fond de moi, tout ceci est resté profondément ancré. Je n’envisageais pas de telles conjonctures en première semaine, tout n’était que plaisir et légèreté et le climat a radicalement changé depuis. Un idiot. Comment peut-elle me balancer cela au visage ? « Un idiot pour tendre l’autre joue ? Clairement ! Il faut croire que j’aime ça, les menaces ! » Je souffle, sans aucune forme d’aigreur dans la voix. Il s’agirait presque d’un constat articulé avec autodérision. J’ai du mal à aller jusqu’au bout de ce processus, figé entre premier et second degré. Elle se dégage de mon emprise, la bande menace d’atteindre le sol, suffisamment enroulée pour ne pas descendre jusque-là. « Je n’ai pas termi… » Sa main se pose contre ma joue, la caresse et déjà je sens mon cœur s’emballer. J’aimerais trouver un mécanisme de défense d’urgence à enclencher mais je suis comme ce putain de block, privé de courant. Je la distingue tout juste, la faute à cette lampe torche très mal orientée et les sensations en sont décuplées. Ses lèvres, un instant suspendu, hors du temps. Trop court, trop étrange, trop doux, TROP TOUT. Je n’ai pas le temps de réaliser, de comprendre, de prendre part à ce baiser de manière active que déjà elle s’éloigne. Mes prunelles s’élancent à la recherche des siennes. Le perçoit-elle ? Tout le bien qu’elle vient de me faire, ce voile de douceur qu’elle a glissé l’air de rien pour recouvrir ma peine. « Ta main ! » Je quémande, en douceur, sans la quitter du regard pour pouvoir reprendre mon sauvetage et laisser à ma poitrine le temps d’encaisser le surplus d’émotions qui vient de me percuter en pleine face. Tu n’arrives même pas à te remémorer le goût de ses lèvres, c’était agréable et très perturbant, non ? Je suis tenté de me secouer la tête mais j’ai conscience qu’elle me guette. Elle n’attend que cela. « Oui. » J’ai terminé, et pourtant… Pourtant mes doigts se permettent eux aussi de parler à ma place, d’effleurer tendrement sa blessure, comme pour en apaiser les conséquences, comme pour faire s’effacer la douleur.

Le baiser, il n'a pas pour but de titiller ses désirs et éveiller ses sens pour une fin plus charnelle. Il le saurait si c'était le cas, elle y aurait mis un autre type d'énergie. Et c'est peut-être ce qui peut le surprendre après le baiser en lui-même, toute cette douceur qu'elle déploie. C'est un geste tendre, comme une suite logique à cette caresse sur la joue. Au fond elle ne sait pas comment il va réagir, elle est prête à toute éventualité même la pire : le rejet. Mais c'est pas ce qui se passe. Il a une absence de réaction presque amusante. Le beau garçon si assurant ne s'y attendait clairement pas et tout ce qu'il trouve à répondre sur le moment, c'est de lui demander sa main. Elle le regarde un moment avec difficulté, la luminosité n'est clairement pas en sa faveur pour réussir à déchiffrer ses émotions. Ses yeux se posent donc naturellement sur cette blessure qu'il prend tant soin d'arranger comme il peut, qu'il peaufine et termine pour de bon. Mais il ne quitte pas sa main pour autant, dessinant dessus ses caresses qui font du bien. Elle est libre Kendall mais elle choisit de rester captive de son étreinte. « Tu sais ce qu'il signifie ce baiser ? » qu'elle demande avec cet air détaché. Elle a beau faire comme si de rien n'était, qu'il ne s'est rien passé, il n'est pas tabou pour autant. S'il a deviné, chose qu'elle imagine difficile... Et bien félicitation, il a trouvé la recette du décodeur Kendall. Bon nombre ont tenté avant lui et rares sont ceux qui ont réussi, d'ailleurs personne dans un laps de temps si court. Dans le deuxième cas, s'il ne sait pas quoi répondre à cette question... Et bien c'est tout à fait normal, qu'il se rassure. Elle ne le dira pas explicitement que ce sont des excuses, que ça exprime peut-être même des regrets... Que... leur relation d'avant pouvait lui manquer et qu'elle a pris conscience que sa fierté, elle valait pas le coup de perdre ce qu'ils avaient. Tout ça, sous cette forme telle qu'elle, elle ne le dira jamais. Ça restera dans ses pensées les plus profondes. « Il signifie que j'ai pas encore fini de jouer avec toi  » et plus précisément son cœur. « que t'as pas fini de vivre le pire... et le meilleur avec moi » Ce genre de formule avec tant de sous-entendus qui piquent, qui provoquent et en même temps si agréables, ça fait écho à ce qu'ils pouvaient se lancer avant que tout bascule. C'est comme un signe, qu'elle n'est pas encore prête à subir son silence glacial et son indifférence qui fait mal mais qu'elle veut revenir comme avant. Mais elle est gentille Kendall. Elle le prévient. Plus elle le rendra heureux et plus il prendra le risque qu'elle le fasse souffrir encore plus fort. C'est ce qu'elle fait Kendall. Elle donne et reprend au gré de ses envies. Elle est venimeuse et son intérêt, il a un contre-coup. C'est le deal qu'elle lui propose et c'est à prendre ou à laisser. Une nouvelle fois, son visage s'approche du sien mais cette fois pour déposer ses lèvres non sur, mais au coin des siennes alors qu'il peut sentir un léger sourire se dessiner à la fin alors qu'elle se lève pour finir de nettoyer ses bêtises.

Kendall ne m’a pas habitué à une telle douceur. Puis-je invoquer la carte de la surprise ? Pas vraiment, je suis persuadé de l’existence d’une facette comme celle-ci depuis le tout début. Tout est dans le paraitre, avec la jolie petite rousse. Elle a su habilement construire un mythe, une légende qu’elle incarne sans jamais faillir à sa réputation. Une beauté glaciale, une rose pourvue d’épines sur lesquelles risquer de se piquer est comparable à un empoisonnement léthal. Rares sont les opportunités de la découvrir sous un autre angle. Avec une authenticité qui fragilise son armure mais lui va à ravir. Je n’ai jamais trop reparlé de cette journée au mur d’escalade pour cela, pour ne pas prendre le risque de fermer la porte à des instants comme ceux-là, lorsque ses yeux respirent une sincérité qui ne laisse pas de marbre. Lorsque sa douceur transparait sans aucune acidité. Rien n’est simple, avec la jeune femme, il est difficile de savoir sur quel pied danser et c’est ce que j’adore. D’un moment suspendu près de la piscine, à se masser mutuellement au détour de quelques confessions délicatement esquissées à une guerre menée tambour battant pour les mauvaises raisons, nous ne connaissons pas le juste milieu qui, dans notre cas, serait plutôt synonyme d’ennui. Ses lèvres ne me laissent pas indifférent. Il ne s’agit pas d’excitation, elle ne fait pas naitre en moi un désir d’aller plus loin, pas de cette manière, pas aujourd’hui, pas comme ça. L’acte a un sens bien plus profond, je n’ai pas besoin de mots pour comprendre et en partager l’objectif. Son arme, l’obscurité, devient la mienne. L’absence d’une source suffisamment importante de lumière me permet de dissimuler mes émotions, de prendre le temps nécessaire pour assimiler le flot de pensées qui menace de me submerger. Son pansement est une bonne diversion, j’ai à cœur de faire les choses correctement, d’apporter une réponse à un tel mouvement à ma manière. Elle me questionne sur la signification de ce baiser et la tension se fait soudain palpable. Il ne s’agit plus de se tromper, elle ne le tolèrerait pas. « Tu as ravalé ta fierté à ta manière. Pour ne pas avoir à dire les mots qui pourtant te brûlaient les lèvres ! Pour ne pas avoir à avouer que tu t’es trompée sur moi. Que je ne suis pas indigne de ta confiance, bien au contraire. » Je la regarde dans les yeux, sans jamais arrêter de caresser cette main blessée par le verre brisé. « Je ne t’en veux pas ! » Je conclus, en un souffle tout juste audible. Bien-sûr qu’elle trouve moyen de rebondir à sa manière, l’inverse m’aurait surpris. « Tu en redemande encore, c’est ça ? Tu as découvert le goût de la défaite en ma compagnie et tu veux continuer à l’explorer pendant que tu as un adversaire à ta taille ? Je comprends, à ta place j’aurais du mal à m’en passer aussi ! » Je la fixe avec une arrogance qui me va plutôt bien au teint. Les cartes sont redistribuées, game on. Un baiser au coin des lèvres, une fuite qui me laisse le temps de regagner une forme de substance nécessaire pour enchainer. « Laisse-moi faire ! » Je lui dérobe la lampe torche pour me lancer à la recherche d’une pelle, du matériel nécessaire pour ramasser le désastre qu’elle a provoqué. « Pourquoi toutes ces bouteilles ? Tu prévois un mauvais coup ? »