MERCREDI, 23H45- W/@APOLLON

Après le dîner (enfin, le dîner...), elle a voulu faire un tour, Jana. Elle s’est donc éloignée du campement et des tentes. Elle s’est si éloignée que les lueurs du feu de camp ne sont plus perceptibles. La nuit commence à tomber, il commence à faire froid également. Heureusement que la brune a enfilé un sweat avant de se faufiler hors du camp. Elle se ballade encore un peu, finit par atterrir près de la cabane abandonnée. Elle n’est pas sûre de vouloir y entrer à cette heure tardive, parce que franchement, se faire peur volontairement, c’est pas son truc. Néanmoins, elle se dit également qu’elle est ici, déjà sur place. Alors que si elle ne fait pas le tour de la cabane maintenant, elle devra revenir. Et franchement, elle a un peu la flemme. Elle s’approche de l’entrée. Elle hésite encore un peu. Elle ne sait pas ce qui est le pire : ça ou la pièce abandonnée du block ? A voir. Elle essaie de regarder par une fenêtre de la cabane, à défaut d’y mettre un pied. Ouais, pas très tentant tout ça, quand même. Elle entend un craquement derrière elle. Elle se retourne, fronce les sourcils. Pas facile dans la nuit noire de voir quelque chose. Putain, pourquoi n’a-t-elle pas pris une lampe de poche ? Elle entend d’autres bruits et c’est franchement pas rassurant. Elle regarde autour d’elle, aperçoit finalement @Apollon. « Putain, tu m’as fait peur ! » Elle rigole nerveusement. Ça va, si ce n’est que lui.

J’ai de plus en plus de mal à supporter la nourriture que nous ingurgitons ici. Avec un tel corps, vous devez vous douter que je ne mange pas n’importe quoi en temps normal. Je passe toujours volontairement un repas que je remplace par un shaker de poudre protéiné avec quelques fruits sous la forme d’un smoothie mais là, sans le matériel adéquat, je suis de retour à la case départ. Je ne serais pas occupé à m’en plaindre si la bouffe était appétissante. Nous sommes loin de la gastronomie, j’ai même l’impression qu’on passe notre temps à se réunir pour partager des snacks, des trucs blindés d’additifs, de sucre et de matières grasses que je consomme très rarement pour ne pas avoir à en baver davantage à la salle de sport pour maintenir le statu quo. Je n’ai pas le choix, de toute manière, et j’accepte de faire ma pénitence alimentaire, sanitaire aussi. Doit-on encore mentionner les douches qui sont remplacées par un plongeon savonné en plein milieu du lac ? Ou encore les toilettes qui nécessitent que tu tournes comme un lion en cage pendant des heures à la recherche de l’arbre idéal contre lequel t’adosser en toute discrétion pour pouvoir te libérer d’un poids. Le prime me parait tellement loin, il ne reste pourtant plus que quelques jours à tenir mais ces derniers seront forcément les pires à cause de cela. De retour d’une expédition pipi, justement, j’entends du bruit au niveau de la cabane abandonnée et décide d’approcher par curiosité, pour m’assurer qu’un serial killer ne soit pas là, occupé à assassiner un de mes amis. Je ne suis pas une si mauvaise personne que ça, après tout. Lorsque j’entre, lampe rivée sur l’individu en question, je tombe sur Jana et pousse un soupir rassuré. « Désolé, mais tu m’as fait peur aussi ! J’ai cru que t’étais un psychopathe qui préparait sa machette pour tous nous défoncer les chicots ! » Je grimace en imaginant une attaque sanglante en plein milieu des toiles de tente. « Cette forêt me fait flipper, cette cabane encore plus, surtout à cette heure-là ! »

Je tente de mettre la main sur la source d’un tel bruit, parce qu’il y a un sacré vacarme qui s’étouffe avec la même rapidité dès que je m'approche de la cabane. Serais-je sur le point de me trouver nez à nez avec un psychopathe armé d’une hachette ou d’un truc vraiment terrible. Pire encore, serais-je à deux doigts de trébucher sur la dépouille ensanglantée d’un de mes camarades avant d’être pris en chasse à mon tour. J’ai visionné un nombre bien trop important de films d’horreur pour savoir que les victimes ne s’en sortent jamais dans ce genre de scénarios. Non, je n’ai pas la posture du survivant, celui qui arrive jusqu’au bout du film et parvient à combattre le vilain serial killer. Ce n’est pas plus mal, d’un autre côté, on sait tous qu’il revient toujours, même lorsque tu penses l’avoir tué avec une balle dans la tête. Michael Myers a trouvé moyen de revenir à la vie combien de fois après avoir été cramé, décapité et tout ça ? On est d’accord, les boogymen sont increvables et je crains soudainement pour ma pauvre vie. « Tu n’as pas ce qu’il faut pour être une tueuse redoutable. Une petite balayette et tu serais neutralisée avec une arme blanche ! » Il lui faudrait avoir l’effet de surprise pour parvenir à mettre à exécution ses plans les plus machiavéliques. J’acquiesce vivement, impatient tout comme elle à l’idée de quitter les lieux. « J’ai peur de ce que nous réserve la prochaine semaine. S’il est capable de nous envoyer ici en quatrième semaine, Dieu seul sait où nous finirons l’aventure au moment de la finale ! » On peut difficilement faire pire qu’ici, cela dit. « Je suis traumatisé par cette forêt. J’ai tellement peur de surprendre @Kendall le cul en l’air, en train de faire la grosse commission que je n’ose plus aller ailleurs qu’au lac ! Et quand je vais au lac, je me demande toujours si certains oseraient faire ça pendant qu’ils se baignent ! JE N’OSE PLUS RIEN FAIRE ! » Je confesse, horrifié par toutes ces idées qui m’assaillent, aussi ridicules puissent-elles être. Un truc craque dehors, puis une deuxième branche, puis un espèce de bruit bizarre, comme un grognement derrière nous. « Euh… J’sais pas ce qui me fait le plus flipper là, l’intérieur ou l’extérieur ? On entre ?! » Cette semaine doit se terminer, et vite.

« Je ne crois que ce que je vois madame. Tu veux qu’on improvise une compétition de lutte, là, sur le perron de cette cabane flippante à souhait ? » Je provoque, en me cambrant légèrement pour pouvoir ressembler à ces compétiteurs sur le point d’entamer un combat digne de ce nom. Les deux mains devant mon visage et les doigts qui l’invitent conjointement à approcher pour démarrer un premier round. Je me redresse après une telle imitation, amusé par ma propre bêtise. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis ravi de trouver en Jana une personne avec qui partager cette impatience qui me ronge et me donnerait presque envie d’utiliser un couteau pour créer un échéancier sur le bois d’un arbre centenaire pour symboliser le nombre de journées qui nous séparent d’un retour à ce que j’estime être une situation plus traditionnelle. Le tout, avec une inquiétude que je partage par générosité, histoire de ne pas être le seul à cogiter au risque de sombrer dans la paranoïa sur les plans que pourraient vouloir articuler Georges pour nous rendre la vie impossible dès la fin du prime de samedi. « Tant qu’on a des toilettes et une salle de bain à disposition ! » Je reprends vivement. Je peux encaisser la privation de sommeil, la malbouffe et l’ensemble des aléas d’une telle situation mais l’hygiène me pose un véritable problème sur lequel j’ai un mal fou à passer. Mon esprit, bien trop fertile pour mon propre bien, se surprend à créer des scénarios qui impliquent une @Kendall dans une position qui, malgré tout, m’amuse énormément. Je suis moins emballé à l’idée de me nettoyer dans un lac souillé par les excréments de certains de nos camarades. « J’affirmerais que l’idée vient de toi, si un tel scénario se produit. Peut-être même que tu seras la première à foncer pour ne plus avoir à t’essuyer avec des feuilles quand le papier toilette manquera à l’appel ! » Jamais à court d’idées pour la titiller, voyez-vous. Heureusement qu’il ne nous a pas privé de ce produit de première nécessité, Georges. Vous imaginez la catastrophe s’il avait vraiment été nécessaire de faire sans ? Je suis utilisé comme rempart de protection après l’accumulation de bruits vraiment trop effrayants. « Tu devrais peut-être fermer la porte derrière-nous par contre… Tu invites le tueur en quête de victimes à étriper à nous rejoindre là ! Avec un peu de chance, il s’agit peut-être d’un vampire qui sera coincé sur le seuil de la porte si on l’invite pas à entrer… Tu sais… Comme dans Buffy ! »    

« Beaucoup de mots pour trop peu d’action, si tu veux mon avis. Vas-y, je t’attends ! » Je chuchote, d’un ton aisément tenté de gagner en intensité. Il n’y a aucune raison de vouloir faire preuve de discrétion de toute manière. Pas pour le moment. J’observe la devanture de cette cabane. Elle ne date pas d’hier, j’en viens même à me demander si des gens ont déjà réellement eu le loisir de vivre en son sein. Je ne sais pas, elle n’est pas assez grande pour cela, pas équipée pour accueillir du monde dans des conditions optimales. J’ai soudainement ce film d’horreur du début des années 2000, Wrong Turn avec la meuf qui me faisait grave chavirer dans Buffy Contre Les Vampires. Vous savez, la tueuse rebelle, violente et accro au sexe. Comment est-ce qu’elle s’appelle déjà… Ah oui, Faith Lehane. Un film d’épouvante avec l’actrice qui incarnait ce personnage dans la série vampirique. Des jeunes qui sont chassés dans la forêt par des mecs malformés à tendance hautement cannibale. J’en ai des frissons rien que de repenser au petit rire sadique de l’un d’entre eux et de cette scène perchée dans les arbres où l’un des personnages se fait trancher la tête en un coup de hache bien cadré. « D’accord, rendez-vous est pris pour la semaine prochaine, dans ce cas ! » Ne croyez pas que je vais la laisser s’en sortir aussi facilement sous prétexte que l’endroit est effectivement très mal choisi. « Je ne pensais pas qu’il était possible d’en arriver là avant de débarquer ici ! » Les toilettes, la possibilité de s’asseoir sur l’abattant pour profiter d’un moment en toute intimité. La salle de bain, une bonne douche chaude après deux semaines sans cette possibilité. Vivement samedi soir, que cet enfer prenne fin. Les idées qui me viennent à l’esprit sont purement et simplement dégueulasses. Il faut que ça cesse, que mon esprit arrête d’imaginer des scénarios de cet acabit. « Tout à fait, ce n’est pas parce que je suggère qu’il faut faire, tu vois ? Ça te pose problème ? » Je provoque, non sans bomber le torse pour marquer une fierté factice. Les bruits se succèdent et nous poussent à pénétrer à l’intérieur de la bâtisse. « Pas faux… » Mes pas nous guident prudemment dans une pièce adjacente lorsque la fameuse porte d’entrée claque d’un seul coup. « JE T’AVAIS DIT QU’ON ALLAIT SE FAIRE REPÉRER ! » Je couine en l’attrapant pour le bras pour aller se cacher dans le placard, là-bas. Putain, la décision que je critique toujours dans les films d’horreur. Ce n’était surement que le vent, en plus.      

L’ambiance à la soirée feu de camp a eu très vite fait de m’ennuyer. La fraicheur, également, celle qui me pousse à resserrer mon sweat contre ma peau en espérant parvenir à trouver une forme de chaleur un peu plus appréciable. Je ne m’étais pas préparé à endurer un tel froid lorsque j’ai été invité à n’emporter que le nécessaire pour intégrer l’émission. À cette époque de l’année, je ne pensais pas avoir besoin d’une parka, de gants ou d’un bonnet par exemple. Tout cela aurait pu m’être très utile pour supporter les nuits d’une fraicheur glaciale sur le camp. Les journées sont pourtant chaudes, il est même appréciable de piquer une tête depuis le ponton dans le lac mais les arbres font rempart à la nuit tombée et contribuent à instaurer cette ambiance digne d’un film d’épouvante. Ne manquerait plus qu’un peu de brouillard et l’atmosphère serait complètement installée, prête à nous faire sursauter à l’aide d’un jumpscare parfaitement maitrisé. « Qu’entends-je ? De si vilains mots s’échapper des lèvres d’une fille si douce ! La déception est immense, je tiens à te le dire ! Je n’irais plus jamais chercher des pièces au fond de la fontaine pour que tu puisses faire un vœu ! » Comme s’il s’agissait d’une privation aussi extrême que celle à laquelle nous sommes tous les deux confrontés cette semaine, en l’absence de sanitaires et de conditions de vie dignes de ce nom. Des bruits non identifiés nous invitent à intégrer la cabane jusqu’à ce que cette maudite porte claque d’un coup sec et brutal. Les injures de ma camarade à mon encontre ne m’inquiètent pas plus que cela présentement, bien trop sous le coup de l’adrénaline pour réaliser ou m’en indigner. Mes yeux se posent sur le placard dans lequel je nous enferme avant de réaliser l’erreur tactique, celle que je critique systématiquement dans les films d’épouvante. « Tu sais qu’on est le binôme qui se fait massacrer pendant que tous les autres profitent d’un feu de camp, la guitare couvrira surement nos hurlements. On ne retrouvera nos dépouilles que par hasard, quand le vilain tueur aura décimé une partie d’entre nous. » Il y a toujours deux ou trois personnages qui s’éloignent du reste du casting, souvent pour coucher ensemble ce qui, dans notre cas, est loin d’être le cas. La mort se trouve toujours au tournant. Leur disparition motive d’autres séparations qui mènent au même destin mortifère. « On reste ensemble. » Attendre me parait être une bonne option, au moins pour les cinq prochaines minutes, jusqu’à ce que la claustrophobie reprenne le dessus. Elle me demande de parler, de combler le silence. « Tu ne veux pas que je commence à improviser un air de tamtam avec mes mains pendant qu’on y est… Histoire d’attirer la chose qui rôde peut-être dans la cabane, à notre recherche ! » Je souffle. « Le moment est-il bien choisi pour te révéler que j’suis claustrophobe ? Je crois que j’étouffe… Toi, parle-moi… Détourne mon attention ! »