@Boaz

il n’aime pas le calme après la tempête, l’écume triste des lendemains de fête, la lente crémation de l’oubli quand l’esprit se rappelle à lui par-dessus le corps qui s’apaise. la fièvre retombe, sa température renoue avec des seuils raisonnables et v, avec l'intermonde. les jambes enlisées dans les sables mouvants que peuplent les disparus, le regard tourné vers la prochaine destination. sa main s’écarte de la nuque encore brûlante de boaz s’étirant contre son torse, caresse le milieu de son dos du bout des doigts, les yeux clos. il a l’air paisible, v, presque endormi quand une inspiration soulève la gorge d’une douce envie, celle de quelques heures de sommeil dont il sait qu’elle n’est qu’un mirage tendu par sa conscience. la dystonie qui règne en lui le coupe en deux, le corps pacifiste au repos tout près de boaz, l’esprit en déroute sur la ligne de front de kreminna dans une forêt dénudée aux troncs et branches calcinées. il court sans s’essouffler, l’amygdale tournoyant dans le cerveau. des obus explosent autour de lui, éclatent parfois en un coup de tonnerre, d’autres fois ils sifflent en arrivant comme un vent venu d’une autre planète. la forêt brûle, la fumée se répand comme de la neige carbonique. virgil se penche sur le côté et attrape sans déloger boaz l’une de ses clopes dans le paquet qu’il a balancé à terre en même temps qu’il déchirait ses sapes. « touche à rien », gueule dima en lui montrant une caisse en bois abandonnée au sol. elle est forcément minée. la cendre masque le ciel mais pas les drones mavic qui guettent le moindre mouvement. si tu plisses les yeux, tu verras que ce que tu prends au loin pour des monceaux de bois sont des rangées de brigades russes. les doigts de v actionnent le briquet et il disparaît dans la fumée de la cigarette qu’il biberonne. il voit dima courir devant lui, zigzaguer sous une grêle mortelle pour apporter un drone à ses potes du bataillon dnipro 1. oublie tout le reste, la guerre c’est ça : des connards qui courent dans les sous-bois en priant pour que les obus ne les touchent pas. ses yeux s’ouvrent à nouveau sur le microcosme du confessionnal, leur vert coruscant le cherchent lui dans les décombres qui s’évaporent doucement pour le faire apparaître. il est toujours là. v lui tend la cigarette, esquisse un sourire à la vue de son expression ; semble contrarié d’être resté, sûr d’être au bon endroit. improvisé cicérone de l’aftersex, virgil guide boaz dans les ondulations d’un labyrinthe aussi artificiel qu’un paradis, où les antiphonies sonnent juste, où le parfum d’un calme captieux les enveloppe tous deux. sa main regagne ses cheveux et ses doigts dessinent contre son crâne des arabesques sans tête ni queue. l’âme s’enroule à l’âme, mord tendrement dans son parfum nuiteux.